Marcelo Giugale: «Le Cameroun est une des priorités de la Banque Mondiale»

En visite au Cameroun, le directeur Afrique pour la réduction de la pauvreté à la Banque Mondiale a répondu à…

En visite au Cameroun, le directeur Afrique pour la réduction de la pauvreté à la Banque Mondiale a répondu à nos questions

Comment avez-vous réalisé la collecte des données pour le livre que vous présentez aujourd’hui comme le manuel pour un espoir de sortie de pauvreté dans les pays en développement?
Nous avons mis ensemble une quarantaine d’économistes, originaires de différents points du monde et nous leur avons donné la latitude de penser librement sur comment ils entrevoyaient leur région sur un délai de cinq ans. La question, nous la posions à la sortie de la récente crise financière. En ce moment là tout le monde pensait au lendemain, à des solutions immédiates. Nous, nous avons voulu voir plus loin, nous nous sommes projetés dans le futur. C’est pourquoi le livre s’intitule « The Day After Tomorrow (Le jour d’après le lendemain) ». Non pas celui d’après la crise financière, mais plutôt celui qui a suivi au lendemain du jour après la crise. Maintenant dans ce jour après, il en est sorti une bonne nouvelle pour les pays partenaires de la Banque Mondiale. C’est qu’une nouvelle banque mondiale est aujourd’hui sur pied. Une banque mondiale qui désormais ouvre l’accès à toutes ses informations, pour la partager. Pour preuve, ce livre est totalement libre et n’importe qui peut se le procurer sur internet. Moi-même qui en ai coordonné la rédaction, je suis disponible pour les échanges sur Twitter. Donc il y a aujourd’hui une nouvelle banque mondiale qui dit à ses partenaires, le jour d’après sera meilleur.

Même si on veut admettre que la Banque Mondiale a changé en s’ouvrant davantage, le fait est d’après certains observateurs économiques, que les mutations de la Banque Mondiale sont intervenues par la force des choses, notamment depuis la déclaration de Paris, qui impose une nouvelle façon d’apporter les aides économiques dans le monde, en privilégiant plus l’approche participative. Qu’est ce que vous en pensez?
Je pense qu’il y’a un peu de cela, mais je crois aussi que les différents Etats partenaires ont connu des évolutions dans leurs modes de financement. Si on prend l’exemple du Cameroun, du moins de ce que j’en sais, le pays a émis l’an dernier un emprunt obligataire pour financer son économie, il n’a pas attendu la Banque Mondiale cette fois. Cette année encore si je ne me trompe pas, il y en aura un autre, donc vous voyez les pays n’ont pas besoin de la BM pour se financer. Cela nous emmené à redéfinir notre rôle auprès de nos partenaires. La question fondamentale, sommes nous là pour des solutions d’argent, où sommes nous là pour partager nos connaissances. La réponse est aujourd’hui plus proche de la seconde hypothèse.

On reproche aussi à la Banque Mondiale le fait que les délais de traitement des dossiers sont trop longs, est ce que cet aspect des choses là a aussi changé?
Je suis totalement d’accord avec vous, la BM ne décaisse peut-être pas aussi rapidement qu’elle le devrait. Mais d’un autre côté, il faut se demander pourquoi nous prenons plus de temps ? En réalité c’est parce que parfois nous voulons nous rassurer que les projets sont viables. Et que le mécanisme d’investissement prendra en compte tous les aspects du développement. Avec l’ancienne Banque Mondiale, nous nous contentions de remettre de l’argent aux Etats et d’attendre. Mais maintenant, nous avons besoin de savoir que notre initiative a eu des fruits et que le développement en est sorti gagnant. Nous voulons d’un autre côté nous assurer que l’argent a été géré de manière transparente, et qu’il a fait l’objet d’une implication de tous, pas seulement dans une approche Top-Down (des dirigeants vers les populations). Mais également dans une approche plus participative. Donc je le reconnais et vous avez raison, les procédures de décaissement sont encore lents, mais il y a ces contraintes, et nous y travaillons sincèrement pour apporter des améliorations.

On va revenir au livre « The Day After Tomorrow », vous l’avez mis en téléchargement libre sur internet. On peut se demander à qui vous le destinez ?
En réalité notre volonté est que le livre soit accessible à tout le monde. Nous l’avons mis sur internet parce que d’une certaine manière, c’est la façon la plus simple de le rendre gratuit. S’il fallait remettre une copie à chaque personne dans la rue, vous imaginez bien que cela n’aurait pas été aisé. Mais nous avons quand même laissé des copies de l’ouvrage dans nos bureaux de la Banque Mondiale à Yaoundé, nous en avons laissé dans les universités.

Le livre indique que toutes les conditions de développement sont aujourd’hui réunies en Afrique. On cite très souvent en exemple la progression des TIC mais si on est d’accord avec vous que la croissance économique globale de l’Afrique a évolué, on ne doit pas aussi se refuser à admettre que la majorité de ses populations devient de plus en plus pauvre, alors comment dans ce cas entrevoir un lendemain heureux pour elles?
C’est une très bonne question, effectivement la croissance en Afrique ne s’accompagne pas souvent de l’amélioration des conditions de vie des populations. Et c’est aussi vrai qu’elle est tirée par des secteurs précis, qui ne recrutent pas toujours dans la population locale. Mais en réalité, cela relève de la responsabilité des Etats. Pour ce qui du secteur des hydrocarbures par exemple, il revient aux Etats africains de transformer la ressource en richesse pour leurs populations, cela se voit sous d’autres cieux. Donc si en Afrique on parvenait de mon point de vue à mettre en place des plateformes économiques, autour des pôles de croissance, cela permettrait une plus grande répartition des richesses et certainement une réduction significative de la pauvreté.

Marcelo Giugale, directeur Afrique pour la réduction de la pauvreté à la Banque Mondiale
Journalducameroun.com)/n

Quel message vous voulez que les camerounais retiennent de votre passage?
Déjà je dois préciser que je suis venu ici non pas pour dire des choses, mais pour apprendre. Je voudrais comprendre où va le Cameroun, quels sont ses objectifs. La banque Mondiale a fait de ce pays une de ses priorités sur le continent, en raison de l’énorme potentiel qu’il représente et donc si je suis là c’est pour mieux connaitre ce pays, ce qui est normal, vue ma qualité de Directeur Afrique pour la réduction de la pauvreté à la BM. Maintenant quel message je veux laisser, nous restons aux côté du Cameroun et somme prêt à le soutenir et l’accompagner dans ses choix de développement

Dernière question, des économistes ont mis en évidence le fait que l’Afrique est la perdante d’un système économique mondial déséquilibré. Elle ne peut produire grand-chose parce qu’elle n’a pas les moyens, les règles du commerce mondiale ouvrent les frontières aux biens, les politiques les ferment aux hommes, il y a des exigences d’équilibre dans les balances commerciales, l’existence des taux de change et les monnaies africaines sont les plus faibles, est-ce qu’avec tout cela, le continent peut vraiment s’en sortir?
C’est vrai, la réalité économique actuelle a une certaine configuration qui prend en compte tous les aspects que vous avez mentionné, et bien plus encore. Mais la vérité dans l’histoire, c’est que cette situation est le résultat de centaines d’années dans l’histoire des Hommes. Plusieurs exemples aujourd’hui indiquent qu’à un moment ou à un autre, les gens devront prendre conscience de ce que nous formons un seul monde, et que là où les Hommes ont mis des barrières, il n’en existe pas en réalité. Je vais vous prendre le cas des changements climatiques. Il a été annoncé par des scientifiques que le climat de la planète se dégrade. Ce ne sera pas l’affaire d’un seul continent ou d’un pays. Ce sera l’affaire de tout le monde, sans aucune restriction de frontières. Voyez les pandémies comme le Sida. Il tue dans le monde sans frontières. Maintenant sur un aspect plus économique, lors de la crise financière ; souvenez vous, on a pensé que toutes les économies devaient s’enfermer dans un protectionnisme. Mais cela n’a pas été le cas. Donc vous voyez le système est tel quel, et il faut essayer d’en tirer le maximum d’avantages, et cela n’est possible que si on se met dans les conditions de travail. Cela est possible pour tout le monde. L’Afrique nous y croyons peut se développer, elle en a les moyens.

Marcelo Giugale: «Le Cameroun est une des priorités de la Banque Mondiale»
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