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Lettre ouverte à nos compatriotes anglophones du Cameroun

Par Modestine Carole Tchatchouang Yonzou, Combattante des Droits humains et des libertés Mes chers compatriotes, je voudrais avant toute chose…

Par Modestine Carole Tchatchouang Yonzou, Combattante des Droits humains et des libertés

Mes chers compatriotes, je voudrais avant toute chose saluer votre courage et votre dévouement à la lutte contre les injustices de divers ordres qui minent notre pays.

Toutefois, par ma modeste voix, je me permets ici de vous faire quelques suggestions pour qu’ensemble, nous puissions obtenir le résultat escompté. Car il est important de savoir que toute lutte s’inscrit dans une dynamique qui se structure sur plusieurs plans.

Primo, la dynamique de l’action. Elle s’enracine dans la prise de conscience d’une injustice. Celle-ci – qui n’est pas forcément nouvelle – nous apparaît alors dans toute sa dureté et le sentiment s’impose à nous qu’elle est littéralement «insupportable» et que, par conséquent, nous ne pouvons pas la supporter plus longtemps : « ça ne peut plus durer ». Nous décidons alors de la faire cesser et d’agir en conséquence. Nous décidons d’entrer en résistance.

Toutefois, il est important de comprendre qu’Il est essentiel que l’action soit décidée à partir d’une connaissance exacte de la situation dans laquelle s’inscrit l’injustice que nous voulons dénoncer et combattre. S’il advenait que nous soyons pris en défaut sur la connaissance des faits, cela viendrait discréditer gravement notre initiative et amoindrir ses chances de succès.

Or, nous sommes à présent plongés dans une situation trouble ou l’objet de la résistance semble s’éloigner des enjeux de départ.Alors que l’annonce portait sur une revendication des enseignants, nous entendons de plus en plus le désir de la transformer en un mouvement Sécessionniste de partition du Cameroun.Je voudrais donc par ma modeste voix vous dire que le Cameroun est « UN ET INDIVISIBLE ». Nous avons du Nord au Sud du Cameroun les mêmes problèmes et pâtissons des mêmes douleurs, et c’est ensemble dans l’unité que nous sauverons notre pays des mains des vautours.

Dans tout mouvement de revendication, dans un premier temps, la tentation est de grossir les faits et d’exagérer leur gravité dans la présentation que nous en donnons, en allant jusqu’à caricaturer la position de nos adversaires. Mais c’est une illusion de penser que ce stratagème peut avoir une quelconque efficacité. Au contraire, il sera alors facile à ceux que nous mettons en cause de faire valoir, en s’appuyant sur des arguments convaincants, l’aspect outrancier des accusations portées contre eux et, par là même, d’apparaître pouvoir se justifier entièrement. En revanche, la connaissance rigoureuse des faits et leur présentation la plus rationnelle et la plus objective possible constituent un atout majeur en notre faveur qui renforce notre position. La possibilité de justifier chaque fois, preuves à l’appui, les affirmations avancées est un élément de première importance dans le rapport des forces qui va s’établir entre les adversaires.

Deuxio, le choix de l’objectif : « Où est le sel ? » est capitale. C’est également à partir de l’analyse de la situation que nous devons choisir l’objectif à atteindre. Le choix de l’objectif est un élément essentiel d’une campagne d’action; de lui seul peut dépendre la réussite ou l’échec. C’est une nécessité stratégique que l’objectif soit clair, précis, limité et possible. Il convient, pour cela, de discerner ce qui serait souhaitable et ce qui est possible. C’est se condamner à l’échec que de choisir un objectif dont l’importance se trouve disproportionnée par rapport aux forces que l’on peut raisonnablement prétendre mobiliser pour mener l’action. Il importe donc que l’objectif soit à la portée du mouvement social que l’action peut susciter. Il est essentiel que l’objectif choisi permette la victoire. La campagne d’action ne doit pas se trouver réduite à une simple campagne de protestation et de sensibilisation. Il faut obtenir gain de cause. Il faut gagner. Cette victoire, nécessairement partielle et limitée, viendra donner confiance aux militants et permettra alors de se donner des objectifs plus ambitieux.

Bien qu’il importe de se situer dans une perspective qui englobe l’ensemble du système politique qui domine la société, c’est une nécessité stratégique de choisir un point précis du système qui permette d’avoir prise sur lui, de pouvoir le faire bouger et de le faire basculer en agissant comme avec un levier. Ce point précis, ce sera la prise. Il faut se donner le maximum de garanties pour que la prise soit la bonne. Il ne faudra pas la lâcher et il ne faudra pas qu’elle nous lâche.

En outre, il faut miser sur une campagne de résistance non-violente. Pour cela, il faudra trouver un objectif qui soit l’équivalent de la loi sur le sel dont l’abolition a été choisie par Gandhi en 1930 pour organiser une campagne de désobéissance civile en vue d’obtenir l’indépendance de l’Inde. L’objectif stratégique à long terme était l’indépendance de l’Inde, l’objectif tactique à court terme était l’abolition de la loi sur le sel. Dans la situation globale dans laquelle s’inscrit le mouvement de résistance, il s’agit donc de se poser la question : « Où est le sel ? Where is the salt ? » Il faut donc chercher et trouver le sel.

Le choix de la non-violence est une option stratégique qui implique que toutes les actions mises en uvre soient non-violentes. La stratégie de l’action non-violente à sa dynamique propre, son efficacité propre et toute action violente ne peut que venir la contrarier et, en définitive, la mettre en échec. Lorsque la violence et la non-violence coexistent dans un même espace de lutte, c’est la violence qui impose sa logique. Une lutte qui comporte 90% d’actions non-violentes et 10% d’actions violentes ne serait pas une lutte non-violente avec 10% d’actions violentes, mais une lutte violente avec 90% d’actions non-violentes. Si trois cents personnes font un sit-in face à un déploiement policier en gardant une attitude parfaitement non-violente, il peut suffire que trois individus lancent des pierres sur les policiers pour que l’action tout entière soit placée sous le signe de la violence.

Selon toute probabilité, l’image qui ouvrira le journal télévisé et qui fera la une des journaux ne sera pas la manifestation non-violente, mais celle des lanceurs de pierres. Et les pouvoirs établis, comme l’opinion publique, ne manqueront pas de considérer que trois cent trois manifestants ont eu recours à une violence inacceptable à l’encontre des policiers. De même, si quelques milliers de personnes défilent pacifiquement dans les rues d’une ville, il suffit que quelques dizaines d’individus brisent les vitrines des magasins pour que tous les manifestants soient considérés comme des casseurs. Et cela viendra justifier la répression policière qui sera légitimée par les pouvoirs publics sous prétexte qu’il est nécessaire de « rétablir l’ordre ».

C’est pourquoi, dès le commencement d’une action, il convient d’afficher » clairement le choix stratégique de la non-violence en sorte que tous les interlocuteurs des résistants – qu’il s’agisse des partenaires, des adversaires ou des opinions publiques – ne puissent pas ne pas le savoir. Cet « affichage » de la non-violence doit permettre de créer un climat, une atmosphère qui favorise le développement optimal des potentialités de l’action non-violente et lui permet d’exprimer toute son efficacité. Ainsi le choix de la non-violence ne peut qu’exclure le principe de la « diversité des tactiques », selon lequel il conviendrait de concilier dans une même lutte des actions non-violentes et des actions violentes.

Ainsi, pour ce qui concerne les combinaisons possibles entre la violence et la non-violence, il n’existe pas de réciprocité : des actions non-violentes renforcent l’efficacité d’une lutte violente, tandis que des actions violentes contrarient l’efficacité d’une lutte non-violente. D’où la nécessité de redéfinir en urgence la stratégie et mettre en place une méthode de lutte favorable à la réussite.

Que Dieu Bénisse Le Cameroun!


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