Michel Ndoh, le président de l’association «Sandja» explique les contours de cette édition spéciale à Douala
Depuis combien d’années l’association Sandja s’intéresse à la fête de la musique?
L’association Sandja s’intéresse à la fête de la musique au Cameroun depuis 2004. Les années antérieures la fête de la musique se célébrait davantage dans les cabarets et à un moment donné mes camarades et moi on s’est dit que ce serait bien de la mettre dans la rue parce que c’est cela l’esprit à la base. Ça ne concerne pas que les professionnels, mais aussi les amateurs et tous les mélomanes confondus. L’esprit c’était de mettre quelque chose à la portée de tous, démocratiser cette musique et notre objectif c’est de parler des musiques du patrimoine camerounais en tant que musique dans laquelle tous les camerounais se retrouvent; celle qui est faite par les Camerounais pour les Camerounais, mais pour le monde entier aussi.
On a l’impression que le concept n’est pas encore bien ancré dans les habitudes, tant chez le public que chez les musiciens eux-mêmes. Qu’est ce qui peut expliquer cela?
Je dirais que je ne suis pas si pessimiste que cela, en 2004 on avait déjà réuni près de 3000 personnes et les autres années le public a augmenté. Je pense que notre rôle c’est d’éduquer, c’est de créer le besoin chez les gens permanemment. Il faut que les gens comprennent que si nous sommes pauvres c’est parce que nous ne consommons pas ce que nous produisons et nous ne produisons pas ce que nous consommons. Alors il faut consommer la musique camerounaise, d’abord les Camerounais et ensuite la proposer au monde entier. Et de toute manière, la qualité musicale dépend d’abord de son travail d’origine, donc ce qui nous identifierais d’une autre musique. Moi c’est mon rôle et mon combat. Je pense que je ne suis pas encore au bout de mes peines et je ne me découragerais pas. Cela fait sept ans cette année que cette expérience est renouvelée, il y a encore du chemin à faire mais il faut oser. C’est peut être parce qu’on n’ose pas que les choses sont difficiles.
On remarque que c’est de plus en plus une fête pour les jeunes, les nouveaux talents, on ne fait pas beaucoup allusion aux anciens. Pourquoi?
Effectivement et je dis bien pour qu’on se comprenne là-dessus, la fête de la musique c’est la fête de tous les publics et nous faisons des efforts chaque année pour avoir un plateau assez équilibré. Cette année c’est 50 chansons pour les 50 ans de l’indépendance et de la réunification du Cameroun, donc nous restons toujours dans une sorte de croisière musicale. On va essayer de ratisser un peu plus large en partant des années 1960 aux années 70, décennies par décennies pour rappeler aux gens que même si certains anciens comme Nelle Eyoum ne vivent plus ils sont toujours dans nos esprits parce qu’ils ont fait des uvres d’esprits et qu’ils ont laissé matière. C’est par lui que le makossa prend une sorte d’envol. Eboa Lotin qui est parti existe toujours; C’est ça l’objectif.
En partenariat avec le Centre Culturel Français de Douala vous avez décidé de coller cette édition aux cinquantenaires. Pourquoi ce thème?
Tout d’abord parce que c’est l’actualité. Il fallait que cette année soit marquée par quelque chose. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a que 50 chansons qui existent. 50 chansons c’est symbolique, c’est pour revenir dans le contexte des cinquantenaires. Mais en tenant compte de notre diversité culturelle qui est marquée par quatre aires. L’aire fan béti, l’aire des grassfield, l’aire du septentrion et l’aire sawa donc le grand Littoral. Nous avons essayé de concocter un plateau où tout le monde va se retrouver, pour la simple raison que Douala est une ville cosmopolite, hétéroclite. Il fallait présenter toute cette richesse gratuitement à tous les mélomanes qui viendront lundi 21 juin devant l’esplanade du CCF de Douala.
Peut on savoir qui sera sur le plateau?
Je dis ça de façon un peu désordonnée et je vais sans doute en oublier, on aura Henry Njoh, Nicole Mara, Big Ben J Mateke, Mengala Joss qui est parti de Yaoundé, Njhoreur, Joe Etonde qu’on n’a pas vu depuis longtemps, mais aussi dans les musiques urbaines. Pour répondre plus amplement on aura Boudor, One Face, Mystère et d’autres artistes que vous connaissez et d’autres à découvrir à tout prix.

Dans une organisation comme celle-là avez-vous reçu du soutien, notamment des pouvoirs publics?
J’avoue que le soutien nous vient principalement de deux institutions qui sont le ministère de la Culture et le Centre Culturel Français qui nous a toujours soutenu, je dois le dire très honnêtement. Je suis simplement un peu écoeuré parce que c’est un évènement citoyen, pour les citoyens et la ville n’est pratiquement pas présente. Alors qu’en réalité nous faisons le travail de la ville, celui d’animer la ville en lui donnant un contenu culturel adéquat. Le problème de la ville c’est qu’elle ne comprend pas encore l’intérêt qu’elle a à contribuer efficacement mais alors de façon rapprochée de ces opérateurs culturels qui lui proposent des choses. Regarder par exemple une ville comme Ouagadougou, c’est la culture qui l’a rendu importante. Dakar est importante parce qu’il y a un évènement culturel qui s’appelle Dakar’art. Au Bénin c’est le Fiteb.Aujourd’hui je ne voudrais pas lancer des flèches au délégué du gouvernement et son équipe mais je dis simplement que c’est dommage qu’ils ne s’intéressent pas véritablement à la culture profonde, à la culture du vrai divertissement. Celle aussi qui partage des dogmes pour que les autres puissent recevoir aussi gratuitement.
En dehors de la fête de la musique on n’entend pas beaucoup parler de l’association «Sandja.» Que fait-elle d’autre?
L’association travaille pour les musiques du patrimoine, mais aussi pour les instruments de musique traditionnelle. L’association a commis l’année dernière une brochure qui présente les familles d’instruments de musique traditionnelle à savoir les cordophones (instruments à cordes), les membranophones (instruments à membranes), les idiophones (instrument dont le son résulte de la matière elle-même), et les aérophones (instrument dont le son résulte de la poussée de l’air). Elle a eu le privilège d’aller animer une exposition au siège des Nations unies sur le thème Rompre le silence tambour battant, organisée à l’occasion de la journée de l’abolition de l’esclavage. Parallèlement Sandja fait des formations dans les métiers de la musique par exemple le management culturel, ainsi que des appuis conseils pour ceux qui encadrent les artistes. Dans nos projets nous voulons arriver à faire une sorte d’encyclopédie des sons qui viennent des instruments de musique traditionnelle. Je pense que le ministère de la Culture soutient le projet, l’UNESCO est sur le dossier, ça devrait aller mieux d’ici l’année prochaine.
