Les films projetés au cinéma n’attirent plus les cinéphiles comme dans le passé. Enquête.
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Angèle, cinéphile |
Dans les années 1996-2000, le cinéma était encore un véritable loisir au Cameroun. Les week-ends, jours fériés ou encore les mercredis après -midi, les salles étaient toujours pleines. De longues files d’attente devant les guichets donnaient au cinéma toute sa valeur. A Yaoundé le cinéma Abbia et le cinéma le Capitole se faisaient une concurrence régulière dans l’optique de mieux appâter la clientèle : Spots publicitaires, jeux concours dans les radios, campagnes de proximité étaient des actions quotidiennes ou hebdomadaires que menaient les responsables de ces deux salles de la capitale. Angèle une cinéphile se souvient de cette époque: « Quand j’étais encore au lycée et à l’université, on était abonné au ciné mes copines et moi ». C’était le même scénario à Douala la capitale économique avec le cinéma le Paradis, le cinéma le Wouri, le cinéma Grand Canyon, et le cinéma le Berlize. A Bafoussam dans la région de l’ouest du pays, le cinéma Empire a su s’imposer. Et on peut dire alors que c’était la belle époque du 7e art au Cameroun.

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Collaborateur du Directeur du cinéma Abbia, Yaoundé |
Mais c’est à partir de 2003, avec la fermeture du cinéma le Capitole à Yaoundé et d’autres salles à Douala, que le cinéma a commencé à battre de l’aile. Les moyens de productions limités, l’absence de financement, la gestion approximative des ressources financières et humaines, ont prêté le flanc à diverses dérives et fini par faire perdre au cinéma ses lettres de noblesse. Actuellement il existe trois principales salles de cinéma au Cameroun : « l’Abbia » à Yaoundé, « le Wouri » à Douala et « l’Empire » à Bafoussam.
Malgré l’absence de la concurrence, ces salles n’arrivent plus à faire le plein. Au cinéma Abbia où nous nous sommes rendus, quelques cinéphiles scrutant le programme affiché à un babillard étaient présents. Le bureau du Directeur est fermé, et personne ne peut nous renseigner. Quelques minutes après, c’est un collaborateur du directeur qui vient vers nous et s’interroge sur l’objet de notre présence. L’ayant su, sa réponse est simple : « Je ne suis pas autorisé à vous donner les chiffres de vente des billets par rapport aux années antérieures c’est notre cuisine interne ». Ces propos nous confortent dans notre thèse selon laquelle la fréquentation de cette salle par les cinéphiles est en baisse. D’ailleurs, un coup d’ il sur les tarifs d’accès montre que les prix ont baissé. Dans cette salle les cinéphiles peuvent maintenant visionner leur film à partir de 500FCFA jusqu’à 2000FCFA pour « l’avant première ».
Même si ces responsables brillent par leur mutisme sur les chiffres, on est en mesure d’affirmer qu’il y a baisse de régime. De plus en plus les salles de cinéma sont même réquisitionnées pour l’organisation des spectacles artistiques(le Cameroun étant l’un des pays d’Afrique qui ne dispose pas d’une salle de spectacle). Seuls quelques cinéphiles inconditionnels font encore le déplacement de ces salles.
Christelle, élève et cinéphile rencontrée sur les lieux est encore attirée par le grand écran et l’ambiance de la salle. D’autres personnes interrogées dans la rue préfèrent regarder ces films à domicile. Avec l’avènement du câble, la piraterie des uvres, on peut acheter le même film qu’on regarde au cinéma Abbia et le voir à domicile. En effet certains films programmés en avant première au cinéma sont même disponibles bien avant au marché, en bordure de route. L’autre goulot d’étranglement du cinéma est lié au faible revenu des populations mais aussi et surtout aux multiples occupations de chacun.

L’absence des campagnes de marketing et de communication, de nouveaux films font aussi partie des couacs managériaux des opérateurs des salles de cinéma au Cameroun. Et au regard de la gestion actuelle de ces salles par ces opérateurs qui ont, entre autres charges, le paiement des salaires du personnel, des impôts, des factures d’eaux, du courant électrique, on est en droit de craindre qu’un jour nos métropoles se retrouvent sans salle de cinéma viable.
