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Les «dix péchés capitaux» aux fondements de cette révolution camerounaise

Par Thierry Amougou, président de la Fondation Moumié En ce qui concerne le Cameroun, centre d'intérêt de nos préoccupations, il…

Par Thierry Amougou, président de la Fondation Moumié

En ce qui concerne le Cameroun, centre d’intérêt de nos préoccupations, il serait hypocrite, et donc, inconséquent, de ne pas constater qu’en dehors de ceux qui émargent dans la cour du Prince, le rêve dont rêvent de nombreux Camerounais laissés à la touche du bien-être depuis trente ans par le Renouveau National, est de voir « Ben Ali dégage » et « Moubarak dégage » se transformer en « Paul Biya dégage » avec le même effet concret de changement à la tête de l’Etat.

I- Prolégomènes
Dans une Afrique Noire où règne très souvent le calme plat des intellectuels face aux dictatures, dans une Afrique Noire où le pauvre passe de vie à trépas uniquement parce que le destin le veut et jamais parce que le pouvoir l’aura affamé et tué, dans une Afrique Noire où seul le pouvoir enterre les hommes de pouvoir et fait l’éloge funèbre de ceux qui l’exercent à vie en refusant d’être jugés par les vivants, dans une Afrique Noire où les conditions de vie sont largement moins bonnes que celles des peuples d’Afrique du Nord qui nous donnent, en ce début d’année 2011, un exemple historique de prise de conscience citoyenne, l’heure n’est pas à la politique de la bouche cousue de l’intellectuel de système. L’heure n’est ni aux éternels concerts d’adulation, ni au silence complice et, encore moins, au poncepilatisme de ceux des nôtres dont les études et les diplômes accumulés n’ont pour unique but que leur bien-être personnel. Le monde et ses problèmes ne s’arrêtent pas aux dimensions de nos ventres ni à notre petite famille aux appétits privés et généalogiques. La souffrance des peuples est si grande que l’intellectuel subsaharien se doit d’être le premier à pointer du doigt ce qui empêche aux populations africaines du Sud du Sahara de vivre en abondance une vie décente. Le faire est un devoir citoyen et un impératif humaniste. Ce serait une démission collective et une défaite, tant de la raison que de la pensée, que de constater que les intérêts individuels et égoïstes de plusieurs de nos esprits les plus éclairés, deviennent les arguments les plus solides au service de la pérennité des régimes asservissants et handicapants qui broient des vies dans un continent qui, ayant connu la colonisation, devrait ériger la dignité et la vie humaine au rang des choses sacrées et intouchables.

La charité bien ordonnée commençant par soi-même, je pense, ainsi que je l’ai toujours fait, que la meilleure façon de parler de liberté aux populations est de l’exercer soi-même. Ce qui revient à se comporter en homme libre vis-à-vis des régimes que nombreux d’entre nous caressons dans le sens du poil, chacun attendant son tour chez le coiffeur. Sauf qu’à force de jouer à ce petit jeu égoïste et nombriliste de la chaise musicale, le peuple africain se dirige sûrement vers les abîmes de la pauvreté dans un continent qui abonde pourtant de richesses de toutes sortes. En ce qui concerne le Cameroun, centre d’intérêt de nos préoccupations, il serait hypocrite, et donc, inconséquent, de ne pas constater qu’en dehors de ceux qui émargent dans la cour du Prince, le rêve dont rêvent de nombreux Camerounais laissés à la touche du bien-être depuis trente ans par le Renouveau National, est de voir « Ben Ali dégage » et « Moubarak dégage », se transformer en « Paul Biya dégage » avec le même effet concret de changement à la tête de l’Etat. C’est aussi être réaliste et objectif, et non simplement un affreux et sombre opposant, que de constater qu’avoir un tel rêve après plus d’un quart de siècle de souffrance pour plusieurs, est un rêve à la fois légitime et beau. C’est, pour ces Camerounais-là, un rêve noble de se défaire d’un régime qui les oppresse et dans lequel ils n’ont jamais rencontré l’épanouissement que doit assurer un pouvoir juste. C’est un rêve jadis rêvé et réalisé par Toussaint Louverture, premier Président noir d’un Etat indépendant au sens occidental de ce terme. C’est un rêve caressé par les hébreux en esclavage en Egypte pendant 400 ans, par les déportés en camps de concentration nazis pendant la seconde guerre mondiale, et par des Africains sous le joug colonial pendant près d’un siècle. Bref, c’est le rêve d’un citoyen normal qui aspire à mieux que ce qu’il vit depuis près de trente ans du fait d’un des siens aux commandes de l’Etat. Au lieu de faire comme si avoir assez d’un régime vieux de trente ans n’est pas un sentiment humain, normal et compréhensible pour tous ceux qui refusent une servitude volontaire, il serait plus constructeur, pour l’avenir du pays, que les bourreaux de cette mise en perspective onirique de la vie heureuse de nombreux Camerounais, sachent qu’ils sont aux fondements du mal être et du malaise de plusieurs d’entre nous. C’est une chance et même un honneur que d’avoir des citoyens camerounais capables de dire qu’ils ont assez d’un régime qui ne fait rien d’autre que de chercher à durer et de toujours durer alors que ses résultats sont minables. Etant donné qu’ELECAM interdit à ces citoyens d’avoir confiance au scrutin et donc de prendre la voie des urnes pour que la voix du peuple sanctionne négativement le régime inique qu’ils condamnent, étant donné que la modification constitutionnelle de 2008 a montré la couleur d’un régime dont l’obsession de vie éternelle est chronique, il ne reste plus que la rue aux Camerounais : un régime qui ne laisse que la rue aux populations fait lui-même de cette rue l’agora et l’instrument qui le vomissent et le poussent à résipiscence.

Ceci étant dit, j’estime qu’il est de mon devoir de citoyen, non d’appeler à la révolution de montrer qu’il serait tout à fait normal et de l’ordre logique des choses que cette révolution survienne. Il est important de montrer que ceux qui appellent à l’insurrection populaire au Cameroun sont à la fois une production et une conséquence du régime en place et de ses effets. C’est ce régime la cause principale de l’apparition d’un Cameroun et d’une frange de citoyens transformés en « sans culotes » au propre comme au figuré. Remplir un tel devoir citoyen exige que je donne les fondements objectifs de cette révolution camerounaise qui vient. Révolution qui, je le pense, est inévitable dans l’état actuel de la société camerounaise. J’ai décidé d’apporter du grain à moudre au moulin de ceux qui veulent que le Renouveau National soit de l’histoire ancienne afin que naissent un Cameroun nouveau capable de nouveaux espoirs et de nouveaux rêves. Les arguments que j’avance sont baptisés « les 10 péchés capitaux qui fondent cette révolution camerounaise qui vient ». Pourquoi dix péchés capitaux ? Pour deux raisons : a) Le Renouveau National avait été présenté dès ses débuts comme un régime vertueux du seul fait que son leader était fils de catéchiste et ancien séminariste. b) la symbolique du péché est donc indiquée pour parler de ses fourvoiements réels. Ces péchés donnent, d’après moi, les conditions objectives d’un pays dont l’état sociopolitique autorise le droit de contester le régime en place, non par tous les moyens, mais par le seul et unique moyen qui reste aux populations, c’est-à-dire la rue.

L’intellectuel se doit de moins écouter son ventre lorsque la cohésion et la continuité paisible d’une société sont à ce niveau menacées par un régime atteint d’ivresse du pouvoir. Il se doit de soutenir les velléités de liberté car tout peuple, ainsi que le dit le philosophe, est déjà toujours prêt et mûr pour la liberté. Il se doit d’ uvrer pour transformer en flamme ardente la moindre étincèle de revendication au profit des libertés. C’est pourquoi je soutiens, avec enthousiasme, ce qui se passe en Tunisie et en Egypte. Les inquiétudes des conservateurs de tout bord ne m’inquiètent pas le moins du monde vu que c’est d’abord le sort des peuples qui prime. Les Tunisiens et les Egyptiens sont en train de combattre, avec succès, la seconde génération de la colonisation africaine inaugurée, après les années soixante, par les élites africaines au pouvoir. L’ uvre des peuples égyptien et tunisien sert ainsi, non seulement le parachèvement du processus d’indépendance du continent africain, mais aussi, à éduquer les pouvoirs africains par le biais d’une expression populaire qui sonne comme un rappel à l’ordre normal des choses : celui des pouvoirs au service d’un surplus de vie et non d’un surcroît de mort. Ce sont des révolutions saines parce que non estampillées libéralisme, socialisme ou communisme, mais tout simplement d’un droit naturel, la liberté. L’Afrique Noire mérite plus que Jamais des Présidents démocratiquement élus, des Présidents qui respectent la Constitution en ce sens qu’ils la changent, non pour une fin médiocre comme rester au pouvoir, mais uniquement lorsque ce changement est nécessaire au développement du pays et à l’épanouissement des populations. Les arguments avancés par de nombreux Africains pour accuser la main mise occidentale en Afrique Noire n’ont aucun poids réformateur si nos cerveaux et nos esprits évitent soigneusement de voir ce que nos propres élites, et ce, depuis la période coloniale, font de nos pays, atteintes qu’elles le sont d’une névrose du pouvoir à vie en lieu et place d’une névrose du développement du continent.

Thierry Amougou, président de la Fondation Moumié
africapresse.com)/n

II- Les fondements objectifs de cette révolution camerounaise qui vient
Le tableau de bord politique et social du Cameroun est plus alarmant que ceux de la Tunisie et de l’Egypte, pays qui ont le même revenu par tête que la Chine actuelle. S’il faut parler comme l’économiste que je suis, je dirai que les fondamentaux à partir desquels on peut juger de la stabilité et de la cohésion d’une société sont tous au rouge. En conséquence, la question que devrait se poser ceux qui nous gouvernent et répriment dans le sang toute velléité de liberté, la question qu’ils devraient se poser face à la fronde populaire qu’ils provoquent, est celle de savoir quels sont les paramètres explicatifs de cet écho populaire qui les maudit et les vomit. Etant donné que les intéressés font semblant qu’il n’existe aucun argument objectif au fondement d’une révolution populaire au Cameroun, et préfèrent la politique de l’autruche aux avantages d’une réflexivité critique, je me sens le devoir et le droit de dire à haute et intelligible voix ce qui ne va pas au sein du triangle national.

Péché capital n°1 : Trente ans sous la coupe d’un seul et unique régime est une situation qui irrite et révolte d’autant plus que ce maintien s’est fait par des moyens en dehors des règles de l’art démocratique : Dans un premier temps, il est humain et même normal pour un citoyen, d’étouffer s’il passe trente ans sous la direction d’un régime quel qu’il soit. Le General De Gaulle qui avait libéré la France de l’occupation nazie avait une légitimité éternelle, mais les populations françaises en avaient déjà assez en mai 1968. Ceci dit, tous les peuples du monde ont besoin de respiration et de changement. Ce besoin de changement et de renouvellement est d’autant plus grand dans le cas camerounais que le Renouveau National se maintient au pouvoir par des tricheries politiques basées sur les truquages électoraux et les manipulations constitutionnelles. En pareilles situations, le peuple ne se sent plus maître et responsable de son destin. Son avenir devient défini par une espèce de force suprême qui régule la société en dehors et au-delà d’elle-même. C’est ce qu’est devenu le Renouveau National en 2011. Donc, non seulement il a trop duré, mais aussi, il l’a fait par des moyens illicites démocratiquement parlant. Un homme qui fait trois décennies à la tête d’un Etat sans être un roi est un dictateur à l’état pur car aucune démocratie au monde ne tolère et n’autorise une telle possibilité. Voici un Président qui disait aux Camerounais que la retraite n’était pas une sanction alors que tout ce qu’il fait pour garder le pouvoir prouve qu’il considère sa propre retraite comme une sanction.

Péché capital n°2 : La promesse fondatrice de la substance politique du Renouveau National n’a pas été tenue : Le Cameroun dont de nombreux compatriotes contestent la légitimité en tant que continuité politique et pratique encore aux affaires, est celui d’une grosse escroquerie politique. Celle-ci consiste à dire aux Camerounais que le fait qu’un régime promette rigueur et moralisation en 1982, mais récolte l’opération épervier trente ans après, est une promesse tenue. Cela s’appelle ne pas assumer ses échecs politiques en faisant de sa longévité au pouvoir une variable indépendante de ses résultats concrets. Cette pratique et cet exercice du pouvoir ont ainsi donné naissance à un peuple camerounais frustré parce que sans cesse « entubé » et infantilisé par un exercice du pouvoir basé sur la tricherie et le contre-pied permanents des aspirations populaires. Cela transforme le peuple en moutons de panurge, ce qu’il déteste plus que tout.

A suivre, péché capital n°3: Le recyclage permanent des échecs en nouveaux arguments de campagne

Appel à manifester au Cameroun par le Code (une des affiches)
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