Entre la volonté de s’intégrer dans le pays d’accueil, et le désir de rester fidèle à la mère patrie, le dilemme est grand
A l’approche de la fête de la jeunesse, l’on a souhaité porter un regard sur cette frange de la population camerounaise de plus en plus jeune et de plus en plus nombreuse qui prend la route d’un ailleurs qui serait l’Eldorado. Un ailleurs qui serait l’Europe, l’Asie, l’Amérique, ou même l’Australie. Résultats des courses: c’est en Afrique même que l’on trouve la plus grade proportion de jeunes sortis du Cameroun pour aller comme ils le disent «se chercher». Ils sont une majorité de jeunes c’est-à-dire en âge d’être productifs pour le pays et de sexe masculin.
Les motivations du départ
Thierry est un jeune camerounais d’une vingtaine d’années, son périple a commencé par un Bac obtenu au Tchad, ensuite un BTS au Cameroun, et actuellement, il prépare un Master au Maroc. Il voyage comme cela, parce qu’il veut réussir dans ses études et honorer ses parents en faisant tout pour s’assumer tout seul. Olivier, autre jeune camerounais lui a connu un chemin tout autre. Il avait commencé à «débrouiller au pays» et puis à la faveur d’un concours international, il poursuit des études en Égypte. Il prépare aussi un Master. Le point commun entre Thierry et Olivier est que tous deux ne comptent que sur leur propre poche et dans une certaine mesure sur la famille proche. Ils ont quitté le pays il y a peu de temps et disent vouloir y retourner un jour, même si l’entourage ne le souhaite pas trop. Sauf dans le cas où ils auraient fait fortune.
C’est dire si la désespérance des familles vis-à-vis de l’avenir de la jeunesse est grande. Et l’on se rappelle, les remous observés dans des communautés de jeunes camerounais à l’étranger. En effet à l’approche de la fête de la jeunesse, les jeunes étudiants en chine se plaignent de ce qu’une partie de la bourse d’études n’aurait pas été versée depuis plus d’une année et demie. Dans les pays de l’ex-Russie, des étudiants auraient du mal à circuler parce que leur passeport ne serait plus valable et ils n’ont pas assez de moyens pour se déplacer et proroger ou changer de passeport. Eux comptent sur l’Etat pour demeurer et terminer leurs études. Mais de telles situations risquent de faire d’eux à court terme des clandestins. Ainsi, une partie des jeunes entrés en règle sur les territoires d’accueil tombent rapidement dans la clandestinité. Ils ne peuvent pas toujours revenir parce que le projet initial et l’objectif n’a pas été atteint.
Lorsqu’ils ont réussi à s’insérer d’une quelconque manière dans le territoire d’accueil, et généralement par le travail ou le mariage, leur vie a changé et beaucoup évolué. Solliciter pour un entretien une partie a répondu «je n’ai pas le temps, on verra cela une autre fois». Ou alors «que veux-tu que cela me fasse. Je suis déjà installé ici, le pays là c’est uniquement pour les vacances et puis pour se ressourcer un peu de temps en temps.» Il y a ainsi chez ces jeunes le désir de rester fidèle à la mère patrie, et la nostalgie est d’autant plus grande que le pays d’accueil semble représenter une nouvelle existence. Il y a aussi «cette volonté de se fondre dans sa nouvelle identité, de s’intégrer parfaitement dans son pays d’accueil, de devenir un homme nouveau. Et ce désir est d’autant plus grand que le pays d’origine ne nous évoque que misère, souffrance, crise avec son chapelet de corruption, de pauvreté pluridimensionnelle.» confie Jacques étudiant en Allemagne.
Et la fête de la jeunesse
Les étudiants de l’association des étudiants camerounais de chine ont menacé de faire une marche pour réclamer leur droit. Ceux qui sont dans les pays de l’ex Russie attendent de voir à quoi va aboutir leur requête auprès de l’ambassade de Russie. Thierry lui pense que c’est une «occasion pour nous de se réunir et de promouvoir l’image de notre pays à notre manière». Pourtant au fond de lui «jeunesse ou pas je fais ce que je peux à mon niveau pour m’affirmer dans ce sens». Pour Jacques, la fête de la jeunesse est «une fête souvenir, où dans les écoles, les lycées et universités, on met la jeunesse au contact avec son histoire vraie, l’histoire de sa terre, les histoires des différents peuples qui la composent, l’histoire de son histoire, c’est-à-dire de sa réalisation comme nation, comme pays, comme souveraineté, l’histoire enfin de ses héros, des premiers bâtisseurs de la nation, désormais modèles pour les générations présentes et futures.» Il pèse bien ses mots lorsqu’il continue en disant que c’est «une fête projet. Elle devrait nous faire prendre conscience que la vie est comme une course de relais, que le fanion est à présent entre nos mains, et qu’il nous importe de courir pour être les vainqueurs.» Olivier après avoir définit longuement les concepts de jeune de la diaspora confie que cette fête «c’est le signe dans un pays (normal) que la jeunesse à une importance capitale dans le développement. C’est la manifestation à travers laquelle l’on reconnaît que la force, l’avenir et le rayonnement de la nation est entre les mains des jeunes.» Thierry, Jacques et Olivier placent en cette manifestation beaucoup d’espoirs. Mais au fond deux, ils affirment qu’en «général ce n’est qu’une fête de plus sans impact réel dans les politiques publiques d’encadrement des jeunes. Mais toujours est-il que dans le principe elle a pour objectif de célébrer, de mettre à l’honneur les jeunes en tant que socle du développement, en tant que relève de demain.»
Ce que disent les chiffres et les rapports
Un jeune de la diaspora c’est une personne dont l’âge varie entre 15 et 35 ans et qui ne vit pas dans son pays d’origine. Combien sont-ils les Camerounais qui ne vivent pas dans leur pays, bien malin qui pourra le dire. En tous les cas, le nombre total reste inconnu. De nos jours, la diaspora semble désigner l’ensemble des membres d’une communauté dispersés dans plusieurs pays mais unis par la conscience et la mémoire du territoire d’origine et surtout engagés sous diverses formes, politique, religieuse ou culturelle avec ce territoire ou pays d’origine. Les Camerounais de la diaspora toute obédience confondue sont Anglophones, Francophones, musulmans et chrétiens etc. et quoi qu’ils fassent, ils deviennent le théâtre où deux consciences, deux identités, deux histoires, deux désirs, deux cultures et deux nations semblent s’entremêler et au pire s’entrechoquer. Pour éviter le déchirement total, c’est en connaissance que les individus se sont mis ensemble pour créer des collectifs et autres associations de «jeunes camerounais de.» Ils uvrent un peu partout où ils se trouvent dans le monde pour non seulement faire revivre la mémoire de leur pays, mais aussi participer à travers des actions concrètes au développement du Cameroun. On voit donc de plus en plus d’ONG dirigés par les Camerounais «diasporés» faire des réalisations concrètes au Cameroun: construction de fontaine, de dispensaire, dons de livres, de bourses, etc. Ainsi, si l’on ne peut pas évaluer le nombre de Camerounais en diaspora dans le monde, on estime qu’à elle seule, la diaspora camerounaise aurait transféré près de 280 millions de dollars en 2006 vers le pays.

tffcam.org)/n