L’humoriste camerounais présente «L’unique chose à dire ».
Vous vous présentez comme le chasseur d’ennuis. Comment expliquer cela?
Vous savez, je suis d’abord comédien, et pour perdre le temps je fais de l’humour, parce qu’on s’est rendu compte que le théâtre souffrait énormément de ses pratiquants. Et en attendant que les choses se redéfinissent nous nous sommes lancés dans l’humour dit intellectuel parce que nous travaillons exclusivement sur des textes écrits et travaillés. Voilà la première condition pour faire ce que je fais. Alors nous écrivons le texte, nous le travaillons, le bûchons et le jouons. Bénéficiant déjà d’une multitude de connaissances en matière de théâtre, j’essaie d’apporter à la forme d’humour que nous pratiquons aujourd’hui un peu plus d’énergie et de créativité pour un instant de rire. On s’est rendu compte que les gens rient très peu. Il est difficile, pour ceux qui se disent humoristes, et je n’ai rien contre eux, de faire ressortir un rire vrai d’une personne que l’on a en face de soi. Il est vrai, les gens disent certaines choses qui font éclater de rire mais est-ce que ce rire est vrai. Alors il faut avoir une certaine formation en matière de théâtre, en matière d’humour pour arracher un rire vrai à quelqu’un. Pour soigner ce mal qui est parfois l’enfermement chez eux, une multitude de soucis, et comme dans la ville de Douala il y a beaucoup d’activités, les gens rentrent chez eux étant très stressés, nous essayons de leur donner de temps en temps l’occasion de regarder un vrai spectacle d’humour.
Justement comment définit-on un humoriste?
C’est quelqu’un qui doit faire rire. Faire rire ça ne veut pas dire amuser la galerie. Il faut que ce rire qui sort de la poitrine de l’interlocuteur soit un rire qui lui apporte quelque chose dans son état d’âme, dans sa personne à l’instant où la personne est entrain de vivre ce moment d’égarement, d’oubli des soucis. Faire rire c’est un travail très minutieux que doit d’abord faire l’humoriste, autour de ses textes, ses contes et de son récit. Il n’est pas très facile que toi et moi racontions la même histoire de la même manière. On se rend compte que les humoristes ont la prétention de donner des leçons aux gens. Ce n’est pas le rôle de l’humoriste. Un humoriste qui sait ce qu’il fait évite de donner des leçons. Il n’est pas maître des consciences, il doit s’atteler à exposer les faits, sa vision de la société. Pour ceux qui viendront à notre spectacle qu’ils ne s’attendent pas à rire à la folie, mais qu’ils s’arrangent à écouter et c’est à chacun de tirer ses leçons.
Vous avez longtemps rouler votre bosse dans ce domaine, avez-vous l’impression que votre métier a de la valeur au Cameroun?
Il faudrait que les journalistes culturels organisent très souvent des débats autour des termes comédiens, humoristes, bouffons et ce que les gens appellent tout le temps des artistes. Un comédien ça ne se ramasse pas au bout de la rue. Un humoriste c’est un travail énorme. Or tout le monde se déclare aujourd’hui comédien ou humoriste et court jouer à la télévision. Avec la multitude d’ateliers de théâtre et d’écriture dramaturgiques que notre compagnie organise tout le temps au Cameroun, on rencontre très peu ceux qui se déclarent comédiens. Quand bien même on a envie de se retrouver et de discuter de notre métier, on a de la peine à voir ceux qui se sont déjà lancés dans la facilité, dans la chasse au gombo. Je doute qu’un humoriste vrai puisse faire carrière en chassant le gombo ; ce n’est pas possible. Un exemple clair, un spectacle comme le notre du 21 janvier est un spectacle de programmation officielle, du circuit même où on doit retrouver tout ceux qui font ce travail de création, de rédaction dramaturgique. Puisque le seul circuit encore fonctionnel au Cameroun c’est le circuit français. Le CCF, les alliances. Mais quand vous regardez un film camerounais à la télévision, vous vous demandez de quoi on parle. Est-ce que c’est une affaire de camera, de personne, ou c’est une affaire entre copains et on cherche à faire des éloges à des copains, à la famille. Une série d’improvisations qui n’a ni tête ni queue. Je me demande qu’est ce que nous voulons faire de notre métier? La seule réponse c’est qu’il faut travailler énormément.
Vous êtes en spectacle ce jeudi 21 janvier au CCF de Douala avec «L’unique chose à dire», de quoi est-il question?
L’unique chose à dire. Les textes sont de Wakeu Fogaing qui est très bien connu. Vous savez chez nous les gens ont l’habitude de finir la journée de travail, même si elle a été très fatigante, autour d’une bière. Et à chaque fois que quelqu’un est par exemple à sa troisième bière il commence à dire des choses. Il raconte des histoires. Ne demandez pas si c’est vrai ou faux, mais lui croit à ce qu’il dit. Parfois il croit tellement que même les mensonges deviennent des vérités pour lui. Alors ce sont des histoires qui durent des heures interminables, et c’est à vos dépends si vous passez toute une soirée à l’écouter. C’est l’histoire que nous allons raconter. Mais faites très attention, soyer très attentif il y aura des vérités dites de manière très subtile.
Qu’est ce qui a inspiré ce One man show?
La vraie création théâtrale bat de l’aille. Et pour que le théâtre ne meurt pas chez nous il faut que les comédiens de temps en temps trouvent des palliatifs pour maintenir la respiration. De retour d’une tournée africaine avec Monsieur Nimporteki, nous nous sommes dit dans la compagnie qu’il ne faut pas qu’une seule personne travaille. Et ne pouvant plus créer des spectacles de théâtre faute de moyens nous avons penser à faire des One man show. J’ai donc demandé à Wakeu Fogaing de m’écrire des textes. Et il ne suffit pas d’écrire des textes pour moi et je me lance dans le travail. Je prends le temps de le lire, de discuter avec l’auteur et de voir s’il est à ma convenance. J’ai donc lu le texte, il m’a intéressé et j’ai dit je vais en faire quelque chose. C’est cette chose qui est en tournée nationale et Douala est pratiquement la fin, on attend toutes les confirmations pour qu’elle soit en tournée internationale d’ici mars ou avril.