La société pétrolière a ouvert une station -service de plus, alors que les conditions de travail des pompistes de cette grande structure pétrolière étatique laissent à désirer
Qui de Tradex SA ou de Down Stream consulting Sarl répond du personnel des stations services Tradex? La question ne manque pas d’intérêt. Et pour cause, il y a comme un flou artistique dans l’utilisation du label Tradex SA (marque déposée) par ces deux entreprises. La confusion fait son lit d’une curieuse cohabitation où la duplicité est le maître- mot. Tradex SA a confié la formation, le recrutement et l’emploi des pompistes à une société de sous traitance nommée Down Stream consulting Sarl. A la signature du contrat avec Down Stream, le pompiste est informé qu’il ne compte pas dans les effectifs de Tradex. Pourtant, il est contraint d’arborer une tenue de travail frappée des couleurs et du logotype de Tradex. Il doit par ailleurs utiliser les équipements estampillés Tradex. Bref, il contribue à bâtir un prestige auquel tout l’exclut. Tenez, après avoir travaillé une partie de la nuit, le pompiste de Tradex n’a pas d’autre choix que dormir à même le sol. Les incidences des nuits de travail pour les épouses sont visibles au niveau des couples et de l’éducation des enfants. Témoignage de madame Eukaria: mon mari s’oppose au travail de nuit; mes enfants en souffrent énormément. Je n’arrive plus à voir mes enfants et ces derniers ne me voient presque plus. Lorsque je travaille dans la soirée, je quitte la maison à 15h30. En ce moment-là, les enfants ne sont pas rentrés de l’école. Le lendemain, en rentrant à la maison à 8h, ils sont déjà repartis à l’école. Il m’arrive ainsi de passer deux, trois quatre jours par semaine sans être avec mon mari et mes enfants.
Propreté de la station et la santé aux frais de l’employé
L’une des raisons de ce travail de nuit excessif des femmes est souvent le refus de céder aux avances de leur «chef». Les petits mariages entre «chefs» et pompistes sont réguliers. L’autre raison est le licenciement abusif entretenu par Down Stream, qui met à la porte des pompistes sans que Tradex soit au courant. Très souvent les personnels licenciés ne sont pas remplacés. Et le volume du travail devient énorme pour tout le monde. On nous fait beaucoup travailler et parfois on se retrouve à six (6) personnes à la station au lieu de douze (12), lance Mme Eukaria. Souvent, on vous fait «doubler le quart», ajoute Monsieur. X. Cette pratique consiste à passer toute une nuit à la station. Au lieu de rentrer à 8h, on vous demande de continuer le travail jusqu’à 17h30. «Pour quel salaire?» s’interroge une employée. Le ménage à la station? Nous devons sortir l’argent de notre poche pour entretenir la station, raconte Mme Eukaria. Selon les stations services, 1000 francs et 2000 francs sont prélevés dans nos salaires pour la propreté des stations. Nous gagnons combien pour qu’on vous enlève encore 2000 francs dans nos salaires, s’indigne Mme Y. Tradex comme Down Stream consulting ne s’occupent pas des frais médicaux des personnels à la pompe. Pourtant, dans d’autres sociétés de distribution, on remet régulièrement aux pompistes le lait, les parapluies et les redingotes, pourquoi Tradex ne le fait pas? s’interroge Mme Y
Un employé, deux employeurs complices
Le népotisme, le favoritisme et le tribalisme, l’enrichissement à tout prix prospèrent grâce à la complicité des deux employeurs du personnel à la pompe dans les stations- services de Tradex. L’ascension professionnelle à la station, rappelle Mme Eukaria, n’obéit à aucun plan de carrière. Pour évoluer ici, ajoute-t-elle, il faut être le frère, le cousin, la s ur, la cousine, l’ami de tel ou tel dirigeant. Ce n’est pas pour rien que vous trouvez ici àTradex en majorité les bassas et les ewondos. Le pompiste à Tradex gagne mensuellement 78.000F. Certaines indiscrétions provenant de Tradex disent qu’il devrait gagner le double, soit 150.000F. 60.000F sont prélevés dans les trois premiers salaires de la recrue pour l’établissement d’un diplôme de formation de pompiste par Down Stream. Depuis, deux ans, raconte Untel, on m’a promis de me donner mon diplôme de pompiste. Jusqu’aujourd’hui, je n’ai rien reçu, mais les 60.000F avaient été prélevés. Les licenciements abusifs sont monnaie courante dans les stations services Tradex. Le pompiste à Tradex sait qu’il peut perdre son emploi à tout moment selon l’humeur du manager général témoigne un pompiste sous le couvert de l’anonymat. Et de préciser: Nous sommes dans l’insécurité professionnelle à Tradex (.) Dernièrement, on a licencié plus de quinze (15) pompistes parce que le Directeur les a surpris en plein sommeil à 5 h. Et quand on vous licencie, vous n’avez aucun droit et l’on vous rappelle que si vous allez en justice, vous perdez votre temps parce. De tels propos suggèrent la question suivante: pourquoi sous-traiter avec une entreprise qui manifestement est loin des standards requis en la matière? Bon à savoir, Down Stream consulting Sarl, approché formellement par nos soins à travers un protocole d’interview soumis à son directeur général, n’a pas réagi à notre sollicitation. Jadis spécialisée dans l’importation et la distribution des produits pétroliers dans la sous-région et même en Afrique avec ses partenaires suisses, Tradex SA est aujourd’hui une structure de l’Etat du Cameroun orientée dans la distribution du carburant à travers un réseau (grandissant) d’une quarantaine de stations services. La société Tradex donne l’image d’une grande entreprise en perpétuelle croissance. La gestion à la petite semaine du personnel à la pompe en fait un géant aux pieds d’argile.