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Deux présidents à Libreville: l’un dit « élu », l’autre dit « proclamé »

Par Hippolyte Nwal Deux Présidents à Libreville, au lendemain de la décision de la Cour Constitutionnelle, dont l'un dit "élu",…

Par Hippolyte Nwal

Deux Présidents à Libreville, au lendemain de la décision de la Cour Constitutionnelle, dont l’un dit « élu », et l’autre, dit « proclamé »: situation ubuesque, s’il en est, mais avec déjà des tueries à déplorer !

« Le genre de nègreries auquel l’Afrique finit par nous habituer. », se gaussent sans doute certains, mais la crise est là, sans que personne à ce jour ne puisse en prédire, ni l’intensité, ni la durée. Difficile d’éviter de se demander pourquoi les lendemains d’élections se ressemblent-ils toujours tous, particulièrement en Afrique Centrale!?…

S’il est un enseignement à tirer dès à présent de la crise consécutive à ce scrutin, il serait le suivant, me semble-t-il : A moins que celui-ci tire sa force d’urnes justes, transparentes, équitables et adossées à des règles consensuelles, aucune cohabitation n’est possible entre un Homme dit « fort », et des institutions fortes.

Les Institutions mises en place par un Homme dit fort, se révèleront toujours être taillées sur mesure, pour lui permettre de prolonger indéfiniment un règne, se drapant de simples dehors démocratiques. Vivement que la proclamation de résultats puisse se faire un jour dans nos pays, sans nécessiter une forte présence armée, et quel que soit l’issue du scrutin; tel que nous le voyons dans des pays ou la démocratie a définitivement acquis droit de cite.

Seule la démocratie est garante d’une paix civile réelle et pérenne, qui ne nécessite de présence armée qu’aux frontières pour la préservation de l’intégrité territoriale, ou en cas de menace grave pour la sécurité intérieure. Le principal challenge des pays africains, est de gagner le combat contre le sous-développement. Or ce que les difficultés à y parvenir 60 ans après les Indépendances révèlent à suffisance, ce sont les limites de systèmes dont la marche au quotidien autant que la stabilité reposent sur un individu juge providentiel, et qui a ce titre est objet de tout un culte!

Verbatim: des institutions fortes, et/ou de l’homme fort.
A la question de savoir si l’Afrique a besoin d’hommes fort plutôt que d’institutions fortes, ma réponse est clairement NON. Cette réponse ne variera pas, quant à savoir si oui ou non des institutions fortes ont besoin d’hommes forts pour fonctionner, gagner en solidité et devenir pérennes! En réalité, institutions fortes et homme fort sont une antinomie fondamentale, celle-ci aggravée par les exigences d’un siècle, plus demandeur en compétences cognitive: Partout où la force avance, c’est le droit qui recule, à proportion au moins égale !

Or le Gabon autant que tous les pays de la sous-région, dont le Cameroun, plutôt que d’évoluer en suivant l’air du temps, est resté sous le paradigme quelque peu attarde et anachronique de l’homme fort. Si la présence d’un homme fort pouvait être d’un apport bénéfique quelconque aux institutions, sans doute aurions-nous au Cameroun par exemple, une architecture institutionnelle d’une force inégalée, au bout de 35 ans d’un Magistère ininterrompu. Le Cameroun ne vivrait pas dans l’inquiétude consécutive à une transition qui tarde à se dessiner! La force des Institutions ne saurait être liée à l’homme qui les dirige, mais davantage à leur nature consensuelle, qui elle en garantit l’autorité.

Bien que les institutions soient le fait des hommes, elles sont par la suite sensées les transcender, être au-dessus de tous. Ce n’est donc pas l’homme-Dirigeant qui fait les institutions ou leur force, mais plutôt l’inverse, c’est-à-dire les institutions qui font la force de cet homme. De plus, les institutions fortes ont besoin d’intelligence, et non de force pour fonctionner et jouer pleinement leur rôle. Certes, il peut arriver qu’un homme dit fort se trouve à la tête d’institutions fortes. Mais dans ce cas, la force de cet homme ne proviendra jamais d’un décret, ni de sa brutalité physique; et donc pas de la crainte qu’il pourrait inspirer: seule, une légitimité authentique fera sa force, non pas pour opprimer son peuple, mais afin qu’en compagnie ainsi qu’au nom de ce dernier, il soit en mesure de défendre pleinement les intérêts de ce peuple. La légitimité authentique sous-entend un scrutin libre, juste, transparent; aux règles connues et fixées d’avance, de manière consensuelle.

Mais le consensus doit se chercher et se trouver suffisamment en amont, tant en ce qui concerne les règles applicables, que la façon de gérer le contentieux inévitable. Le Nigeria vient de nous donner une illustration grandeur nature, en matière d’organisation et d’anticipation. Ainsi, tout ce qui pourrait être conçu hors ce cadre relèverait du bricolage dangereux, qui ne nous mènerait guère plus loin que nous ne sommes aujourd’hui, au cas peu probable, ou nous réussirions à éloigner de nous la relégation. Autant le savoir, autant se le dire dès à présent. Mais déjà, par ces temps difficiles qui s’ouvrent, la France en critiquant sévèrement la décision rendue par la Cour Constitutionnelle, se positionne dans le jeu, comme le meilleur protecteur de la volonté du peuple, donc de la démocratie. Pour lui avoir permis de réaliser combien les mentalités des masses ont évolué, l’expérience du Burkina n’y est sans doute pas étrangère.

Or la démocratie véritable, seule permettrait à nos pays une Indépendance véritable. Si l’on admet que le déficit de légitimité de nos dirigeants est un des principaux moyens de perpétuation du système néo-colonial, une telle indépendance serait-elle réellement compatible avec l’intérêt de la France?


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