«Je me sens honoré par cette distinction, cette marque de reconnaissance du travail que j’exerce depuis onze ans»
Pour la première édition du prix Bibi Ngota du journaliste contre l’impunité en Afrique, vous êtes le tout premier lauréat. Comment vous sentez-vous après cette distinction ?
Je me sens honoré par cette distinction, cette marque de reconnaissance du travail que j’exerce depuis onze ans. Ce n’est pas mon premier prix, mais celui-ci me semble encore plus important dans la mesure où il consacre la lutte contre l’impunité qui gangrène les Etats africains encore arriérés comme le Cameroun en matière du respect des droits humains.
Comment avez-vous entendu parler de ce concours ?
J’ai appris le lancement de ce concours à travers le site d’information Camer.be et sur le forum 237 Médias des journalistes. La thématique des papiers sollicités rentrait alors en droite ligne avec le projet « droits humains en milieu carcéral » dont je coordonne la production en presse écrite à l’agence de presse Jade Cameroun, mon employeur.
Quel est le sujet que vous avez soumis et dans quelles circonstances avez-vous réalisé votre reportage ?
J’ai présenté quatre articles en compétition :
1- Interpellation illégale: Une victime d’arrestation illégale raconte son cauchemar’
2- Interpellation abusive : Il paye 360,000 FCFA pour être libéré,
3- Prison de Mbanga : Pauvre ration pour les pauvres,
4- Corruptions, mensonges, violations de procédures, les droits des suspects souvent bafoués. Ces différents papiers ont été réalisés au courant de l’année 2011 après de nombreuses visites dans les cellules de commissariats et brigades, des prisons du pays, des entretiens avec de nombreuses victimes de ces abus, avec des défenseurs des droits humains et des avocats. Il s’agit de papiers qui donnent à apprécier le baromètre du respect des droits de l’homme au Cameroun.
Connaissiez-vous Bibi Ngota de son vivant?
C’est vrai que je ne le connaissais pas. D’ailleurs, je ne connais pas tous les journalistes qui exercent au Cameroun. J’ai été très touché par ce qui lui est arrivé dans la mesure où cela aurait bien pu m’arriver aussi. Dans un pays où la justice n’existe pas ou encore n’existe que pour une catégorie de citoyens, on doit s’attendre à tout. Beaucoup de choses se sont dites autour de ce prix depuis son lancement. De nombreux journalistes camerounais sont passés maîtres dans la promotion du journalisme assis ou de salon. Soient, ils sont paresseux, soient ils n’ont pas les compétences requises pour produire des reportages et autres enquêtes et font feu de tout bois pour dénigrer les valeurs. Un bon journaliste n’est pas jugé sur la base du nombre de ses posts sur un forum ou encore de ses coups de gueule sur les médias audiovisuels. Et pourtant, ce sont ceux -là qui dénigrent ceux dont le travail de terrain est reconnu. C’est malheureux.
Ce n’est pas la première fois que vous remportez un prix. Quelle est selon vous, la particularité de votre nouvelle distinction ?
Je suis fier d’avoir gagné ce prix qui n’est pas le premier de ma collection. En 2007, j’ai été lauréat du prix mondial du journalisme organisé par l’ESJ de Lille en association avec l’association mondiale des journaux L’article primé était : « Les pygmées dans la forêt des désillusions ». J’ai remis cela en 2010 où j’ai compté parmi les lauréats du prix Lorenzo Natali de journalisme de la commission de l’union européenne. J’attends de gagner cette même année 2012 de nombreux autres prix. N’en déplaise aux jaloux. Mais le prix Bibi Ngota du journalisme contre l’impunité en Afrique est le plus prestigieux de tous. Bibi Ngota, mort, est devenu le symbole de l’abus d’autorité, du trafic d’influence, de l’impunité. La mort de cet homme est un hymne à plus de justice, au respect des droits humains et même de la dignité humaine. Pour toutes ces valeurs, ce prix est plus important pour moi que tout le reste. Je dédie ce prix à la famille du disparu et à tous les victimes de l’impunité en Afrique.
Le prix est également assorti de la somme de 1 000$. Que comptez-vous en faire en priorité ?
Une bonne partie sera distribuée aux détenus dont les droits sont bafoués dans les cellules de gendarmerie, de commissariat et dans les prisons du pays que je visite régulièrement. Pour moi, ce n’est pas l’argent qui est intéressant mais la symbolique de ce prix.
De manière globale, quel regard portez-vous sur l’exercice de la profession de journaliste d’investigation au Cameroun ?
Il y’a beaucoup de charognards dans la profession. Ils se servent du journalisme et refusent de le servir. Voyez-vous, à l’allure où vont les choses, cette catégorie de délinquants disparaîtra.
En quelques mots, qui est Charles Ngah Nforgang ?
Journaliste, chef du programme presse écrite à l’agence Jade Cameroun et parallèlement enseignant vacataire de journalisme et de communication dans plusieurs instituts universitaires privés et au département communication de l’université de Douala. Marié et père de quatre garçons.