Président du club Rfi Yaoundé, il s’est perfectionné à l’ombre du feu journaliste
J’étais comme son secrétaire particulier, son homme de main. On travaillait sur les dépêches et je l’aidais dans beaucoup d’autres domaines. Au début, j’écrivais les dépêches, il les relisait et corrigeait avant de les dire à l’antenne. Mais un peu avant son décès, il les lisait tel quel, sans rien modifier. Et moi je me disait que si le grand David Ndachi Tagne lit mes papiers sur Rfi, je n’ai plus besoin de passer par l’école!.
André Bion, venait alors d’obtenir sa maîtrise en Lettres modernes françaises et n’avait pas encore digéré son échec au concours d’entrée à l’Esstic quelques années auparavant. Seulement, deux camarades, Paul Kouamo et Antoine Mballa connaissant ses aspirations pour le métier de journaliste parviennent à le convaincre de refaire le concours de l’Esstic. Ce qu’il fait et réussit. Deux ans après, André Bion se dit aujourd’hui confiant. Remarquable polyglotte, il parle couramment trois langues officielles: le français, l’anglais et l’espagnol. Il a maîtrisé l’anglais à la faveur de la licence en lettres bilingues obtenue à l’université de Buéa et l’espagnol grâce aux cours de perfectionnement suivis à l’ambassade d’Espagne au Cameroun où il a même eu à enseigner. De même, le jeune homme a plusieurs fois participé à des concours littéraires et poétiques et remporté des prix. Et dans sa classe, aujourd’hui, André Bion suscite de l’admiration et compte parmi les valeurs sûres. Président du club Rfi Yaoundé depuis 2002, il continue de travailler avec la chaîne mondiale par l’entremise de certains journalistes comme André Navaro ou Laurent saindoux qui le contactent de manière informelle pour certaines tâches. Il est également coordinateur national d’un mouvement d’action catholique appelée ACE Cop Monde, ce qui le fait souvent voyager de par le monde. Pourtant, tout n’a pas toujours été facile dans la vie de ce jeune garçon originaire du Nyong et Kellé.
Le fruit de l’effort et de la persévérance
André Bion naît le 11 juillet 1983 à Yaoundé dans une famille de 6 enfants. Je suis d’une famille pauvre. Et ça, c’est la première motivation. J’ai parfois fait des jobs pour payer mes études et même celles de mes frères. J’ai porté des parpaings, travaillé comme man uvre dan des chantiers, j’ai aussi vendu des beignets manioc que je faisais moi-même frire. Tout ceci m’a plutôt motivé et poussé à aller au bout. Parce que je me disais que je n’ai pas le droit d’échouer parce que je n’ai pas des parents qui ont les moyens de m’amener loin. Seuls mes efforts personnels le feront, révèle André Bion avec un brin de sourire sur les lèvres. En classe de troisième, il crée le club journal au Lycée d’Efoulan: Le désir de faire dans le journalisme m’habitait depuis l’enfance. J’appréciais beaucoup les présentateurs. Même si aujourd’hui, je ne suis plus très fan de ce média qu’est la télévision. Je me rends compte qu’il y a trop de contraintes. Et un peu avant 2002, Rfi organise un concours de recrutement de jeunes talents. C’est d’ailleurs ça qui m’a fait remarquer.
Il obtient son baccalauréat A4espagnol dans ce même lycée où il a deux fois fini meilleurs élève de l’établissement: « Lorsque j’obtiens le baccalauréat, je tente le concours de l’Esstic. Et à l’époque j’avais été major du stage radio télévisé que nous avions effectué à la Crtv. Et j’étais sûr que je réussirais. Le sort en a décidé autrement ». Déçu mais pas résigné, André entreprend alors de passer par d’autres voies pour atteindre ses objectifs. Atteint du virus de la langue de Shakespeare, il s’inscrit l’université de Yaoundé I. Il en sort trois ans plus tard avec une licence en lettres bilingues. La maîtrise en Lettre bilingues n’étant pas disponible dans cet établissement universitaire, il se rabat vers les Lettres modernes françaises et arrache la maîtrise en travaillant notamment sur Jacques Prévert, le célèbre poète anticonformiste français. Mais entre temps, il a exercé dans plusieurs radios de la ville.
Sur le chemin de son métier
« Quand je rate le concours, je me lance dans le privé. J’étais d’ailleurs un des premiers présentateurs de radio lumière où j’ai d’ailleurs crée une émission qui continue d’y être diffusée. Et c’est là que David Ndachi Tagne me remarque et je deviens son secrétaire particulier. Lui, il devient comme mon père spirituel. Je fais parfois ses dépêches, il les corrige et les envoi. Puis à un moment donné, il les lisait à la virgule près. ». Harassé par le travail plus qu’il n’est motivé, André part de la radio Lumière pour la radio Siantou : »Monsieur Ndi Samba, sans toutefois vouloir le critiquer, n’encourageait pas. Le studio n’était pas climatisé, il fallait transpirer. Ce n’était pas évident. Nous travaillions gratuitement », finit-il par dire. A la radio Siantou, il est impressionné par J. Rémy Ngono, à l’époque professeur de français à l’Institut Siantou Supérieur: » J’étais jeune. Et c’est ça qui marquait les gens. Parce qu’on voyait un enfant qui voulait parler, on me laissait parler et puis je parlais bien ». Mais le traitement n’y diffère pas de celui de la radio Lumière. Il s’en va à Magic Fm. Là aussi, il sera la cible de petits coups bas qui le font rapidement se diriger vers la radio Satellite où il reste un bon moment. « J’y ai même reçu un prix. Il fallait être vraiment fort pour y passer à l’antenne. Seulement, je n’ai pas été recruté par ce qu’il y avait des aînés qui ne voulaient pas nous voir intégrer. Ils s’amusaient à nous mépriser et à nous traiter comme de grands enfants. A l’époque j’avais un enthousiasme sans borne pour le journalisme qui faisait que même si on ne me payait pas, ma joie, ma satisfaction c’était d’avoir l’opportunité de faire ce dont j’ai toujours rêvé. Du moment où on me donnait plus de 10 000 c’était suffisant. Parce que je calculais cela par rapport à la pension scolaire. J’utilisais cet argent pour payer mes études lorsque j’étais au secondaire ».
Ambitions
Pour aller loin, il faut se fixer les objectifs et se donner les moyens de les atteindre. Pour moi, c’est la foi qui apporte le matériel. Quand on veut, vraiment on peut. J’ai toujours eu des camarades très riches. Je les regardais, je voyais qu’ils ont tout ce qu’on demande. Je me disais que j’ai plus de travail à faire. Je lisais des documents entiers parce qu’il fallait les remettre. Sincèrement, si j’avais tout eu j’aurais jamais avancé. C’est quand on me met dans des conditions de travail difficiles que j’avance. A 26 ans, André Bion a une vie presque épanouie. Dans son entourage, personne n’imagine les immenses potentialités et les possibilités de ce jeune homme. Lorsqu’on l’interroge sur ses ambitions, il répond: « Pour moi, les ambitions n’existent pas pour un étudiant qui se respecte au Cameroun. Plusieurs de mes ambitions se sont toujours évaporées depuis que je fréquente ». Et au regard de ses multiples compétences, on se demande s’il ne finira pas par abandonner le journalisme. « J’ai toujours rêvé d’être journaliste. Malgré les études que je faisais à l’université. C’est le seul domaine dans lequel je me sentirais bien, où j’exprimerais sans problème mes talents. A côté de ça il y a des ambitions passagères qui se dressent », précise t-il. Son plus beau souvenir professionnel remonte à l’époque où il était élève au lycée d’Efoulan. « Je me souviens encore du journal que j’ai présenté avec comme invités Ibrahim Chérif et Anne Marthe Mvoto. Pour moi c’était un moment fou et formidable ». Et sa plus grande satisfaction est celle d’avoir mis deux âmes en contact, deux amis qui sont aujourd’hui mariés. Ses modèles en matière de journalisme sont: Charles Ndongo, François Marc Modzom, Alain Belibi. Côté c ur, ce grand esprit est apprivoisé par une charmante lycéenne qui le rend parfois fou.