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Politique politicienne: Les «Boko Haram du RDPC»

Selon des observateurs, la lutte contre la secte terroriste Boko Haram n'est que le paravent d'un vaste programme élaboré par…

Selon des observateurs, la lutte contre la secte terroriste Boko Haram n’est que le paravent d’un vaste programme élaboré par certains caïds du parti enclins à tabler sur l’après Biya

De cape et d’épée, de taille et d’estoc, la guerre de la succession au sein du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) est dans sa continuité. Depuis peu, on sent de plus en plus prospérer les drames intimes au sein du parti de Paul Biya. Les cruautés minutieuses, les morceaux de bravoure et les attentes angoissées ont pris le visage de la férocité impudique et de la dérive brutale qui mène à la folie. «Depuis qu’ils ont pris conscience d’une possible vacance de poste à Etoudi, les élites du pays ont chacune un brûlant secret contre l’autre», constate le Pr. Belinga Zambo. Selon ce politologue camerounais, enseignant à l’université André Giraud de Montpellier (France), un souffle anime cet émouvant épisode de la vie politique nationale: la guerre contre Boko Haram. Désormais, le décor de la guerre de positionnement au sein du RDPC est immense. Les seigneurs de cette guerre (ministres en fonction, directeurs généraux, présidents des conseils d’administration.), disposent, à la faveur de Boko Haram, d’une arène nue et moins feutrée. «Sous le couvert de Boko Haram, estime le Pr. Belinga Zambo, chacun veut s’inscrire dans la trajectoire d’une destinée brillante que garantirait l’après†Biya».

Mécanique
L’affiche des combattants est pour le moins spectaculaire. Ces acteurs des batailles de positionnement sont sortis de leur théâtre d’ombres pour s’afficher clairement. La densité humaine qu’ils représentent ne masque plus les rouages d’une très précise mécanique dramatique. Dans ce jeu, «chacun se définit comme héritier proche ou éloigné du Prince». Ces derniers temps, les personnages sont hauts en couleurs. Et les rebondissements, eux, sont passionnants.

Cette envie de «mousquetaires et de bandits» a été portée à son comble tout récemment avec les motions de soutien à Paul Biya et les appels à dénonciation. De fait, peu importent le contenu ou la crédibilité de ceux†ci. Le tout est d’avoir un tribun. A cette aune, on peut tout expliquer: le ciel politique de certaines régions du pays s’échauffe, les élites craquent… C’est le triomphe des défilés incongrus, des «appels» ayant à la base l’emphatique débat entre «le Boko Haram camerounais» (celui dont la tutelle est dite locale) et «le Boko Haram fondamentalement nigérian». Avec ce ressentiment contre «l’ennemi», commence à flotter sur le RDPC une odeur de division. En réaction à l’appel de l’élite du département de la Lékié (région du centre), Cavaye Yéguié Djibril, le président de l’Assemblée nationale, a reflué.

Cela se lit, à en croire le Pr. Belinga Zambo: «la conquête du pouvoir a fini par mêler chevauchée fantastique et déchirure intime, film de pirate et mélodrame. Et dans cette lutte, chaque camp a un dispositif humain crédible dans la violence verbale». Depuis leurs régions d’origine et préventivement, les élites distillent des potions les plus amères. Avec l’onction du parti, assailli par d’autres forces qui montent en ligne pour s’indigner que Paul Biya ne sorte pas de sa réserve jusque†là, ou déposer sous ses pieds leurs «certificats de sainteté». Bien plus, certains (comme Cavaye Yéguié Djibril) sont même prêts à dévoiler les faiblesses de leur style et les carences de leur démarche. «C’est parce qu’ils estiment unilatéralement que leur voix est trop faible pour être suffisamment dévastatrice, qu’ils mettent en avant les institutions du pays, comme s’ils agissaient en leur nom pour opposer le grand Nord au grand Sud», tranche Hadja Haoua, la présidente des Femmes Choc pour la Paix. Allusion faite à l’en†tête du communiqué de presse signé par Cavaye Yéguié Djibril.

De son côté, le Dr. Henri Nahodo, cadre du parti des flammes dans la région de l’Est, estime que «dans le bureau politique et au comité central, les membres s’agressent les uns les autres, sans retenue ni tabous. Parfois, ils font semblant de rechercher la nuance et professer la solidarité pour combattre Boko Haram, alors qu’ils cherchent à s’élever d’un trait devant le président Biya. Ou mieux encore, ces combattants de rue et de ring redoutent l’après†Biya et profitant de Boko Haram, c’est pour eux le moment de viser les étoiles républicaines, voire géopolitiques».

Dans cette démarche, ils ne s’éloignent pas de l’exploitation du positionnement géométrique de la société camerounaise. «Ils sont au sommet. et le peuple à la base. Et ils veulent maintenir cela. Ils ont gardé dans leurs gènes une funeste propension à la conservation et à la recherche du pouvoir politique.C’est un scénario construit et pour l’heure, c’est la lutte contre Boko Haram qui recompose le grand jeu stratégique au sein du RDPC. Et on peut analyser cela comme un grand vent qui assèche vite et fait oublier le sang des soldats au front. Ils font semblant d’être de tout coeur avec ces enfants alors qu’ils en sont éloignés», affirme le Pr. Belinga Zambo.


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