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Remaniements : comment Paul Biya nomme ses ministres

Le chef de l’Etat camerounais commence par établir une liste des ministres qu’il souhaite débarquer de son gouvernement ; tel que…

Le chef de l’Etat camerounais commence par établir une liste des ministres qu’il souhaite débarquer de son gouvernement ; tel que l’explique un ancien secrétaire général de la présidence de la République.

 

« D’abord il faut savoir que c’est le Président qui décide d’un remaniement ou non. C’est le Président qui vous indique qu’il a décidé de remplacer tel et tel ministre. Il peut même ajouter que telle personnalité doit remplacer telle autre. Il peut aussi vous indiquer le profil général qu’il recherche pour remplacer le sortant. Il ne vous demande pas votre avis ». Cette précision est de Jean Marie Atangana Mebara, Secrétaire général de la présidence de la République (SGPR) d’août 2002 à septembre 2006.

Dans son livre « Le Secrétaire général de la présidence de la République au Cameroun. Entre mythes, textes et réalités », paru en 2016 aux éditions L’Hamattan, cet ancien très proche collaborateur du chef de l’Etat dévoile les mécaniques, mais aussi les logiques qui régissent un remaniement ministériel selon Paul Biya. Lui qui en tant que SGPR, a participé à la formation de trois gouvernements : avril 2003, décembre 2004 et septembre 2006.

« Ce qu’il convient d’abord de savoir, c’est que le Président de la République lui-même tient un carnet dans lequel il relève les noms des hauts fonctionnaires et personnalités qui avaient attiré favorablement son attention par différents rapports », révèle Jean Marie Atangana Mebara ; qui précise que « le Président BIYA ne décide pas de remplacer un ministre au pied levé. Il prend le temps d’y réfléchir, des mois durant. Quelques fois, il aura attiré l’attention de la personne concernée, une ou maintes occasions auparavant, directement ou indirectement ».

Consultations

L’ancien SGPR explique que le président Paul Biya, lorsqu’il a décidé de remanier son gouvernement, commence systématiquement par une liste de ministres qu’il souhaite débarquer. « Comme pour les autres remaniements, il commence par me donner les noms des personnalités devant sortir du gouvernement », écrit-il. C’était le cas en 2003, lorsque Paul Biya procède à un remaniement. « En avril 2003, le Chef de l’État avait décidé de remplacer deux ministres, celui chargé des Sports et celui chargé des Postes et Télécommunications », rappelle l’ex-SGPR. Il s’agissait respectivement de Ismaël Bidoung Mpkwatt et de Maximillien Nkoue Nkong’ho.

Ils seront remplacés par Siegfried Etame Massoma et Antoine Zanga. Après s’être rassuré que ce remaniement préservait les équilibres et avant que le décret ne soit signé, Paul Biya instruit son proche collaborateur « de recevoir les deux personnalités et de les consulter formellement ».

Remaniement post-élection présidentielle

Le remaniement de 2004 était beaucoup plus complexe. Il fallait tenir compte du contexte économique, le pays étant engagé dans une initiative de réduction de la dette pour les Pays pauvres très endettés (PPTE). Mais surtout, ce remaniement intervenait après l’élection présidentielle d’octobre qui avait vu Paul Biya reconduit à la magistrature suprême.

Jean Marie Atangana Mebara explique : « D’abord vous devez savoir qu’après une élection présidentielle, le président élu reçoit des lettres et des mémorandums de toutes origines, expliquant les unes que son élection doit particulièrement au dévouement de telles et telles personnalités et les autres, que les populations de la région ou du département d’origine de ces personnalités seraient heureuses et infiniment reconnaissantes de voir leurs fils entrer au gouvernement. Les autorités administratives adressent aussi leurs notes confidentielles sur les élites ayant le soutien des leurs ou ayant significativement contribué à la campagne électorale. Les services de renseignements y vont aussi de leurs bulletins spéciaux. Enfin, il y a les partis politiques ayant pris part à la campagne du Président élu et qui attendent d’être récompensés en retour. Voilà globalement le décor dans lequel se déroule la formation d’un gouvernement après une élection présidentielle ».

C’est dans ce contexte que Paul Biya tient une séance de travail avec son SGPR, en lui précisant d’apporter « les noms des personnalités qui avaient participé à sa campagne électorale, avec les résultats dans les différentes circonscriptions ». « C’est à partir de ces données que le Président a fait le choix des régions et départements qui devaient être ‘récompensés’. Je précise que la liste des responsables de la campagne électorale, au niveau régional tout au moins, avaient été arrêtées par le Président-Candidat, par ailleurs Président National du Parti. Après identification des circonscriptions à ‘récompenser’, le Secrétaire général sortait la liste des hommes et des femmes qui avaient battu campagne dans ces départements, en même temps que son carnet des hauts fonctionnaires », relate-t-il.

Aujourd’hui incarcéré sous des accusations de détournement de deniers publics, dans l’affaire de l’achat foireux d’un avion présidentiel, Jean Marie Atangana Mebara se souvient d’avoir été « rudement » repris par le président Paul Biya lors de la formation du gouvernement de 2004. Le chef de l’Etat avait décidé de confier des postes ministériels à Remy Ze Meka, Polycarpe Abah Abah et Edgard Alain Mebe Ngo’o. Le SGPR lui fait remarquer qu’ils sont tous originaires du même arrondissement, Zoetele, dans le Dja et Lobo, région du Sud. « Ce sont d’abord des Camerounais que je nomme M. le Ministre d’État. Sont-ils camerounais ? », lui aurait rétorqué sèchement Paul Biya.

Gouvernement du 4 janvier 2019

La chronique mondaine avait attribué à cet ancien SGPR, un rôle central dans la formation du gouvernement de décembre 2004, celui des « Grandes ambitions ». Ce que réfute l’intéressé. Tout comme sous les lambris dorés de Yaoundé, l’on supputait à souhait sur le rôle déterminant qu’aurait joué l’ancien Directeur du Cabinet civil de la présidence de la République, Martin Belinga Eboutou, dans la formation du gouvernement des « Grandes réalisations », de décembre 2011.

Pour ce qui est du réaménagement du 4 janvier 2019, l’opinion soupçonne fortement la première Dame d’avoir joué un rôle décisif dans le premier gouvernement des « Grandes opportunités ». L’épouse du chef de l’Etat aurait obtenu du président Biya, le maintien et l’entrée de quelques-uns de ses protégés. D’où le retard observé dans la formation de cette équipe.

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