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Le modèle économique hérité de la colonisation est inadapté

Par Michel Lobé Etamé L'Afrique est en pleine mutation. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) des états…

Par Michel Lobé Etamé

L’Afrique est en pleine mutation. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) des états subsahariens ferait pâlir les pays occidentaux. Il est compris entre 5% et 8%. Mais, il n’en est rien. Ces chiffres masquent une réalité quotidienne. Le chômage est au plus haut. La sécurité alimentaire bat de l’aile et l’accès aux soins reste un défi permanent. La violence urbaine explose.

La dépendance économique et politique de l’Afrique s’inscrit dans son histoire coloniale qui fait de ce grand continent un fournisseur de matières premières à l’occident, puis aujourd’hui à la Chine. Ce qui, au dire des cercles avisés, la cantonne dans un rôle d’exécutant et de receveur d’ordre. C’est dans cet esprit que l’Afrique « moderne » s’exécute.

Lorsque nous regardons les transitions économiques des autres pays, il ne nous échappe pas qu’ils produisent tous des biens de consommation qu’ils exportent, soit pour les marchés régionaux, soit pour l’étranger. C’est le cas des pays asiatiques dont le PIB était inférieurs à celui des pays africains en 1960. La Corée du Sud que nous citons en exemple avait un Pib inférieur à celui du Cameroun, du Congo ou de la Côte d’Ivoire. Mais ce pays a choisi de coopérer avec les américains. Juste après nos indépendances, les américains ont choisi de délocaliser certaines industries où la main d’ uvre était dominante en Corée du Sud. Ce pays, pauvre, sans ressources minières et sans formation a mis en place des politiques de développement pour s’adapter à la production industrielle. La Corée du Sud s’est mobilisée avec un objectif qui impliquait toute sa population. Les délocalisations américaines ont permis un transfert de technologie progressif, planifié et maîtrisé.

Une tradition industrielle s’est installée au bout d’une trentaine d’années par une volonté politique et patriotique sans égal. La formation et l’adaptabilité aux techniques de pointe ont conduit ce peuple à maîtriser les outils modernes de production, mais aussi à innover.

Forts de ses succès, les coréens ont investi dans les bureaux d’études pour la recherche et développement. Ce saut vers l’excellence a fait gagner du temps à ce pays. Au bout d’une trentaine d’années, la Corée du Sud est devenue un producteur reconnu qui concurrence aujourd’hui les pays occidentaux. La maîtrise du savoir-faire en fait un partenaire respecté avec une technologie de pointe favorisée par l’industrie numérique.

L’Asie arrive à se développer sans matières premières et privilégie la formation, la discipline, le patriotisme, la rigueur intellectuelle de masse et l’esprit d’initiative. Au bout de tous ces sacrifices, le savoir-faire se maîtrise et favorise la coopération d’égal à égal. Ces atouts, encouragés par les gouvernements successifs, font de cette région du monde un peuple respecté et admis au concert des nations.

Un modèle de production inefficace
L’Afrique, après les indépendances, n’a pas su prendre les bonnes décisions. Riche de ses matières premières, elle s’est limitée à les exporter sans en tirer ni le moindre bénéfice, ni une plus-value salutaire.

L’Afrique noire, dans son intégralité n’a toujours pas compris que pour le développement économique, il y a des étapes à respecter. Elle ne décide pas de ses priorités et s’accroche aux choix de ses « partenaires » qui voient en elle une vache à lait. Elle ne se rend pas compte que la matière première, sans transformation, ne peut lui apporter la richesse, la liberté, le respect et la reconnaissance.

Elle favorise les projets de développement proposés par des organismes dont le but est de la maintenir dans l’assistanat. Ces projets parviennent, sous forme de package en Afrique. Les experts occidentaux se chargent de les planifier et de les dérouler.

Depuis les indépendances, les entreprises occidentales qui s’implantent en Afrique apportent leur savoir-faire et les ressources humaines qualifiées pour faire fonctionner les usines. Cette coopération est injuste et arbitraire. Elle relègue les cadres africains à un rôle subalterne. Ces entreprises renforcent la dépendance des pays concernés. Il faudrait que ces entreprises inscrivent dans leurs cahiers de charge le transfert de technologie au moment de leur implantation.

Malgré un code des investissements extrêmement généreux, les entreprises étrangères ne partagent pas leur savoir-faire. Cette forme de coopération affaiblit les initiatives locales. Or, l’Afrique doit prendre une part active à son développement et à l’économie numérique qui crée de l’emploi.

Le développement ne se fera pas avec le modèle économique actuel. L’Afrique a besoin de maîtrise industrielle. Elle doit pouvoir négocier de nouveaux contrats qui incluent la formation, la cession du savoir-faire et des brevets qui l’accompagnent. Les investissements en Afrique ne peuvent continuer sur la base actuelle où les nationaux, même formés en Occident, ne peuvent accéder à de vrais postes de responsabilité. L’Afrique doit remettre en cause tous les modèles de développement qui la maintiennent dans un rôle de vassal.

L’Afrique doit aussi s’investir dans l’industrie numérique. C’est une opportunité pour rattraper le fossé qui la sépare des nations industrielles. Saura-t-elle saisir cette chance ?

Michel Lobé Etamé, journaliste
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