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Dr Ahmadou Sehou : « l’origine des crimes en milieu scolaire doit être recherchée à tous les niveaux »

Pour l’analyste sociopolitique, les établissements scolaires font partie intégrante de la société dont ils partagent les crises et les valeurs…

Pour l’analyste sociopolitique, les établissements scolaires font partie intégrante de la société dont ils partagent les crises et les valeurs morales. Dr Ahmadou Sehou appelle à mettre en place une vraie synergie d’effort entre les services de sécurité et les établissements scolaires.

Ahmadou Sehou, enseignant à l’Université de Maroua, revient sur le phénomène social des violences en milieux scolaires après le meurtre d’un enseignant, le 14 janvier dernier, par son élève. Pour l’analyste sociopolitique, le phénomène qui paralyse les établissements scolaires est indissociable des dérives de la société elle-même.

Journalducameroun.com : Qu’est ce qui peut justifier à votre avis la montée en puissance au Cameroun des actes de crimes odieux au sein des établissements scolaires ?

Dr Ahmadou Sehou: Les établissements scolaires font partie intégrante de la société. Par conséquent, ils sont traversés par les contradictions, les crises et les incivilités qui sont observées ou qui tiraillent la société globale. C’est vrai qu’il s’agit d’un milieu particulier qui aurait pu se mettre à l’abri des actes d’indiscipline ou plus grave, de la commission des actes criminels tels qu’on les observe de plus en plus dans les établissements scolaires à travers le Cameroun. Mais force est de reconnaître que plusieurs facteurs jouent à imbriquer l’école aux tares de la société.

L’origine des crimes doit être recherchée à tous les niveaux, à l’intérieur comme à l’extérieur du milieu scolaire. On peut incriminer le déclin des valeurs morales, la déresponsabilité du cadre familial, l’irresponsabilité des parents, la faiblesse de l’encadrement social, la banalisation des actes criminels, la consommation des stupéfiants par les adolescents, la banalisation de l’alcoolisme, la généralisation de la violence, l’insuffisance et l’inadaptation de l’encadrement disciplinaire au sein des établissements scolaires qui contraste avec l’augmentation des effectifs…

Comment la société camerounaise réagit-elle face à ces violences en milieux scolaires?

Au-delà de la simple indignation, la société camerounaise ne semble pas avoir pris toute la mesure de la montée de la criminalité en milieu scolaire. L’environnement géographique de certains établissements secrète lui-même cette violence et cette criminalité qui se retrouve dans l’enceinte des établissements. Certains établissements sont entourés de foyers de violence et de perdition de toute nature, qui obligent les élèves parfois à se défendre pour pouvoir aller à l’école. Le phénomène « d’awacheurs » est bien connu par tous les élèves, y compris les actes de brimades ou même de viols qui sont subis régulièrement, sans que personne ne s’en émeuvent. Les chefs d’établissements ne semblent pas encore avoir pris conscience des enjeux de sécurité à l’extérieur tout comme à l’intérieur de leurs établissements. Les enseignants qui sont reconvertis en personnel de surveillance ou de discipline n’ont reçus aucune formation en ce sens et sont par conséquent désemparés face à ces menaces qui se multiplient. Il n’y a pas une véritable synergie d’action entre les services de sécurité et les établissements scolaires, alors même que l’augmentation vertigineuse des effectifs commande davantage de vigilance et de nouvelles stratégies de surveillance pour prévenir et réprimer les actes criminels à l’école et autour de l’école.

Les violences à l’école ne sont pas simplement le reflet de notre société, où certains parents ont abandonné leurs responsabilités…

On ne peut pas réduire les violences à l’école au seul abandon des parents qui eux-mêmes sont englués dans des formes de violence et de criminalité dans leur environnement. La société globale est affectée. Cela demande une adaptation régulière aux mutations globales et des mesures chaque fois mieux affinées. Le cadre familial est dilaté et plus permissif, les enfants sont exposés à toutes sortes de brutalités et d’incivilités, le niveau d’encadrement à l’école est drastiquement insuffisant, la réglementation prétendument adossée sur le respect des droits de l’enfant produit des dérives  et l’effet  inverse … autant de facteurs qui complexifient la compréhension du phénomène.

Les violences à l’école : est-ce une tendance internationale ?

L’actualité internationale nous informe chaque jour des actes de violence commis à l’école par les élèves, utilisant parfois des armes à feu pour commettre des carnages parmi leurs camarades et sur les enseignants. Mais il faut reconnaitre que chaque société a ses réalités propres et ses déterminants sur lesquels il faut agir. Il faut éviter de verser dans une sorte de fatalisme. Il y a nécessité de prendre conscience de la situation et sa pleine mesure pour adopter ou adapter les mesures qui s’imposent. Il faut prendre le problème dans sa globalité pour agir efficacement sur ses causes, comprendre qu’il ne s’agit plus de simples actes d’indiscipline posés à l’école, mais davantage de réseaux de violence et de crime organisé dans certains établissements, avec des exécutants et des commanditaires, des armes blanches, la consommation et la vente de stupéfiants, les partouzes et les viols collectifs, malheureusement les blessures et les assassinats.

 Quelles peuvent être les solutions pour la bonne éducation des élèves ?

Tout d’abord faire le constat que le niveau de violence et de criminalité dans et autour des établissements scolaires n’est plus du seul ressort des enseignants, du reste pas du tout formés pour faire face à ces nouvelles menaces. Il y a lieu d’utiliser un personnel plus spécialisé et capable de faire face à cette réalité.

L’environnement géographique des établissements doit être également revu pour en faire un monde bien clos où les entrées sont contrôlées aussi bien que l’interdiction de certains objets ou outils dangereux. Ce travail de filtrage peut utiliser les portiques et les détecteurs, une technologie adaptée là où cela est possible.

J’ai entendu la ministre des enseignements secondaires demander l’installation des caméras de surveillance comme réponse à l’indiscipline et aux crimes en milieu scolaire. Il y a lieu de douter de l’efficacité de cette mesure en situation de manque ou de pénurie d’énergie à l’école, si d’autres préalables ne sont pas remplis.

Il y a lieu d’évaluer les risques pour chaque établissement scolaire par un personnel spécialisé, de proposer des mesures adaptées à chaque cas et enfin de mettre en place une vraie synergie entre les services de sécurité et les établissements scolaires. Le contexte actuel et les mutations des menaces criminelles montrent à suffisance que les établissements scolaires n’ont pas les compétences pour faire face aux défis disciplinaires que posent une population scolaire de plus en plus importante et  porteuse de violence.

Propos recueillis par Emile Zola Ndé Tchoussi

Dr Ahmadou Sehou : « L’origine des crimes doit être recherchée à tous les niveaux »

Pour l’analyste sociopolitique, les établissements scolaires font partie intégrante de la société. De l’avis de cet enseignant à l’université de Maroua, il faut mettre en place une vraie synergie d’effort entre les services de sécurité et les établissements scolaires.

Qu’est ce qui peut justifier à votre avis la montée en puissance au Cameroun des actes de crimes odieux au sein des établissements scolaires ?

Les établissements scolaires font partie intégrante de la société. Par conséquent, ils sont traversés par les contradictions, les crises et les incivilités qui sont observées ou qui tiraillent la société globale. C’est vrai qu’il s’agit d’un milieu particulier qui aurait pu se mettre à l’abri des actes d’indiscipline ou plus grave, de la commission des actes criminels tels qu’on les observe de plus en plus dans les établissements scolaires à travers le Cameroun. Mais force est de reconnaître que plusieurs facteurs jouent à imbriquer l’école aux tares de la société.

L’origine des crimes doit être recherchée à tous les niveaux, à l’intérieur comme à l’extérieur du milieu scolaire. On peut incriminer la déliquescence des valeurs morales, la déresponsabiliser du cadre familial, l’irresponsabilité des parents, la faiblesse de l’encadrement social, la banalisation des actes criminels, la consommation des stupéfiants par les adolescents, la banalisation de l’alcoolisme, la généralisation de la violence, l’insuffisance et l’inadaptation de l’encadrement disciplinaire au sein des établissements scolaires qui contraste avec l’augmentation des effectifs…

Comment la société camerounaise réagit-elle face à ces violences en milieux scolaires ?

Au-delà de la simple indignation, la société camerounaise ne semble pas avoir pris toute la mesure de la montée de la criminalité en milieu scolaire. L’environnement géographique de certains établissements secrète lui-même cette violence et cette criminalité qui se retrouve dans l’enceinte des établissements. Certains établissements sont entourés de foyers de violence et de perdition de toute nature, qui obligent les élèves parfois à se défendre pour pouvoir aller à l’école. Le phénomène « d’awacheurs » est bien connu par tous les élèves, y compris les actes de brimades ou même de viols qui sont subis régulièrement, sans que personne ne s’en émeuvent. Les chefs d’établissements ne semblent pas encore avoir pris conscience des enjeux de sécurité à l’extérieur tout comme à l’intérieur de leurs établissements. Les enseignants qui sont reconvertis en personnel de surveillance ou de discipline n’ont reçus aucune formation en ce sens et sont par conséquent désemparés face à ces menaces qui se multiplient. Il n’y a pas une véritable synergie d’action entre les services de sécurité et les établissements scolaires, alors même que l’augmentation vertigineuse des effectifs commande davantage de vigilance et de nouvelles stratégies de surveillance pour prévenir et réprimer les actes criminels à l’école et autour de l’école.

Les violences à l’école ne sont pas simplement le reflet de notre société, où certains parents ont abandonné leurs responsabilités…

On ne peut pas réduire les violences à l’école au seul abandon des parents qui eux-mêmes sont englués dans des formes de violence et de criminalité dans leur environnement. La société globale est affectée. Cela demande une adaptation régulière aux mutations globales et des mesures chaque fois mieux affinées. Le cadre familial est dilaté et plus permissif, les enfants sont exposés à toutes sortes de brutalités et d’incivilités, le niveau d’encadrement à l’école est drastiquement insuffisant, la réglementation prétendument adossée sur le respect des droits de l’enfant produit des dérives  et l’effet  inverse … autant de facteurs qui complexifient la compréhension du phénomène.

Les violences à l’école : est-ce une tendance internationale ?

L’actualité internationale nous informe chaque jour des actes de violence commis à l’école par les élèves, utilisant parfois des armes à feu pour commettre des carnages parmi leurs camarades et sur les enseignants. Mais il faut reconnaître que chaque société a ses réalités propres et ses déterminants sur lesquels il faut agir. Il faut éviter de verser dans une sorte de fatalisme. Il y a nécessité de prendre conscience de la situation et sa pleine mesure pour adopter ou adapter les mesures qui s’imposent. Il faut prendre le problème dans sa globalité pour agir efficacement sur ses causes, comprendre qu’il ne s’agit plus de simples actes d’indiscipline posés à l’école, mais davantage de réseaux de violence et de crime organisé dans certains établissements, avec des exécutants et des commanditaires, des armes blanches, la consommation et la vente de stupéfiants, les partouzes et les viols collectifs, malheureusement les blessures et les assassinats.

 Qu’elles peuvent être les solutions pour la bonne éducation des élèves ?

Tout d’abord faire le constat que le niveau de violence et de criminalité dans et autour des établissements scolaires n’est plus du seul ressort des enseignants, du reste pas du tout formés pour faire face à ces nouvelles menaces. Il y a lieu d’utiliser un personnel plus spécialisé et capable de faire face à cette réalité.

L’environnement géographique des établissements doit être également revu pour en faire un monde bien clos où les entrées sont contrôlées aussi bien que l’interdiction de certains objets ou outils dangereux. Ce travail de filtrage peut utiliser les portiques et les détecteurs, une technologie adaptée là où cela est possible.

J’ai entendu la ministre des enseignements secondaires demander l’installation des caméras de surveillance comme réponse à l’indiscipline et aux crimes en milieu scolaire. Il y a lieu de douter de l’efficacité de cette mesure en situation de manque ou de pénurie d’énergie à l’école, si d’autres préalables ne sont pas remplis.

Il y a lieu d’évaluer les risques pour chaque établissement scolaire par un personnel spécialisé, de proposer des mesures adaptées à chaque cas et enfin de mettre en place une vraie synergie entre les services de sécurité et les établissements scolaires. Le contexte actuel et les mutations des menaces criminelles montrent à suffisance que les établissements scolaires n’ont pas les compétences pour faire face aux défis disciplinaires que posent une population scolaire de plus en plus importante et  porteuse de violence.

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