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Discours à la nation du 31 décembre 2016: ce que les Camerounais attendent

Par Fridolin Nke Au vu de ce qui se passe à Bamenda et à Buea, quel paradigme unificateur Paul Biya…

Par Fridolin Nke

Au vu de ce qui se passe à Bamenda et à Buea, quel paradigme unificateur Paul Biya doit-il mobiliser pour répondre aux attentes du peuple camerounais ? À mon humble avis, c’est à cette question que le Président de la République entreprendra de répondre dans son Discours à la nation le 31 décembre 2016. Les Camerounais attendent du Chef de l’État deux choses principalement : d’abord qu’il corrige les 5 erreurs du Gouvernement dans cette crise sociale (I); ensuite qu’il trouve des solutions durables aux frustrations des Camerounais en prenant des décisions dans le sens de la réconciliation et du renforcement de la gouvernance, en somme qu’il mette en place un Nouveau pacte Républicain (II).

I- Les erreurs du Gouvernement
1- Un gouvernement qui n’anticipe pas suffisamment sur les problèmes des gouvernés.
J’ai écouté plusieurs acteurs syndicaux et politiques qui ont confié avoir tenté, depuis plusieurs années, sans succès, d’attirer l’attention du Gouvernement sur les frustrations croissantes de nos frères du Sud-Ouest et du Nord-Ouest et du risque de radicalisation des consciences dans cette partie du pays. Malheureusement, les Ministres de la République leur ont répondu ce que vous savez : « Vous allez faire quoi ? » Comment on appelle cela, sinon la loi du plus fort ? Or, à la base du sentiment national il y a la communication entre ses différents acteurs en présence. Mais on sait aussi que la communication charrie des phénomènes de violence et d’exclusion. C’est parfois ce qui, paradoxalement, atteste aussi de la vitalité d’un vivre-ensemble qui se construit et se renouvelle ad vitam aeternam. Le consensus seul ne suffit pas ; il faut éprouver l’unité en permanence.

2- La réaction des autorités de l’Université de Buea : le diktat des Recteurs
À quoi reconnaît-on une dictature aux 20eet 21esiècles ? C’est, entre autres, à l’absence de Discours des officiels de haut rang dans les amphis et la présence d’escadrons de la mort dans les campus. C’est parce qu’il en est pleinement conscient que le Chef de l’État a réformé l’institution universitaire au Cameroun, avec des lois et décrets qui encadrent juridiquement leur fonctionnement. Or, tout le monde a vu les images choquantes des étudiantes, en plein campus de l’Université de Buea, mangeant la merde sous la contrainte de quelques mammifères au goût empesté portant des armes. Les responsables de cette université ont violé les articles 40, 41, 42 et 43 du Décret No 93/027 du 19 janvier 1993 Portant Dispositions Communes aux Universités (sur la police générale à l’Université). Ce recours systématique à l’excès de pouvoir devient de plus en plus la norme dans les universités camerounaises. Le 02 juin 2016, des enseignants ont été suspendus sur la base des faits imaginaires et à la suite d’un Conseil de discipline où les articles 20, 21, 23 et 24, du Décret No 93/036 du 29 janvier 1993 Portant Organisation Administrative et Académique de l’Université de Yaoundé 1 ont été violés au vu et au su de tous. Lorsque l’universitaire entretient un tel sentiment d’omnipotence, il ne rêve de rien de moins que du pouvoir suprême.

3- Les menaces et les intimidations des ministres et la ligne rouge de la sécession
Le peuple est le ressort de la loi et, quelle qu’elle soit, la parole d’une partie du peuple est sacrée. Le bonheur de celui-ci est tributaire des sacrifices consentis par ses membres et des compromis qu’ils ont su négocier tout au long de leur histoire. Il faut donc que ceux qui sont aux commandes des institutions républicaines convoquent des arguments logiques, politico-économiques, éthiques et historiques pour contrer les forces persuasives des sécessionnistes, qu’on ne doit jamais taire par le bruit de la gâchette ou l’épouvantail de la prison. Car, lorsque le sentiment de marginalisation se répand comme une trainée de poudre dans une population, la rhétorique martiale et le recours systématique à la force armée sont contreproductifs. Il faut dialoguer, sans tabou.

Pendant cette crise, certains responsables du Régime ont convoqué le fameux « que force revienne à la loi » présidentiel qui date des émeutes de la faim de février 2008.Le principe éthico-juridique « que la force revienne à la loi » vaut-il son pesant d’or lorsque les citoyens se sentent gouvernés par la loi du plus fort ? Or, précisément, nos frères de Buea et Bamenda disent que Yaoundé a compromis le consensus à base de l’unification des deux entités fédérés en 1972 et que les lois qui en ont découlé doivent être réformées.

D’autres ont soutenu que mobiliser l’argument de la sécession c’est faire du chantage à l’État et que brûler le drapeau national est crime inouï, impardonnable. Au fait, qu’est-ce qu’une négociation, sinon un dialogue où chaque partie prenante tâche de dissimuler les termes crus de son chantage à travers une série d’euphémismes de bon aloi ? La question du séparatisme n’est pas propre au Cameroun. Quoiqu’étant un État fédéral, le Canada a ceci de particulier qu’il est, avec le Cameroun, l’un des deux pays bilingues français-anglais au monde. Au Canada, l’enfant terrible c’est le Québec francophone. Il a organisé plusieurs fois un référendum sur sa sécession, sans succès, parce que le Gouvernement fédéral a toujours réussi à conquérir le c ur de la majorité des Québécois.

Par ailleurs, brûler un drapeau est un acte politique qui peut heurter notre chauvinisme, mais qui ne manque pas de nous interpeller par rapport à la qualité de notre patriotisme et à notre sens de l’empathie. C’est de la parturition laborieuse de la République du Cameroun, notre avenir commun, dont il est question dans cet acte radical. La question de la sécession est consubstantielle à la constitution historique de notre pays. Un État démocratique qui a un passé fédéral travaille à faire sentir à ses membres le risque suicidaire qu’ils encourent dans les aventures sécessionnistes et à cultiver dans leurs c urs l’amour de la patrie unifié comme l’unique garantie de la paix et de la prospérité de leurs communautés respectives. Arrêtons donc de trembler lorsqu’on entend parler de sécession ! Cessons aussi d’en fantasmer comme si c’était l’unique ingrédient qui fait mijoter notre épanouissement individuel !

4- L’instrumentalisation des partis politiques et la mobilisation des militants
Les partis politiques n’avaient rien à faire dans cette histoire. La preuve que la politisation à-tout-va des débats au Cameroun va nous conduire un jour dans l’abîme… Il y a des charognards politiques qui aiment à profiter du bain de sang pour s’acharner sur les débouilles de leurs concitoyens. J’en sais quelque chose. En 2005, j’ai mené avec succès des négociations formelles et informelles entre les leaders des grévistes, dont je faisais partie, et le gouvernement (le Minader et le Minesup actuels étaient mes interlocuteurs privilégiés) au cours de la grève des étudiants organisée par l’Addec. Une chose m’a frappé particulièrement. Outre les arguments xénophobes et/ou tribalistes entendus, certains hommes politiques qui ne voulaient pas que la grève cesse instrumentalisaient certains leaders qui se mettaient à faire dans la surenchère. Des acteurs sont allés jusqu’à nous proposer des armes. Comparez mentalement le prix d’une kalachnikov avec les revendications estudiantines de l’époque et vous pouvez imaginer la réponse que je leur fis. Donc, dans notre contexte, la déstabilisation est toujours à prévoir lorsqu’il y a des revendications dans les universités.

5- La solution gouvernementale de la xénophobie institutionnalisée
La CATTU Cameroon Teacher’s Trade Union demande « le retrait immédiat des salles de classe de tous les professeurs qui contribuent à la francophonisation de sous-système anglo-saxon d’éducation ». Comme réponse gouvernementale, le Minesec a entrepris le redéploiement des enseignants, suivant leur appartenance linguistique. Ce qui se passe là est très grave ; c’est suicidaire pour l’intégration et la coexistence pacifique de toutes les tribus et cultures de notre pays.

Lisez par exemple ces autres revendications : « la priorisation d’ouverture des écoles normales des parties anglophones aux ressortissants de ces régions ; un refus de voir les élèves et enseignants francophones de s’initier sur les élèves anglophones ; retrait des enseignants francophones et du personnel administratif du même profil à l’université de Bamenda ; aucune soumission des étudiants francophones au concours d’entrée à l’École normale supérieure de Bamenda, etc. » Ces exigences m’étranglent d’épouvante.

Ainsi, à défaut d’être traité avec respect et considération – ce qui est leur droit absolu, – mes frères exigent désormais que leur ascendance shakespearienne imaginaire fût inscrite dans la constitution ! En français facile, on ne peut pas interdire à un citoyen de postuler à une institution dans son pays au nom de la défense de la langue.

II- Vers un Nouveau pacte Républicain :
Advenant que Paul Biya cède totalement à ces ultimatums, tout l’édifice de l’unité et de l’intégration nationale qui avait été bâti depuis la Réunification s’écroule. Il ne peut pas non plus ignorer les revendications vitales de Buea et Bamenda. Le Président de la République doit envisager des solutions dans l’immédiat, à très court terme et à court terme.

1/ Ce qui peut être fait dans l’immédiat: Le peuple camerounais attend des annonces fortes pour répondre aux frustrations légitimes des frères du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, sans prêter le flanc aux man uvres visant à miner subtilement l’unité et l’intégration nationale. Il faut donc : a/ Identifier et indemniser tous ceux qui ont subi des dommages matériels : les morts, les blessés, notamment les nommés Nwana Sama Bernard et Mme Kubui, la militante de 33 ans partiellement brûlée vive ; b/ Libérer tous les détenus et déclarer l’amnistie des grévistes ; c/ Sanctionner ceux qui ont fait boire la merde aux étudiantes et étudiants ; d/ Mettre en place un programme gratuit de formation au français et à l’anglais de tous les cadres des administrations publiques et instaurer un service militaire obligatoire pour les jeunes entre 18 ans et 25 ans en vue de l’enracinement des valeurs républicaines et le sacrifice pour la patrie ; 6- Accélérer la mise en place des Grandes réalisations, notamment la construction du Barrage de la Mentchum et autres projets d’envergure.

2/ À très court terme : préserver les acquis et initier un dialogue interculturel Est-Ouest : On ne peut pas revenir au fédéralisme, encore moins à la République unie du Cameroun, simplement parce qu’on ne construit pas un pays à grands renforts d’anachronismes. Parmi nos compatriotes, il y en a qui utilisent leur pactole de malheur, produit de leur compromission, de leur concussion et de leur pillage des deniers publics, pour corrompre les médias, certaines hommes politiques de l’Hexagone et les businessmen des droits de l’homme pour nous imposer la face hideuse de leur malédiction carcérale. Ils prennent des airs présidentiels et nous convient à entrer dans l’Histoire à reculons. Détournons-nous-en ! Les revendications de nos frères de l’Ouest doivent d’abord être réévaluées d’un point de vue théorique et doctrinal. Au cas contraire, on va naviguer à vue. Car, comme le souligne fort pertinemment Daniel Bougnoux : « Le sentiment national ne tombe pas du ciel et résulte partout d’une laborieuse genèse ».

3/ À court terme : a/ Les réformes qui s’imposent : Au niveau législatif : Légiférer pour aboutir à l’élection des gouverneurs, des responsables régionaux, des Maires centraux, etc. Au niveau de la justice : Organiser des États généraux de la Justice qui réuniraient tous les intervenants de la Common Law et du droit romano-civiliste pour harmoniser les procédures et repenser l’application des règles de droit dans notre pays. Au niveau de l’enseignement supérieur : En 2013, j’ai conduit une étude pour le compte du Ministère des affaires étrangères français, à travers FEI, sur les systèmes éducatifs et sur l’employabilité des diplômés de l’enseignement supérieur de 15 pays : Benin, Burkina-Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Ghana, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo.

De cette expérience, je propose que le Chef de l’État convoque les travaux du Secrétariat Permanent Conseil de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et Technique pour une Deuxième Réforme universitaire au Cameroun, qui devrait aboutir à la création et la réorganisation des curricula, à une professionnalisation systématique des parcours de formation universitaires et à l’élection des Recteurs et des Doyens et Chefs de Départements dans les Université d’État en vue d’une meilleure gouvernance universitaire.

b/ Une décentralisation effective : Il faut accélérer la décentralisation. Une véritable politique de l’« équilibre régional » passe par un développement équitable de toutes les dix régions.

Toutes les régions doivent bénéficier des montants identiques et des politiques doivent être mises en place pour favoriser l’attractivité des régions sous-peuplées.

c/ La déclaration des biens : La décentralisation est un outil de la bonne gouvernance. Elle rime avec rationalisation, transparence et reddition des comptes. Le préalable est que les responsables des structures qui bénéficient du transfert des budgets, tels que répertoriés dans l’article 66 de la constitution du 18 janvier 1996 et la Loi n° 003/2006 du 25 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs, doivent indiquer publiquement ce qu’ils ont avant et après leur mandat.

d/ La réduction de la taille du gouvernement : Enfin il faut remodeler le gouvernement de manière à prendre ne compte les enjeux des événements de Bamenda pour garantir une meilleur représentativité de toutes les composantes culturelles de notre pays et apporter une nouvelle dynamique économique dont nous avons besoin.

Notre responsabilité dans cette affaire.

Quant à nous, citoyens, sacrifions-nous pour que vive notre idéal patriotique.

Si vous assumez des responsabilités dans la République et que l’anglais ou le français vous effraient, achetez un dictionnaire bilingue et faites quelques séjours d’immersion dans l’une des zones linguistiques qui vous intéressent ! Car, dorénavant, les Ministères de la culture et du Tourisme doivent travailler de concert pour une mobilité culturelle et sociale efficiente.

Si par la force des choses vous êtes un responsable universitaire unilingue, recyclez-vous ! Surtout ne pensez pas que lorsque, dans un Campus de l’Est, un enseignant « francophone » consacre 30 minutes à présenter une synthèse en langue anglaise d’un cours qui dure deux heures, c’est pour s’attirer les faveurs des « ladies ».Ne le muselez pas !

Vous, élèves et étudiants « francophones », cessez de vous plaindre lorsque l’enseignant s’exprime en anglais ! Si vous aspirez à de hautes fonctions, si vous voulez réussir dans le monde qui vient et que l’anglais vous rebute, sachez que vous représenterez un danger potentiel pour notre pays : lisez Shakespeare et forcez l’amitié avec les « men »et « women », à la limite soyez leur « Bamenda »!C’est tout à votre profit.

Si vous ne parlez pas le français, alors allez l’apprendre !
Chers lecteurs, le Cameroun est une utopie. Cette belle utopie, c’est notre AVENIR. Exigeons ce possible des lointains comme le ciment de l’unité et de l’intégration nationale.

Pour qu’advienne La République du Cameroun !


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