En séjour au Cameroun le docteur Djoumessi, parle sans complaisance du pays qu’elle a quitté
Dr, vous êtes en vacances au Cameroun, quel en est le programme?
C’est une vacance comme vous la voyez-là, très laborieuse, c’est quand j’arrive que je me consacre aux affaires du Cameroun, ce ne sont même pas des vacances en fait. Ce n’est pas reposant pour moi, mais comme j’ai des travaux là, je suis obligé de le faire. Je ne sais pas si c’est ma malchance à moi ou si ça arrive aussi aux autres. En effet, c’est très difficile de confier les choses aux autres et de les trouver bien faites. D’abord, les gens ne savent pas ce que vous voulez et les gens sont devenus bizarres. Pas du tout honnêtes et voilà ce qui nous arrive.
Vous êtes partie du Cameroun très jeune, vous êtes revenue après 20 ans, vous êtes repartie. Quelle lecture faites-vous du Cameroun?
Beuh…une lecture très simple. Le Cameroun est un pays sous-développé ou en voix de développement pour ne pas être trop pessimiste. Ce qu’il faut dire en vrai, c’est que les mentalités changent, il faut aussi former la jeunesse parce qu’on a perdu une bonne partie des valeurs. Je crois qu’avec la volonté on peut tout faire. Il y a la malhonnêteté qui est entrain de gagner toutes les couches sociales, je peux me tromper aussi, mais je dis ça par rapport à ma petite expérience personnelle. Chaque fois que j’ai confié quelque chose à quelqu’un avant de partir, je n’ai jamais eu de bons résultats.
Par quoi traduisez-vous cette situation?
Les gens pensent que c’est la misère, qu’on est dans un pays pauvre, mais s’il faut lutter contre la pauvreté, il faut d’abord se demander si c’est ça qui transforme l’esprit des gens, je ne pense pas.
Lorsque vous arrivez au Cameroun et que vous allez au marché, quel est votre constat?
je remarque que tout est cher. Il n y a même rien à dire ! je viens de poser la question à quelqu’un comment vous faites pour manger, tellement c’est cher ? Quand je prends le lait, vous allez me dire que c’est un produit importé, lorsque vous voyez un litre de lait à 1 500 Fcfa, il y a problème, ça fait quand même partie des denrées les plus élémentaires. Je veux dire de première nécessité, il faut boire le lait, si on veut avoir du calcium. Le pain même, il coute assez cher ! Mais maintenant, est-ce qu’il y a assez de boulangerie par rapport à la population.
Lorsque vous observez tout ça, que dites-vous du régime gouvernant?
Pour dire vrai, je ne sais pas si le régime peut à lui seul redresser cette situation là. J’ai vécu un bout ici au Cameroun, je crois que chacun de nous est responsable de la situation actuelle même si les éléments politiques à eux seuls ne suffisent pas pour le faire. Chacun pense toujours pense toujours que c’est l’autre qui va changer, mais nous sommes tous concernés par ces problèmes là. Avec la volonté collective de changer, s’il y a une prise de conscience pour changer, ça ira, et non attendre le régime. Celui-ci ne viendra pas tout changer, le Camerounais n’a pas une bonne mentalité.
Mais, le régime n’impulse t-il pas l’action que les autres doivent suivre?
Dans beaucoup de pays, notamment en France d’où je viens, c’est la peur du gendarme qui fait que les gens sont obligés de se tenir à carreau. Ils ont peur parce qu’ils savent qu’au moindre décalage, ils vont être frappés et très durement. Mais ici, je l’impression que les gens n’ont même pas la volonté d’écouter ce que dit le gendarme. Je suis là avec une équipe de travailleur, parmi, un monsieur me demande de l’argent pour aller acheter l’essence après tu le vois saoul comme un polonais, l’essence n’est même pas achetée. Est-ce que c’est le régime ? Je vous donne là, l’exemple du comportement d’un individu, me direz-vous que c’est le régime ?
Vous parlez de la peur du gendarme, comparaissant la situation du Cameroun avec la France, ne peut-ion pas dire qu’ici chez nous il y a plutôt un problème de complaisance?
On peut interpréter ça comme on veut. Il faut chercher les raisons pour lesquelles il n’est plus efficace du tout. On peut philosopher, savoir où se trouve l’obstacle, pourquoi le gendarme ne joue t-il plus le rôle qui est le sien. On peut se poser mil et une questions, mais généralement, c’est lorsqu’on a peur du gendarme qu’on bouge. L’être humain a besoin de ça.
Que dites-vous du coté culturel des choses?
Je vois qu’il y a un changement dans le mauvais sens. Vous ne pouvez même pas demander un service à quelqu’un, il vous demandera combien vous le payez. Alors que nous avons servi, gratuitement nos mamans, nos papas etc gratuitement et gracieusement. Mais avec la situation actuelle, vous ne pouvez pas demander un service à quelqu’un sans qu’il n’attende rien retour. Quand bien même vous l’avez fait, il ne le fait pas. C’est lamentable, voyez-vous. Maintenant, pour sauvez les meubles, il faut revenir à une éducation de base. A cette dernière, tout le monde doit s’atteler à ce changement, ce n’est pas un problème de régime pour moi. Il n y a pas que le régime, les individus eux-mêmes ne sont pas bien, nous avons changé beaucoup de mentalité.

Comment accueillez-vous la récente décision du ministre de l’enseignement supérieur en rapport avec la formation des médecins?
Je pense pour ma part que si cette formation veut vraiment annihiler les mauvaises formations dispensées dans les écoles incriminées, on ne peut que saluer le geste du ministre. C’est quand même un domaine sensible qu’il ne faut pas laisser former les gens au rabais. Moi, j’ai vu, et comme je vous ai dit, j’ai travaillé 20 ans à l’hôpital central de Yaoundé, il y a des gens dont la famille peut se transformer en pharmacien et vendre des médicaments. Celui-ci à tâtons, prescrit les médicaments parce qu’à la base, il n’a pas posé le véritable diagnostic. Ce sont quand même des écoles d’élite qui demande qu’on soit un tout petit peu rigoureux pendant la formation. Les études médicales, malheureusement, lorsqu’il y a une erreur, ce n’est pas comme un pont qu’on peut redresser. Il y a mort d’homme en cas de bêtise et on ne réveille pas les gens qui sont morts. Je trouve donc que c’est une bonne chose si c’est dans le but d’améliorer la formation et dans le but de rendre les médecins plus compétitifs par rapport aux médecins formés à l’étranger.
Vous avez travaillé 20 ans à l’hôpital central de Yaoundé, aujourd’hui, lorsque vous entendez la corruption ambiante qui règne dans ce secteur et bien d’autre, quel regard posez-vous?
Ce n’est pas seulement dans le domaine médical qu’il faut parler de la corruption. Il s’agit d’un phénomène qui est généralisé dans le pays. Je ne peux même pas répondre du cas des médecins. Je pense que si on veut traiter des problèmes de la corruption, il faut le faire globalement, le médecin n’étant qu’un maillon de la chaîne.
Mais, ne faut-il pas convoquer le niveau de vie des médecins pour comprendre la situation?
Les conditions de vie des médecins, je trouve que ça par contre, est politique, il faudrait peut être, sans penser que je ne dise pas qu’on aligne le salaire des médecins camerounais au niveau de ceux de l’occident. Il faudrait peut être se dire et c’est ma position, que dans un pays normal, que tous ceux qui ont bac+5 par exemple, devraient avoir le niveau équivalent. Ce n’est pas le cas chez les médecins. ça fait mal, de voir des gens qui ont fait des études à votre niveau, vous n’ayiez pas le même niveau de vie. Par exemple un chirurgien ne gagne pas grand-chose alors que c’est quand même bac+12 c’est quand même un tout petit peu frustrant.
La situation que vous décrivez peut-elle justifier la fuite des cerveaux vers l’Europe ? je prend votre cas, vous qui êtes médecin-dentiste installée en France depuis des lustres?
On ne peut pas comparer le salaire d’un médecin camerounais à celui de l’Europe. J’invoquais seulement le différentiel de la grille salariale en rapport avec les travailleurs du même niveau académique ou de formation.
Etes-vous pour l’harmonisation?
Je parle justement de l’harmonisation des salaires ici au Cameroun et non de prendre le chemin de l’Europe. Je souhaite vivement qu’on harmonise les choses au Cameroun.
Vous avez dit que c’est un problème politique?
Je ne sais pas ce qui motive le politique à garder la situation telle qu’elle est. Seuls les politiques peuvent se pencher dessus et voir s’il y a moyen d’apporter une correction ou une justice quelconque.