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Déclaration relative à la pratique du journalisme au Cameroun

Le mot de Shanda Tonme après le décès en détention de Germain Ngota Ngota, Directeur de publication de «Cameroun Express»…

Le mot de Shanda Tonme après le décès en détention de Germain Ngota Ngota, Directeur de publication de «Cameroun Express»

Le 5 mars 2010, la Commission indépendante contre la corruption et la discrimination avait interpellé le ministre de la communication pour l’ouverture d’une enquête sur la dénonciation des tortures infligées à quatre journalistes par les services de sécurité, faits dénoncés dans un communiqué public par Henriette EKWE, Vice-présidente de l’union des journalistes camerounais.

Le 22 Avril, l’un des journalistes, Germain NGOTA NGOTA est décédé en détention à la prison centrale de Yaoundé, semble-t-il par manque de soins adéquats au regard de son état de santé précaire.

Le 26 Avril, la Commission a adressé une lettre au premier ministre pour protester contre les conditions de détention dans les prisons du pays, en recommandant une action urgente pour corriger cet état de chose inacceptable qui met en exergue d’autres formes de corruption et de discrimination à travers le traitement des détenus.

Au-delà des faits, des drames, des accusations, des dénonciations et des protestations, la Commission indépendante contre la corruption et la discrimination en appelle à une réflexion approfondie et sans complaisance, sur la pratique du journalisme au Cameroun. En effet les dérapages aussi bien dans la presse publique qui est devenue un instrument permanent de campagne pour le parti au pouvoir au détriment de la nécessaire mission d’information, que dans la presse privée majoritairement vouée au chantage, à l’arnaque, à la provocation, à la jalousie et à la propagation de la haine tribale, constituent aujourd’hui un réel motif d’inquiétude.

La Commission déplore particulièrement la propension de certains journalistes véreux à user des méthodes peu recommandables pour s’enrichir, extorquer l’argent à des personnalités, et se réfugier ensuite derrière la protection de la profession. Lorsqu’un journaliste écrit par exemple que la construction d’une unité de production de médicaments récemment inaugurée et unanimement saluée, procède du blanchiment de l’argent détourné (en citant nommément des personnalités), il doit pouvoir en apporter la preuve en cas d’interpellation.

La Commission déplore qu’une partie importante de la presse privée soit en réalité limitée, à des titres qui n’ont ni siège ni personnels réellement qualifié, ni périodicité de parution et dont les Directeurs de publication jouent de la cupidité pour s’attaquer occasionnellement à des personnes, diffuser des informations payées à prix fort par des commanditaires souvent aisément identifiable au gré du ton éditorial.

La Commission rappelle à ce propos que le statut de journaliste n’absout point l’auteur des diffamations éventuelles, de l’injure, de la dénonciation calomnieuse, et de l’usage des faux, aux rigueurs des lois et des règlements en vigueur, et ce sous tous les cieux. Le journaliste demeure un citoyen comme tout autre devant la loi.
La commission regrette amèrement que le gouvernement de la république en lieu et place d’une véritable politique de soutien à la presse privée, se contente en fait d’encourager une mentalité d’indigence et d’indignité dans la profession par des aides modiques et sporadiques à des têtes bien ciblées.

La Commission estime qu’en dépit de l’existence de quelques brebis galeuses inévitables dont les comportements peuvent conduire à des drames, le rôle et l’action de la presse privée dans l’évolution politique du Cameroun et particulièrement la quête d’une société moderne bâtie sur la bonne gouvernance, mérite les plus sincères félicitations. Les efforts provenant des initiatives privées tant dans la presse écrite que dans l’audiovisuelle sont notables. De véritables patrons de presse à la tête de groupes respectables ont émergé au cours des dix dernières années, au prix de sacrifices et de souffrances immenses.

La Commission exhorte spécialement les organes de regroupement des journalistes, l’union des journalistes et le syndicat des journalistes, à redoubler de vigilance et au besoin, à prendre toute disposition utile pour garantir l’éthique et le professionnalisme auprès de ses membres. Il est effet très urgent de discipliner la horde de prédateurs qui assiègent les halls des grands hôtels, les antichambres des cabinets ministériels, et les guérites des domiciles privé.

La Commission indépendante contre la corruption et la discrimination saisit l’occasion pour adresser ses condoléances citoyennes à la famille du journaliste Germain NGOTA NGOTA ainsi qu’à l’ensemble de ses amis et confrères éplorés./.

Shanda Tonme