Le Gouvernement a entrepris, en participation avec la société civile, le secteur privé et les partenaires au développement la formulation d’une vision à long terme pour le développement du Cameroun dans un horizon de 25 – 30 ans. Cette opération signale une réorientation qualitative majeure dans l’histoire économique de notre pays au cours de ces vingt dernières années. Jusqu’en 1985 en effet et pendant deux décennies de croissance régulière, l’économie camerounaise a enregistré des taux de croissance réels de l’ordre de 7%. L’Etat assurait l’essentiel des missions, même dans les secteurs productifs et l’économie s’appuyait sur les plans quinquennaux comme outil de pilotage à court et à moyen termes du développement sur la base des perspectives à long terme.
Avec la crise qui se déclare en 1985, le Gouvernement entreprend des mesures de relance économique et réalise, avec l’appui des bailleurs de fonds, des programmes de stabilisation et d’ajustement structurel qui ont entraîné la mise en veilleuse des réflexions sur le moyen et le long terme. Le Cameroun va ainsi exécuter de manière satisfaisante une longue thérapie qui prendra de multiples contours successifs avant d’aboutir, en 2006, à l’atteinte du Point d’Achèvement de l’Initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) qui se traduit par une remise substantielle de sa dette.
La croissance retrouvée depuis les lendemains de la dévaluation n’a cependant pas atteint une vigueur durable susceptible de réduire la pauvreté dans un terme proche. A l’évidence, la multiplicité des cadres de référence de l’action économique fonctionnant sans une vision commune et cohérente constitue l’une des lacunes majeures de notre politique économique. Il s’en suit d’importants dysfonctionnements, une absence d’arbitrage rationnel dans la sélection des programmes, un déséquilibre dans l’aménagement régional, un impact de l’investissement public fortement réduit et une faible appropriation d’outils d’évaluation, de coordination et de réorientation des appuis financiers extérieurs. Le Cameroun, pour renforcer la reprise économique amorcée depuis une décennie et l’asseoir durablement, doit donc inscrire à nouveau ses politiques de développement dans une perspective plus large et plus globale. D’où la nécessité de se doter d’une Vision Prospective, préalable à toute stratégie nationale de développement à long terme. A la suite d’une démarche participative associant toutes les forces de la Nation et fondée sur les Grandes Ambitions du Chef de l’Etat, les études structurelles du système, les aspirations des populations camerounaises et les engagements internationaux souscrits par le Gouvernement, il s’est dégagé une vision partagée du Développement au Cameroun.
Cette vision propose des réponses aux aspirations profondes des camerounais sur un horizon suffisamment long pour anticiper les changements structurels de la société. L’évolution proposée fait face à quatre défis majeurs : la croissance économique qui reste végétative, la vigueur démographique, l’urbanisation explosive et la gouvernance insuffisante. Ces défis ont permis de définir les objectifs sectoriels et des indicateurs spécifiques en prenant comme base de référence quatre pays qui ont, à un moment de leur histoire présenté une architecture économique analogue à celle du Cameroun : l’Indonésie, la Malaisie, le Maroc et la Tunisie. La Vision qui en a découlé a retenu comme objectif principal: Devenir un pays émergent à l’horizon 2035, en suivant quatre objectifs fondamentaux:
1. L’éradication de la pauvreté, en la ramenant à moins de 10% par une croissance accélérée et créatrice d’emplois et une politique ambitieuse de redistribution des revenus à travers notamment l’intensification, la généralisation et l’amélioration des services sociaux (santé, éducation, formation, eau, électricité, voies de communication, .)
2. Le stade de pays à revenus intermédiaires visera à multiplier le revenu moyen par la consolidation, sur une durée suffisamment longue, du rythme de croissance qui devrait atteindre 10% d’ici 2017, grâce notamment à une diversification plus poussée des activités économiques.
3. Le stade de Nouveau Pays Industrialisé qui verra le passage de la phase d’économie primaire à la phase de deuxième import substitution avec une production manufacturière contribuant à plus de 23% du PIB.
4. Le stade de pays émergent qui consacrera notre intégration à l’économie mondiale sur le plan commercial (exportations importantes) et financier (ouverture des marchés financiers aux capitaux extérieurs).
Cette vision s’appuie sur un cadre de référence bâti sur quatre axes d’action :
– Dans le domaine macroéconomique, il sera nécessaire, tout en préservant la stabilité macroéconomique, d’accélérer la croissance en investissant massivement dans les infrastructures et la modernisation de l’appareil de production. L’hypothèque que fait peser la crise énergétique sur la croissance devrait s’en trouver durablement levé. Les efforts concomitants à réaliser en vue de l’amélioration significative du climat des affaires et de la gouvernance devraient faciliter la mobilisation des financements internes et externes nécessaires au développement.
– Dans le domaine sectoriel, il sera urgent et indispensable, pour résoudre la crise alimentaire et faire du Cameroun le grenier de l’Afrique Centrale, d’intensifier les activités sylvo-agro-pastorales et piscicoles et de passer à une structuration plus professionnelle du monde rural, dominée par les grandes et moyennes exploitations. Le développement de l’exploitation des ressources du sous-sol devrait attirer en priorité les investissements directs étrangers et permettre ici et là l’acquisition de nouvelles technologies.
Le développement de l’industrie et une politique commerciale ambitieuse entraîneront la prédominance du secteur secondaire, avec un primaire intensif et un tertiaire professionnel, spécialisé et fournisseur d’emplois décents. Concomitamment devrait apparaître une modification de la structure du commerce extérieur vers une intégration moins timide dans les échanges mondiaux.
– Dans le domaine socio démographique, les objectifs sont de faire de la population l’acteur principal de son propre développement à travers une politique volontariste de création d’emplois décents, d’accroître l’espérance moyenne de vie en améliorant les conditions de vie à travers une généralisation de l’offre et de la qualité des services sociaux, de maîtriser l’accroissement de la population en tenant compte des exigences de la croissance économique, de réduire les écarts entre les riches et les pauvres par l’amélioration du partage des fruits de la croissance économique, et d’accroître la solidarité nationale et la protection sociale des couches vulnérables.
– Dans le domaine de l’aménagement du territoire, l’enjeu stratégique sera de maîtriser l’espace, de protéger l’environnement et de lutter contre les effets déjà perceptibles des changements climatiques.
Il s’agira aussi de favoriser un développement régional et local autonome mais complémentaire des actions de l’Etat, d’anticiper et de planifier le développement incontournable des villes, grands centres de consommation, principaux centres de production de richesses et réservoirs de facteurs nécessaires à tout essor industriel, Ces axes d’actions seront soutenus par une stratégie d’industrialisation ambitieuse, une stratégie de promotion du secteur privé, une stratégie de gouvernance avec en toile de fond une stratégie d’allocation des ressources, une stratégie d’intégration sous régionale, régionale et internationale, et une stratégie de partenariat et d’aide au développement. La réalisation d’une telle Vision nécessite cependant la maîtrise de certaines menaces, risques et hypothèques tels que les transitions politiques, la stabilité sociale et les hétérogénéités régionales du développement, les effets érosifs de la mondialisation et les effets de marée de l’économie nigériane.
S’agissant de l’opérationnalisation de cette vision, la philosophie fondamentale reste la Déclaration de Paris qui stipule que chaque pays se doit de définir de manière autonome sa propre politique de développement; les Partenaires ne venant qu’en appui de manière judicieuse et disciplinée. De ce fait, la chaîne de toutes les opérations : diagnostic, orientations stratégiques, planification, programmation, exécution et suivi évaluation devraient se faire de manière concertée et conjointe. Cette vision constitue ainsi le cadre de référence qui doit inspirer les politiques sectorielles et régionales, les stratégies nationales, les plans de développement et la coopération.