Un album composé en mémoire de l’histoire. Il nous en parle!
« Février 2008 », c’est le titre du nouvel album de l’artiste camerounais engagé Joe la Conscience. L’album sort officiellement ce mercredi, 25 février 2009. Une date qui n’a pas été choisi au hasard, puisqu’elle commémore la disparition des compatriotes lors des émeutes contre la faim, qui avaient secouées plusieurs villes du pays l’année dernière. Parcourons ensemble cet opus de 10 titres avec son auteur.
Tout d’abord, qu’est ce qui explique la composition d’un tel album?
L’album intitulé « février 2008 », est tout simplement l’écriture musicale de tous les évènements de février, afin que l’histoire retienne, que le peuple sache la vérité sur les responsabilités des uns et des autres, et puis que dans le futur, on puisse tirer des leçons et que ça ne se reproduise plus, même comme on remarque malheureusement la surdité des gens qui nous gouvernent. Ce qui ne nous permet pas d’espérer que les lendemains aussi sombres soient loin.
Pouvez-vous nous présenter l’album?
C’est un album de 10 titres, dont la majorité a été composée pendant ma détention au camp de concentration de Nkondengui à Yaoundé, comme j’aime bien l’appeler, car cela n’a rien d’une prison. Bien avant, j’ai composé trois titres à problème, dont le titre « emmerdements constitutionnels » qui avec l’autre chanson, « constitution constipée » de Lapiro de Mbanga, étaient les chansons à problème juste un peu avant les évènements. Je rappelle que « emmerdements constitutionnels », est une chanson que j’ai composée il y a environ 7 ans, car je présentais que ce problème allait se poser dans mon pays. Pour moi, la musique est une arme de combat, car nous autres artistes militants, on ne fait pas la musique pour le commerce, c’est un vecteur de communication pour un message que nous voulons faire parvenir au peuple et aux dirigeants. A côté de cette chanson, j’ai fais « paix précaire » qui est la description de cette situation marquée par un semblant de paix dans lequel on vivote, on a l’impression qu’on est en paix, et pourtant que c’est une paix de cimetière. Il y a aussi un clin d’ il aux étudiants qui à ce moment là, étaient également en grand mouvement de protestation à Yaoundé et à Douala. Et la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, a été cette modification forcée de la constitution qui nous a amené à une explosion à partir du 25 février 2008. Donc dans l’ensemble, je ramène ces trois titres sur cet album, ajouté à cela, les titres comme « culte de la personnalité », qui est carton rouge que j’adresse aux dictateurs qui, nous gouvernent en Afrique. Le titre « Apprentis sorciers » traduit tout simplement à mon avis, la réponse du berger à la bergère, notamment au président Biya et ses compagnons qui pensent que pour peu qu’on a des idées différentes, on mérite la prison, et d’être taxé d’apprenti sorcier. J’ai composée cette chanson dans la cellule du tribunal de première instance de Yaoundé pendant que j’étais sur le chemin de la prison. « Février 2008 », c’est la chanson même qui donne le nom à l’album. Comme je le disais, c’est l’écriture musicale de tous les évènements qui se sont produits en février 2008. « Ennemi de la presse », dénote mon combat pour la liberté de la presse. Il y a aussi la chanson « exclusions et marginalisation », qui est un clin d’ il à la diaspora camerounaise d’abord, et africaine en général qui ne vote malheureusement pas. On fait comme si vivre en Europe ou aux Etats-Unis, signifiait qu’on a perdu sa nationalité, c’est totalement injuste. Sur cet opus, le titre « argent facile », est interprétée par mon épouse, Sidonie la conscience. C’est une chanson qui décrit le goût avancé du gain facile, que les camerounais ont aujourd’hui. Cela entraîne une situation où on rencontre par exemple, des fonctionnaires milliardaires qui piochent dans les caisses de l’Etat, sans oublier les »feymans », ceux qui vont au »famla », ou ceux qui préfèrent les pratiques telles l’homosexualité, la sodomie.
Comment avez-vous vécu cette période des émeutes 2008?
Je fais parti des camerounais qui n’ont pas été surpris que ces évènements arrivent. J’ai vécu ces moments très difficilement, moments marqués aussi par la perte de mon fils. J’avais décidé de m’exprimer pacifiquement, de marcher et d’aller rencontrer le chef de l’Etat. Mais, je me suis retrouvé en face d’une répression barbare, à chaque pas que je faisais, j’avais en face la soldatesque du parti au pouvoir. C’étaient des bastonnades, des injures, des violences sous toutes les formes depuis mon départ de la ville de Loum dans le Moungo. Cela s’est poursuivi à Njombé, Penja jusqu’à la dernière arrestation qui a eu lieu à Mbanga où finalement un des hauts gradés de là, me dit qu’ils sont des militaires qui obéissent aux ordres et me rappelle qu’il y a une interdiction de manifester dans le Littoral. Après toutes ces répressions, j’ai donc été obligé, suivant les conseils de ce monsieur, de transporter ma protestation ailleurs. Je décide donc d’aller sur Yaoundé, une fois arrivé, je suis encerclé par l’armée et voyant qu’il n’y a pas moyen de m’exprimer dans mon pays, je suis obligé en désespoir de cause, d’échouer devant l’ambassade des Etats-Unis à Yaoundé. Mais cela n’a pas empêché à ces barbares de venir me kidnapper et d’aller me faire échouer à Nkondengui, où j’ai vécu une autre violence pas possible. J’ai d’ailleurs écris à ce sujet un livre, « La longue marche pour la paix de Loum à Yaoundé via Nkondengui», où je retrace cette expérience. Le livre va paraître d’ici peu de temps.