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Éditorial: Hissène Habré en prison ou la fin de l’impunité des dictateurs

Par Michel Lobé Etamé, journaliste Le procès d'Hissène Habré a enfin eu lieu. Nous devons cette victoire à la justice,…

Par Michel Lobé Etamé, journaliste

Le procès d’Hissène Habré a enfin eu lieu. Nous devons cette victoire à la justice, à la démocratie et aux droits de l’homme. Face aux hésitations de son prédécesseur Abdoulaye Wade, Macky Sall vient d’entrer dans l’histoire de l’Afrique contemporaine. Il a permis que le procès de l’ex dictateur tchadien se tienne au Sénégal. La condamnation à perpétuité du génocidaire de N’Djamena met fin à 25 années de cabale et à l’impunité des dictateurs en Afrique

Ce verdict a été salué par des femmes et des hommes, rares survivants des geôliers de N’Djamena. C’est aussi une preuve que l’Afrique peut juger ses enfants sur son sol, loin des humiliations des tribunaux arbitraires de La Haye.

Un Tribunal spécial africain
Hissène Habré ne manquait pas de complicités parmi ses pairs africains et ses mentors occidentaux. Nous avons attendu 25 ans pour que justice soit faite. Nous nous en réjouissons car la détermination des victimes n’a pas été ébranlée. Le rôle des organisations humanitaires a aussi permis de lever le voile sur les méthodes barbares et inhumaines de l’ancien homme fort du Tchad.

Mais ce que nous devons retenir de ce procès retentissant, c’est la volonté affichée de l’Union Africaine de créer une première juridiction des Chambres africaines extraordinaires (CAE), en vertu d’un accord avec le Sénégal.

Les Chambres africaines extraordinaires ont été mises en place pour juger Hissène Habré. Elles doivent être permanentes sous l’égide de l’Union africaine et rappeler aux dictateurs que l’impunité est révolue.

Et c’est une première, le Tribunal n’a pas seulement retenu les crimes contre l’humanité commis sous le règne d’Hissène Habré. Ce dernier a été aussi reconnu coupable de viols. C’est une victoire pour toutes les femmes qui ont subi en silence les atrocités de leurs geôliers.

Quelles leçons tirer de ce procès ?
Nous ne devons pas seulement à Macky Sall, le président en exercice du Sénégal, la tenue de ce procès. L’Union africaine a aussi joué un rôle majeur dans sa composition. Cependant, la gestion des CAE reste un point sombre pour l’Afrique qui a toujours recours aux financements internationaux. Cette dépendance la fragilise et la met à nue. Les CAE ont été financées par le Tchad, l’Union africaine, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Belgique, la France et l’Union européenne.

L’Afrique doit se prendre en charge et sortir du cercle de la mendicité si elle veut se faire respecter. Il est donc impératif qu’elle s’émancipe des financements extérieurs qui influencent sa liberté.

Le rôle trouble des occidentaux sous le règne d’Hissène Habré
La condamnation d’Hissène Habré fait l’unanimité en Afrique et dans le monde. Mais il a fallu 25 ans pour réunir toutes les conditions d’un jugement respectable. Les complicités avérées parmi ses pairs et en Occident ont perdu une bataille contre les droits de l’homme. C’est ce qui rend plus crédible la condamnation de l’ancien bourreau de N’Djamena.

Les Chambres africaines extraordinaires sont une tribune de l’indépendance de la justice. Elles doivent mettre fin au rôle de la Cour Pénale Internationale (CPI) qualifiée de Tribunal des africains et rappeler que la justice internationale imposée jusqu’ici à l’Afrique est insultante, humiliante et méprisante. Une justice qui n’a jamais inquiété des génocidaires réputés tels que Pot Pol, Pinochet ou Videla.

L’Afrique peut se réjouir de cette victoire qui affirme sa souveraineté. Cette victoire est aussi une défaite des grandes puissances qui ont formé, équipé et conseillé l’armée d’Hissène Habré et des dictateurs en exercice.

Les grandes puissances tireront-elles une leçon de cette condamnation ? A l’approche des échéances électorales en Afrique, les pouvoirs en place fourbissent leurs armes. Les arrestations arbitraires sont en cours et les procès politiques maquillés pour museler les oppositions ternissent l’image d’une Afrique en quête de justice, de respect et de liberté.

Michel Lobé Etamé, journaliste
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