L’enjeu d’un Golfe de Guinée plus sûr pour le Cameroun n’est pas que pétrolier. Il implique aussi la transformation du pays en une base économi
Carrefour maritime entre l’Afrique, l’Europe et l’Amérique, aire de transit et de trafics de tous ordres, le golfe de Guinée est devenu selon des experts de l’Organisation Maritime Internationale la seconde région du monde la plus affectée par les actes de piraterie et de brigandage maritimes, juste derrière les côtes d’Aden en région somalienne. Au cours du premier semestre 2011, on a dénombré le long de la Côte ouest-africaine au moins dix-huit attaques de navires, selon les chiffres du Bureau international maritime (BIM) dont cinq au Cameroun. Ces données selon certains experts seraient cependant à revoir à la hausse. En effet, certaines attaques portent sur des victimes n’ayant pas les moyens de se faire connaitre et ne sont donc pas prises en compte. Toujours est-il que ces attaques sont le plus souvent suivies de prises d’otages parmi les membres d’équipages ou de vols de biens se trouvant sur les bateaux. Les marchandises ou les cargaisons saisies sont alors revendues en contrebande, avec la complicité des agents des douanes ou des polices locales. Quant aux otages ils sont devenus l’enjeu d’un véritablement commerce. Ils sont généralement libérés contre versement de fortes rançons. La montée de la piraterie maritime dans le golfe de Guinée est à l’évidence une menace pour les économies des pays intérieurs, qui dépendent des activités portuaires des pays portuaires voisins pour leurs exportations ou leurs approvisionnements extérieurs. Pour le Cameroun par exemple, le port ne sert pas uniquement son économie. Il est le point de passage pour des pays enclavés comme le Tchad ou la RCA.
Quoiqu’il en soit, l’enjeu majeur dans le Golfe de Guinée est d’abord pétrolier. Ainsi, au cours de la dernière décennie, le golfe de Guinée est devenu une zone stratégique d’importance pour les puissances mondiales en quête de sécurité énergétique. « L’exposition du golfe de Guinée à la piraterie maritime est due à la présence de champs pétroliers off-shore pour la plupart, au large de la quasi-totalité des côtes des Etats concernés. Le potentiel de croissance pétrolière y est plus élevé que celui de la Russie, de la mer Caspienne ou de l’Amérique du Sud ». Et selon les prévisions, en 2030, la sous-région produira neuf millions de barils par jour » a expliqué Josept Ntuda Ebode un professeur Camerounais de géostratégie à l’occasion du symposium organisé vendredi 21 juin 2013 en prélude à la rencontre des chefs d’Etats. Cette configuration, d’après cet expert donne à cette zone un autre élément d’attrait pour les pirates. « C’est qu’en raison de ses multiples richesses, elle devient selon lui une aire de transit et de trafic de tous ordres, stupéfiants compris » a-t-il ajouté. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le regain d’intérêt pour les réserves énergétiques du Golfe de Guinée: l’instabilité croissante au Moyen-Orient, l’envolée des prix du pétrole, la qualité du pétrole brut facile à raffiner du golfe de Guinée et enfin, la localisation offshore de l’essentiel des gisements pétroliers de la région. Ce qui les met en principe à l’abri des turbulences politiques et des conflits sociaux locaux. De plus, les trajets maritimes vers l’Europe et les États-Unis sont plus directs, plus courts et – en théorie – plus faciles à sécuriser. Un grand nombre de groupes pétroliers considèrent ainsi les gisements du golfe de Guinée comme plus sûrs à exploiter que ceux du Moyen-Orient ou du Maghreb.
Le golfe de Guinée renferme l’un des plus grands gisements de pétrole sous-marins connus au monde. Selon les estimations des experts, le potentiel de croissance des ressources pétrolières du golfe de Guinée est plus élevé que celui de la mer Caspienne (Asie centrale) ou de l’Amérique du Sud. La ruée vers les champs pétroliers africains pourrait attirer plus de 50 milliards de dollars d’investissements avant la fin de la décennie et rapporter plus de 200 milliards de dollars de revenus pétroliers aux pays producteurs. De nombreuses études démontrent cependant que l’évolution de la piraterie dans le Golfe de Guinée trouve son origine dans l’histoire socio politique du Nigéria notamment dans son Etat du Delta du Niger. Le développement contemporain de la piraterie dans cette zone reproduit très souvent le schéma observé dans le delta depuis ces cinquante dernières années. Le delta du Niger est ainsi à ce jour la zone la plus sensible du golfe pour la piraterie. La construction historique dans le delta d’une opposition politique à l’Etat central nigérian, au sujet de l’activité pétrolière, a été le moteur initial d’une piraterie aux motivations aujourd’hui devenues beaucoup plus complexes. On ne peut envisager une réponse à la piraterie dans le Golfe de Guinée, sans examiner une question elle-même très délicate, celle des rapports entre l’Etat centrale d’Abuja et le pourvoir de l’Etat du Delta au sud du pays
