Lire la chronique de Macaire Lemdja
09 Septembre, les candidatures à l’élection étaient publiées, le 09 Octobre, l’élection avait lieu, le 09 Novembre, le candidat sortant du RDPC prêtait serment comme Président de la République pour un nouveau septennat, au terme d’un scrutin marqué par un taux d’abstention record des Camerounais d’une part et par une appréciation « doit mieux faire en 2012 » de nos partenaires de la fameuse communauté internationale d’autre part.
Et le 09 Décembre, ( les 9 de chaque mois, numérologie oblige pour Louis Tobie Mbida, le Président du PDC), la fumée blanche s’élevait du Palais d’Etoudi pour annoncer la nouvelle équipe gouvernementale, appelée à mettre en musique la « Politique des grandes réalisations » annoncée pendant la campagne électorale, à améliorer le processus électoral pour les échéances de 2012, à concrétiser la mise en place des institutions prévues dans la constitution de 1996, à circonscrire le cancer de la corruption et ses métastases dans notre société et enfin et surtout à améliorer sans tarder les conditions de vie de nos concitoyens.
L’attente fut longue, y compris pour ceux qui ont appelé au boycott et dont les voix ne pouvaient peser sur les choix actuels comme nous le prévoyons à l’époque, et l’accouchement difficile.
Comment pouvait-il en être autrement au regard de l’alchimie qui préside depuis 50 ans au choix de nos hommes politiques ?
Entre un appel à la mobilisation et la participation de tous à la construction d’un Cameroun émergent en 2035 que d’aucuns ont assimilé à une ouverture politique, un discours exhortant le renouvellement des élites et la nécessité de traduire rapidement dans les faits, la « Politique des grandes ambitions », le grand écart fut difficile à esquisser par le Président de la République.
Les grilles désuètes mais toujours vivaces, y compris dans l’esprit du Camerounais lambda, ont fini par voler en éclats. Les puristes du triptyque Axe Nord-Sud, équilibre ethnico-régional, partition linguistique, y ont perdu leur latin.
Les afficionados des scores « soviétiques » dans leurs circonscriptions en faveur de leur champion et au prix parfois de méthodes peu orthodoxes, s’estiment aujourd’hui lésés et vont certainement alimenter le flot des déçus et mécontents.
Mais au fait, qu’a-t-il de particulier ce dernier gouvernement de Paul Biya en 30 ans de règne pour susciter autant de conjectures?
Son architecture est le fruit de combinaisons classiques. Elle découle d’une opération de chaises musicales au niveau des postes à responsabilité économique avec en prime l’arrivée d’un nouveau MINFI, Alamine Ousmane Mey, ancien DG d’Afriland, auréolé par ailleurs par un bilan positif et maîtrisant les instruments financiers auxquels l’Etat aura de plus en plus recours pour réaliser ses grandes ambitions : emprunts obligataires, bons du trésor, prêts syndiqués etc.
Il remplace à ce poste celui qui est désormais en charge du portefeuille de l’Agriculture et qui n’aura pas démérité mais dont la communication aura pêché dans la gestion de certains dossiers.
Tout comme l’actuel SG du RDPC, désormais ex MINAGRI qui eut maille à partie avec les élus de la Nation, la démission du Ministre délégué à la justice, Maurice Kamto, la communication chaotique de certains ministres, nous interpelle sur la pertinence du choix de nos dirigeants dans des viviers dont les membres n’ont ni passé militant ni ancrage politique.
Car comment comprendre que les titulaires de postes éminemment politiques que sont les ministres n’aient pas intégré qu’ils ont pour mission, au-delà d’accomplir la politique définie par le Chef de l’Etat et conduite par le chef du gouvernement, le PM, de consolider voire élargir la base électorale de celui qui les a nommés.
D’où le défi auquel a du faire face le Chef de l’Etat, comme le seront ses successeurs, dans le choix de ses collaborateurs. Conjuguer compétences, expériences professionnelles et exigences politiques n’a pas été une sinécure dans un tel exercice, surtout dans la perspective des législatives et municipales de 2012, avec des règles plus libres et transparentes.
On comprend mieux alors la désignation de l’ancien MINEPAT au poste de SGPM, surement pour, mieux piloter les grands projets structurants qu’il connait sur les bouts des doigts, tordre le cou à l’inertie qui avait fait son lit dans l’antre de l’immeuble étoile. De même que la promotion de l’ex SGAPM au MINEPAT, qui aura la charge de continuer à rechercher les financements pendant que le nouveau Ministère des marchés publics validera les contrats et leur exécution. Ainsi le principe selon lequel celui qui initie un projet n’est pas celui qui passe le marché et encore moins celui qui paie, sera respecté. En tout cas nous l’espérons sinon la responsabilité en incombera directement à la Présidence, le Ministère lui étant rattaché.
Le rajeunissement du Secrétariat général à la Présidence avec le départ de Laurent Esso vers la chancellerie participe de la double volonté de lever un autre goulot d’étranglement des dossiers mais aussi d’ôter au non moins redouté ministre de la justice que fut Amadou Ali, des moments de schizophrénie, après la mise en place du tribunal spécial contre les crimes économiques et dont on dit qu’il aura pour mission, entre autres, de transiger avec les prévenus actuels devenus encombrants de l’opération « Epervier ». Toute chose d’ailleurs, droit d’auteur oblige, qu’avait préconisé le seul candidat qui anima, certes par sa faconde, la piètre campagne électorale, Père Djeunga.
Le retour remarqué de Pierre Moukoko Mbonjo, dans le gouvernement, au poste de MINREX permettra, grâce à son entregent dit-on dans certains cercles, de recoller les morceaux après la bataille feutrée qu’aura livrée Eyebe Ayissi pour protéger le prince face aux ingérences de nos « amis » partenaires de la fameuse communauté internationale avant, pendant et après la campagne électorale.
Les départs ont tout aussi leurs explications. Entre les casseroles, les résultats, les ambitions affichées ou supposées l’être, nous retiendrons celui de l’ex MINAT, Marafa Hamadou Yaya dont une presse affirme être impliqué dans la ténébreuse et nébuleuse affaire « Albatros » et une autre légende l’affuble comme étant le dauphin ou le candidat « français » à la succession de l’actuel locataire du Palais d’Etoudi.
Va-t-il être vitrifié ou momifié, avant une éventuelle résurrection, comme l’ancien PM, Sadou Hayatou, selon l’expression d’un ancien Ministre français, André Labarrère « Le destin des dauphins est de s’échouer sur les plages » ? Donc avis a tous ceux qui se pressentent ou qui sont pressentis comme dauphins.
Le Président de la République n’a pas non plus dérogé à l’une de ses habitudes, celle de ne point céder aux désidératas de la Vox populi, en limogeant les ministres jetés en pâture dans l’opinion comme Edgard Alain Mebé Ngo, Fame Ndongo, Issa Tchiroma, Biyiti Bi Essam, Ama Tutu.
Nous avons donc une équipe gouvernementale, à peine renouvelée dont le chef, lors de sa nomination, avait reçu un CDD (Contrat à Durée Déterminée) de 6 mois, prorogé une première fois et depuis transformé en CDI (Contrat à Durée Indéterminée), avec une feuille de route à la clef qui devrait être évaluée en fin d’exercice.
Tout semble indiquer avec cette reconduction, que la « Politique des grandes ambitions » a été globalement un succès, ce dont beaucoup de Camerounais doutent, place désormais à la « Politique des grandes réalisations ».
Au calendrier, à l’agenda présidentiel et à cette « Politique des grandes réalisations », l’opposition, la société civile et la Diaspora doivent opposer les leurs et surtout une « Politique des grandes actions communes » républicaine, citoyenne et responsable.
L’opposition a, jusqu’à présent, brillé par sa dispersion, l’égoïsme de ses dirigeants, son manque de combativité et de réflexion sur les sujets majeurs de préoccupation des Camerounais.
Elle en a pris conscience tardivement en se concertant pour agir maladroitement après les élections avec l’appel de Yaoundé.
Elle se concerte à nouveau pour élaborer un projet commun de réformes du processus électoral. Réformes réclamées autant par les forces politiques nationales que nos partenaires, principalement par la France et les USA dont l’entrée en campagne électorale de leurs dirigeants en 2012, ne saurait en retarder l’aboutissement. La parole donnée d’une part et la continuité de l’Etat d’autre part sont devenues, si elles ne l’étaient déjà pas, des principes intangibles dans les relations internationales.
Une fenêtre de tir s’ouvre et l’opposition doit en profiter pour sortir de l’atomisation dans laquelle le pouvoir la confiner avec d’ailleurs sa complicité.
Le contexte international y est favorable. Le contexte local l’est également.
Dans le pays, l’attente est grande. Les promesses n’engagent plus ceux qui veulent y croire. Le pays rentrera dans un vaste chantier, dit-on, dès le 01 Janvier 2012. Les prochaines échéances électorales sont prévues à brève échéance sauf volonté d’en repousser le terme. Le Président de la République et son gouvernement ne bénéficieront plus d’un état de grâce.
Le mécontentement est sourd, latent au sein de la majorité présidentielle, après cette réorganisation gouvernementale.
Il appartient donc à l’opposition, à la société civile et à la diaspora non seulement de nourrir un débat fécond sur les enjeux de l’heure mais surtout de faire des propositions concrètes pour agir et cristalliser ce mécontentement. Il s’agit de mettre nos compétences, nos expériences cumulées, notre imagination au service de notre pays et enfin de ré enchanter nos concitoyens à la politique. Faut-il, peut-être, le rappeler, le taux record d’abstention des Camerounais, constaté à la dernière élection présidentielle fut un désaveu pour la politique et l’ensemble de sa classe toute chapelle et obédience confondues, mieux une invite à faire désormais la politique autrement.
Les enjeux ne manquent pas pour autant. L’emploi notamment celui des jeunes, nonobstant le traitement social de ce problème avec le recrutement des 25000 diplômés dans la fonction publique et des autres dans nos forces de défense, la vie chère avec les pénuries intermittentes de certains produits de première nécessité, les prix qui risquent à nouveau de s’envoler avec l’augmentation du prix de l’essence à la pompe, les soins de santé pour la majorité des Camerounais non couverts par un système de sécurité digne de ce nom, les délestages, l’absence d’eau courante dont la conséquence immédiate est la persistance du choléra chez nous, l’insécurité routière qui endeuille chaque jour nos familles et j’en passe.
Autant de sujets que pourraient traiter les formations politiques de l’opposition, la société civile, la diaspora lors des conventions thématiques, sectorielles au cours desquelles les Ministres de la République pourraient plancher. En tout cas, ils seraient les bienvenus au nom de la « démocratie apaisée » selon les v ux mêmes du Président de la République.
Ce « marquage à la culotte », comme au Basket, que n’a pas su, pu ou voulu faire le fameux « shadow government » du SDF, est désormais élargi à l’ensemble des formations, forces politiques et sociales qui souhaitent évaluer régulièrement l’action gouvernementale mais surtout proposer une alternative crédible susceptible d’attirer à nouveau nos concitoyens vers les urnes qu’ils ont récemment boudé.
C’est uniquement à l’aune de cet apprentissage en commun du travail que pourront naître des plateformes de gouvernement et des alliances utiles entre ces formations de l’opposition pour affronter la machine du parti au pouvoir.
Nous invitons donc tous les leaders de ces formations, les leaders de la société civile, les leaders d’opinions, la Diaspora à s’y mettre dès le 01 Janvier 2012.
Le Cameroun n’est ni l’exclusivité ni la propriété des uns et des autres. Nous avons le devoir, l’obligation, l’exigence d’écrire chacun, à nos places, les pages de notre histoire. N’est-ce pas aussi une façon de participer, à sa manière, à rendre notre destin commun plus fort et plus vivace que jamais, à la construction de notre Nation ?
Alors allons-y. Osons et agissons pour notre bien commun.
