Un rapport officiel parle de fraude à hauteur de plusieurs milliards, mais aucune réaction pour l’instant des instances judiciaires
L’opinion publique au Cameroun attend aujourd’hui de voir la suite qui sera réservée au Rapport sur l’état de la lutte contre la Corruption au Cameroun par la commission nationale anti-corruption (CONAC) le 29 novembre dernier. Le document de 300 pages rend compte de la situation de la corruption dans le pays au cours de l’année 2011. Le rapport a révélé des informations assez surprenantes. On apprend par exemple que l’un des projets les plus importants du moment au Cameroun, le projet de construction d’un barrage de retenu à Lom Pangar dont la pose de la premier pierre a été effectuée par le président Biya lui-même, a été marqué par des pratiques peu orthodoxes dans l’attribution de certains marchés y relatifs et à hauteur de plus de 2 milliards de Fcfa. Autre grand projet marqué par la corruption, celui de la construction d’un port en eau profonde à Kribi dans le littoral sud du pays. les enquêteurs de la commission ont mis en évidence l’existence d’un réseau de fraude dans le processus d’indemnisation des populations déguerpis. Il a été constaté que 58 sur près de 900 personnes ont reçu à elles seules 100 millions de Fcfa. Au passage la CONAC relève aussi la falsification de titres fonciers. La CONAC dans le rapport a aussi révélé des cas de blanchiment d’argent impliquant des établissements bancaires publics et privés. Il précise qu’au 31 décembre 2010, il y avait 3 884 727 668 de Fcfa de recettes fiscales de l’État stockés dans quelque 10 banques commerciales. L’institution a demandé au ministère des Finances de récupérer l’argent. Il y a aussi des cas de transactions financières frauduleuses avec 40 dossiers transmis à la justice en 2011 pour près de dix milliards de Fcfa.
L’information a été récupérée par de nombreux médias et est relayée largement dans les radios, qui demandent aux responsables indexés de rendre des comptes ou les sommes querellées. Au sein de l’opinion publique cependant, on s’interroge sur le rôle du Tribunal Criminel Spécial. La loi qui le crée précise qu’il doit pouvoir se saisir de toute affaire impliquant les atteintes de la fortune publique portant sur plus de 50 millions de FCFA et sur la base d’une simple dénonciation. Depuis quelques temps, plusieurs personnes se demandent pourquoi cette instance judiciaire ne s’est pas mise en branle pour ouvrir des enquêtes dans des affaires révélées, comme celle du trafic des titres publics impliquant le fils du président de la république. On s’étonne aussi aujourd’hui de voir que le même TCS ne réagit pas face au rapport de la CONAC, qui au final devient un document budgétivore, en ce sens qu’il relève des manquements, mais qui ne font l’objet d’aucune suite connue. L’inertie du TCS alors que la corruption touche des projets supposés sortir le pays de la pauvreté, est la preuve pour beaucoup, que cette instance n’est pas aussi autonome que le ministre de la justice avait voulu le faire croire lors de la sa séance inaugurale il y a un mois.
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