Dans un entretien à bâtons rompus avec JDC, Edoudoua parle de lui, de sa carrière, de ses ambitions et de son succès
Nous sommes en 2000, la chaîne de télévision privée Canal 2 lance ses programmes. Parmi les plus prisés, « Coup de balai », prestations humoristiques d’un groupe de 4 jeunes qui ne sont pas vraiment à leur début. Les épisodes s’enchaînent et le public en redemande. La bande à Edoudoua, ou à Bikarata -c’est selon – va connaitre plus tard les affres. De cet épisode noir, sortira d’autres groupes, avec en toile de fond le génie d’Edoudoua. Les années sont passées et aujourd’hui, il est devenu populaire, au-delà du Cameroun. Il nous parle de lui, Canal 2 et nous raconte dans les détails la scission de son premier groupe
Le public vous a découvert sur la chaîne de télévision Canal 2 International. Une chaîne que vous avez d’ailleurs contribué à rendre populaire. Racontez-nous un peu vos débuts dans cette chaîne?
Mes débuts à Canal 2 International remontent à l’an 2000. Il y a une femme qui fait appel à nous. Il s’agit de madame Pauline Biyong. Tout simplement parce qu’elle nous suivait souvent à la radio. On a animé plusieurs émissions à la radio nationale, à la Fm 94, à Crtv centre. A un moment donné, elle a fait appel à nous en disant qu’elle voulait qu’on lui fasse des petits scénarii sur le sida parce qu’en 2000, le sida était une maladie sur laquelle on faisait beaucoup de tapages. On partait avec des petits sketches et puis, on a monté tout un film. On a joué et j’avais le rôle principal. J’incarnais un séropositif qui disait qu’il n’allait pas mourir seul parce que selon lui, il n’avait pas bu ça dans l’eau. Il a pris ça chez quelqu’un et donc, il devait continuer à distribuer. Après ce film, il y a un caméraman de canal 2 qui nous a vus. Il trouvait que nous avions du talent et nous a parlé de la nouvelle chaîne de télévision. C’est comme ça qu’on a commencé à travailler avec lui. Nous même, on investissait parce que nous savions que nous avons du talent et nous voulions l’exprimer. C’est comme ça qu’on a commencé, on a continué à travailler jusqu’au moment où il fallait maintenant qu’on évolue sur la base d’un contrat.
Votre groupe va par la suite se démembrer avec le départ de Bikarata. Que s’est-il passé?
A moment donné, lorsqu’on avait déjà tourné beaucoup de scénarii, on a suspendu la chaîne. On est rentré chacun chez soi. Mais après, la chaîne a redémarré. On s’est alors dit qu’on avait déjà beaucoup donné à cette chaîne et il était maintenant question qu’on nous donne quelque chose. Le directeur de la chaîne est descendu sur Yaoundé. Il nous a rencontrés. Dans un premier temps, moi je vais être clair avec vous, il a dit que Bikarata devait avoir 80 000 Francs, moi 80 000, Nivaquine et Mbatam, 50 000 Francs chacune. Pour nous, c’était déjà quelque chose parce qu’au départ, nous investissions gratuitement. C’est comme ça qu’on a commencé. Au moment où d’autres chaînes de télévisions sont nées, la concurrence se dessinait déjà à l’horizon. Les responsables de Canal 2 ont fait appel à nous. Ils ont dit qu’il était temps de signer un contrat. Le premier jour, Bikarata a discuté avec la femme du PDG. Ils ont discuté de 10 heures à 14 heures. On nous avait demandé si le contrat devait être individuel ou collectif. Bikarata a dit que le contrat devait être individuel. Bikara est donc entré le premier. Il a discuté avec elle pendant près de 4 heures. Quand on a fait ensuite appel à moi, la femme du PDG m’a dit qu’il fallait qu’on attende le retour de son mari parce qu’elle ne pouvait pas tenir avec nous parce que Bikarata exigeait 300 000 Francs. Alors, nous sommes rentrés sur Yaoundé. J’ai dit à Bikarata que c’est une chaîne privée. Comme on nous a donné un autre rendez-vous, nous devons accepter 200 000 Francs et 100 000 Francs pour les femmes (Nivaquine et Mbatam). Bikarata a accepté. On est donc remonté pour un second rendez-vous. Là-bas, le DG nous dit qu’il est d’accord pour 200 000 Francs mais, il ne pouvait pas nous payer 200 000 Francs en espèces. Il proposait de nous payer 150 000 Francs en espèces et 12 500 Francs de crédit de téléphone par semaine. Bikarata a refusé et a dit qu’il n’avait pas à gérer son crédit de communication par personne interposée. Il a exigé qu’on lui donne 200 000 francs en espèces. Je suis allé vers Bikarata et je lui ai dit que je suis d’accord pour prendre à mon compte, son crédit de téléphone lui donner 50 000 Francs. Il m’a dit qu’il ne voulait pas de transactions parce que le contrat est individuel. Je lui ai fait savoir que j’assume des responsabilités. Je loue, j’ai une femme, j’ai des enfants. Je lui ai fait remarquer qu’il est dans la maison paternelle. Lorsqu’il sort de la maison, il sait que, quelque soit le cas, il y a un plat de nourriture qui l’attend. Ce qui n’est pas le cas pour moi. Et dans tous les cas, je lui ai posé la question de savoir qui perçoit un salaire équivalent à son travail au Cameroun. « On ne travaille que 4 jours par semaine donc, vous qui allez à l’école, vous pouvez fréquenter normalement. On peut même dire qu’on travaille uniquement les samedis. 200 000 Francs, c’est beaucoup pour les 4 jours » lui ai-je dit en l’informant qu’en ce qui concerne les filles, elles disent qu’elles n’ont pas de problème. Il a dit que s’il ne signe pas, les filles ne signent pas. Je lui ai donc demandé si finalement, les contrats étaient individuels. Il m’a dit qu’il décide ainsi en tant que leader du groupe. Est-ce c’est parce que Nivaquine est ta cousine et Mbatam, ta nièce que tu dis que tu es le leader du groupe ? Je lui ai demandé s’il y a un leader parmi nous. On s’est associé pour faire quelque chose. Si c’est donc le cas. Si toi tu es leader, moi je signe mon contrat lui ai-je dit. J’ai donc signé mon contrat. Bikarata est resté à Douala avec les autres filles. Je l’ai appelé et je lui ai demandé de bien réfléchir. Je lui ai dit que si on rentre sur Yaoundé, il faut qu’on commence le travail. A Yaoundé, j’ai pris le temps de voir certains de nos amis pour leur demander de parler avec lui. Pour moi, les choses étaient claires. Ce qu’on nous proposait, c’était déjà quelque chose. Comme il allait à l’école, c’était pour avoir du travail demain. Donc, il fallait qu’il profite d’abord de ce travail. Bikarata a refusé. Moi j’avais déjà signé le contrat donc, j’étais tenu de commencer à travailler. C’est pour cela que vous allez remarquer que lorsque j’ai commencé, le titre du téléfilm, c’était « coup de balai » tout simplement. Il m’a fait remarquer qu’il ne fallait plus l’intituler « coup de balai » parce que « coup de balai », c’était quatre personnes. Toi tu es seul m’a-t-il fait remarquer. Il faut chercher un autre nom. Je lui ai dit qu’il ne fallait pas que les téléspectateurs sachent qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Le temps pour lui de s’arranger avec Canal 2. Comme ça, quand ils reviendraient, on ne saurait pas qu’il y a eu quelque chose. Il a dit qu’il ne reviendrait pour rien au monde. J’ai donc décidé de changer le titre. J’ai mis un plus. C’est devenu « Coup de balai plus ». Il était sûr qu’en partant, je ne pouvais rien faire seul mais il n’y a pas eu rupture. Après, il a commencé à négocier avec les gens en envoyant les messages. Le DG m’a montré les messages et il m’a demandé : « je fais comment ? ». Je lui ai dit que c’est ça chaîne. Il était question qu’il s’entende avec les autres pour qu’on puisse continuer. Mais, j’avais déjà engagé un film avec certains gars. Je ne pouvais plus mettre ces gars de côté. S’ils viennent, il faudra qu’on fusionne avec l’équipe actuelle sinon, ce sera comme si j’ai exploité ceux qui travaillent en ce moment avec moi ai-je dit au DG. Finalement, le DG a décidé que ça ne valait plus la peine car il fallait mettre en place un double budget pourtant on donnait déjà satisfaction à la chaîne. Voilà comment la situation s’est présentée.
Aujourd’hui, on vous sait chez Achille Productions et on vous voit également sur Canal 2. Pour qui est-ce que vous travaillez finalement?
Je suis avec Achille Productions. Un artiste ne devrait pas appartenir à une chaîne de télévision, il devrait appartenir à une maison de productions. C’est la maison de productions qui cherche les chaînes de télévision où il peut vendre les prestations de l’artiste. C’est Achille Productions qui doit chercher à diffuser mes productions sur la CRTV, CANAL 2, EQUINOXE etc. Ça dépend des contrats qu’il aura noués avec ces gens.
On sait que vous faites désormais dans la musique. Qu’est-ce qui vous y a poussé?
Quand on est artiste, on est amené à faire un peu de tout. Vous pourrez découvrir plus tard que je suis photographe ou peintre. L’art, c’est tout un océan. Tout le monde nage là. Et puis, je fais de la musique comique. Quand on écoute mes prestations, ce n’est que comique.
Comment est-ce que vous vous sentez dans cette nouvelle aventure musicale?
Un monde sans musique peut-il exister ? Moi je berce les gens. Il y a des endroits où l’on ne capte pas Canal 2 International. Quelqu’un peut donc mettre sa radio et écouter Edoudoua Non Glacé dans une comédie musicale. Ça lui fera du bien.
S’il fallait faire un choix entre la musique et la comédie.
Même la musique que je fais, c’est une comédie. C’est toujours l’expression de la comédie que je ramène au niveau de la musique.
En attendant la sortie du CD et du DVD de votre groupe, quelles sont vos occupations actuelles?
On a déjà fait 2 DVD avec Achille Productions. « Homonyme » et « la foi » qui ont même été bien accueillis du côté du Gabon. Il y a la chaîne RTN (Radio et Télévision Nazareth) qui avait acheté ces 2 produits. Donc, ça a été bien vu là-bas. C’est pour ça que je disais l’autre jour à mon producteur qu’en dehors des ventes, il faut qu’il fasse diffuser ça dans une chaîne de télévision pour que les gens sachent de quoi il est question. Actuellement, on est en train de monter des films.
Pendant le festival Afro Design, on vous a vu travailler avec la compagnie « Dorothy Company ».
J’étais en train d’aider un ami qui est venu avec un nouveau produit. Il s’agit de la vente et de la location des toilettes portables. Il a fait appel à moi. Je suis allé lui présenter un synopsis qu’il avait demandé pour tourner un spot. C’est alors qu’il m’a demandé de rester avec eux pour les aider au niveau de l’image mais je ne travaille pas pour lui.
C’est une question qu’on vous a déjà sans doute posée. Quelles sont vos relations avec Zakougla?
Quand on me pose souvent cette question, j’ai envie de rire. Parce que les camerounais attendent que je leur dise quelque chose. Mais si je leur dis le contraire, est-ce qu’ils vont me croire. Vous voulez que je vous dise qu’entre Zak et moi, il y a des relations intimes? Si je vous dis qu’il n’y a rien, vous allez dire que je veux me débarrasser de vous. Vous allez penser que je ne peux pas avouer. Moi je dis aux camerounais que ce qu’ils ont en tête, c’est ça qui existe entre nous. S’ils pensent qu’il y a relation intime, alors c’est ça. Mais s’ils disent que si c’était intime, ils ne pouvaient pas arriver à ce niveau, alors ils ont toujours raison.
Quel est le regard que vous jetez sur la comédie camerounaise aujourd’hui?
Sur l’art camerounais en général. Vous savez, je comprends tout le monde. Je ne dis pas que je suis bon mais je dis, nous sommes dans un monde où règne la précarité. Alors, si quelqu’un peut faire quelque chose et que ça peut l’aider à avoir deux bières chez le voisin, ça l’aide. Donc, il y a des gars talentueux, mais il y a beaucoup de jongleurs. Ils sont nombreux mais rassurez vous, le mensonge n’a pas de longues jambes. Quand tu veux faire dans l’art, il faut être un modèle. Dès que tu commences à faire comme. On va dire, il veut faire comme. Alors, je crois qu’on sera toujours en train de faire la promotion de cette personne. Mais quand on vient avec un nouveau souffle, un sens nouveau, on demeure vraiment un héros.
S’inspirant de votre expérience, il y a beaucoup de jeunes qui veulent faire dans la comédie. Quels conseils pouvez-vous leur donner ? Y a-t-il une école de comédie à leur recommander ? Faut-il apprendre sur le tas?
Moi je ne suis pas passé par une école, je voudrais dire aux jeunes que tout ce qu’ils veulent faire dans la vie, il faudrait qu’ils le fassent par vocation. Il ne faut pas que ce soit parce qu’on veut imiter tel. Il faudrait vraiment qu’on fasse ça par amour tout simplement et quand on fait ça par amour, on ne parle pas d’argent au départ. L’argent vient récompenser un bon travail. Je dis toujours aux gens que mon meilleur moment, c’est quand je suis face au public ou alors face à une caméra. Là, je sens que je suis à l’aise. L’argent, ça vient parce que quand on travaille, il faut bien qu’il y ait un salaire. Mais au départ, on ne s’attend pas à ça, on fait d’abord ça par amour. Tous ces grands noms qu’on a aujourd’hui, ce sont des gens qui ont d’abord travaillé. Aujourd’hui, les gens sont contents de Tsimi Toro. S’il vous dit combien d’albums il a déjà commis sur le marché, vous allez être surpris. Hier, on dansait Ronz avec son titre « Kele, sors », je crois qu’il était au 16ème ou au 17ème album. Les gens ne savaient pas cela. Mais au départ, il a supporté, il a travaillé et finalement, ça a payé.
Vous avez un retour favorable de vos prestations à l’étranger?
L’année dernière, j’étais invité à la 6ème édition du festival international du rire d’Abidjan où je représentais le Cameroun. Si vous allez maintenant à Abidjan et vous demandez qui est Edoudoua Non Glacé, je crois que même les figures emblématiques de la comédie comme Gohou, Bohéri vous diront que je ne suis pas facile à croquer. Au Gabon, j’ai déjà fait 3 spectacles et je crois que j’y serai encore en Décembre pour un festival international du rire.
Votre contact pour les fans et les promoteurs culturels qui souhaitent rentrer en contact avec vous?
Déjà, les fans et les promoteurs culturels peuvent visiter notre site web www.coupdebalaiplus.com. Ils peuvent aussi m’envoyer des e-mails à l’adresse edoudoua@yahoo.fr. Ils peuvent enfin me joindre par les deux numéros de téléphone suivants : (+237) 77 82 50 23 ou (+237) 96 87 38 62.