Face à une forte représentation internationale, il a pris les commandes pour une difficile réconciliation
Depuis samedi 21 mai dernier, Alassane Ouattara est désormais pleinement président de la Côte d’Ivoire, mais il aura fort à faire pour rassembler et réconcilier, priorité pour un pays déchiré par six mois d’une sanglante crise post-électorale. « ADO », comme le surnomment ses partisans, assis sur son majestueux fauteuil présidentiel, et entouré dans la capitale politique d’une vingtaine de chefs d’Etat, dont le président français Nicolas Sarkozy, et du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon: La fête avait tout d’un couronnement. Même s’il est aux commandes depuis plus d’un mois, « il fallait à Ouattara le sacre de l’investiture; d’une façon symbolique, il a maintenant l’autorité », explique un expert. L’intronisation a marqué l’épilogue de la crise née du refus de Laurent Gbagbo de céder le pouvoir après sa défaite au scrutin de novembre 2010, qui a conduit à la guerre dans le pays et à l’arrestation de l’ex-président le 11 avril. « La Côte d’Ivoire se réconcilie et se rassemble», a assuré le nouveau chef de l’Etat. Mais la tâche s’annonce ardue après six mois de violences qui ont fait près de 3.000 morts, selon le nouveau pouvoir. La sécurité reste un défi majeur. Elle incombe encore aux Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) de M. Ouattara, c’est-à-dire aux ex-rebelles du Nord, qui à leur arrivée à Abidjan se sont livrés à des pillages massifs et sont parfois accusés de règlements de comptes. « Il n’y a pas plus de 20% des forces jadis loyales à Gbagbo qui sont revenues au travail », souligne l’expert, pointant l’immense chantier de la réorganisation des forces armées, sur fond de méfiance entre anciens ennemis. Alassane Ouattara a confié à son Premier ministre Guillaume Soro, « chef incontesté des FRCI », le soin de « régler ce problème », indique une source diplomatique africaine. Il dirigera, a priori jusqu’aux législatives prévues avant fin 2011, le « gouvernement d’union » attendu dans les prochains jours. Le nouveau président a souhaité que « des éléments modérés » du parti de M. Gbagbo l’intègrent, ce qui signerait de premières retrouvailles. Privé de l’essentiel de ses hauts cadres, en résidence surveillée ou en exil, en particulier au Ghana, le camp Gbagbo reste pour l’instant sans voix.
La reconstruction de la Côte d’Ivoire, longtemps le partenaire privilégié de la France en Afrique de l’Ouest, a été évoquée par les deux chefs d’Etat lors d’un petit déjeuner. Outre les questions économiques, la question de la sécurité a été abordée, M. Ouattara souhaitant des garanties sur le maintien du dispositif Licorne de l’armée française, dont les effectifs sont passés de 900 à 1.700 hommes au plus fort de la crise. La France s’est déclarée prête à contribuer à une refonte des forces de sécurité ivoiriennes, pour surmonter les divisions Nord-Sud qui les ont traversées depuis la tentative de coup d’Etat contre Laurent Gbagbo et la guerre civile de 2002-2003. Venu à la rencontre de la communauté française, Nicolas Sarkozy a déclaré que la France garderait toujours des forces militaires en Côte d’Ivoire. « Nous garderons toujours des forces militaires ici pour assurer la protection de nos ressortissants », a-t-il dit lors d’un discours devant la communauté française d’Abidjan. Mais je veux que les choses soient claires entre nous. L’armée française n’est pas là pour assurer la stabilité de quelque gouvernement que cela soit, (même) un gouvernement ami. Ce sont les Ivoiriens qui doivent choisir, a ajouté le chef de l’Etat, qui s’exprimait dans l’enceinte de la base française de Port-Bouët. « C’est important d’être ici, en Côte d’Ivoire, à côté du président Ouattara pour la démocratie et pour l’Afrique », a-t-il déclaré à sa descente d’avion. Lors de la cérémonie d’investiture, M. Ouattara a déclaré que le temps était venu de rassembler les Ivoiriens. « Célébrons la paix sans laquelle aucun développement n’est possible », a-t-il poursuivi, lançant un appel solennel à la réconciliation pour qu’émerge « un Ivoirien nouveau ». « La Côte d ‘Ivoire se réconcilie et se rassemble », a-t-il insisté.
