La réalisatrice revient sur les moments douloureux du commandement opérationnel à Douala
90 minutes, c’est le temps que dure « Une affaire de nègres », nouveau long métrage de Osvalde Lewat-Hallade. 90 minutes, le temps d’un match de football, mais dans son domaine, c’est le temps que la réalisatrice a choisi pour retracer les évènements douloureux voire tragiques qui ont secoués plusieurs familles camerounaises à l’aube du deuxième millénaire. Mars 2000, le chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, met en place une unité spéciale de lutte contre la propagation de la criminalité qui gagne le terrain principalement dans la ville de Douala. A travers cette unité, l’Etat entend venir à bout du phénomène de grand banditisme qui de plus en plus, fait des victimes, car pour mémoire, il ne se passait un jour sans qu’un acte de vol ne soit commis au sein d’une famille, magasin. Un nom est alors trouvé pour baptiser l’unité spéciale : commandement opérationnel. Si cette mesure étatique souhaitée est bien accueillie par la population, celle-ci va malheureusement vite déchanter au vu des nombreuses dérives des membres du cette unité. En effet, elle procède entre autre, par des rafles de toute personne suspectée d’être de celle qui sème la terreur dans la cité économique. 1 600 personnes font ainsi faire les frais des coups de filets des militaires.
Des dérives sécuritaires
Mais où le bât blesse, c’est que ces personnes notamment, auraient été tuées comme ont conclu les familles des victimes, ou disparaissent sans laisser de trace. C’est d’ailleurs le cas de 9 jeunes garçons du quartier populaire Bépanda à Douala, qui un an après leur disparition, sont restés introuvables jusqu’à nos jours également. L’affaire des 9 disparus de Bépanda comme on va la qualifier dans la presse, ne s’arrête pas là. Le Haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’organisation des nations unies, ONU, est saisi. Si les militaires responsables de cette dérive et de bien d’autres sont jugés comme étant responsables des rafles, la procédure n’aboutit pas, à la grande désolation des familles des victimes. La déception est grande, le sentiment d’injustice aussi. Et on devine aisément que la plaie ne s’est toujours pas refermée, à travers les témoignages des familles présentés dans le documentaire. Ajouté à cela, celui d’un militaire qui fut membre du « commandement opérationnel », ainsi que celui d’un avocat qui a défendu la cause des familles des victimes en passant par les déclarations d’un rescapé de cette période difficile à effacer de la mémoire collective, malgré les années écoulées. A cet effet, Osvalde Lewat-Hallade met à nu, les abus effectués pendant cette période par les forces de l’ordre. Le but visé, est d’amener le cinéphile à comprendre exactement ce qui s’est passé au cours de cette période.
Toujours pas de sanction
Une fois de plus, l’absence des sanctions à l’encontre des militaires incriminés, de leurs supérieurs, est vivement dénoncée par la réalisatrice camerounaise. En plus de la responsabilité politique, elle s’interroge également sur le rôle de la société civile de notre pays. Il faut rappeler que c’est la population qui a voulu le «commandement opérationnel», souligne la réalisatrice qui dans le même ordre d’idée, indique que neuf ans après, 90% des habitants de la ville de Douala interrogés, souhaitent encore le retour de cette unité de lutte contre la criminalité. Un paradoxe, comme l’ont d’ailleurs indiqué plusieurs critiques d’art après avoir visionné le documentaire.