Des décennies après leur indépendance, ces pays continuent à déposer 50% de leurs réserves de change au Trésor français. La France finance ensuite son propre déficit avec ces réserves
Elles sont nombreuses les voix africaines à s’indigner contre un pacte colonial France Afrique qui «pèse lourdement» sur la destinée d’une grande partie du continent depuis des dizaines d’années.
Le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo pour l’Union économique et monétaire ouest-africaine «Uemoa», en plus du Cameroun, de la République Centrafricaine, du Tchad, du Congo, et du Gabon pour la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale «Cemac», en sont les premiers concernés, selon le géo-économe sénégalais Siré Sy.
Des décennies après l’accès à l’Indépendance, ces pays continuent à déposer via leurs banques centrales 50% de leurs réserves de change au Trésor français, en vertu dudit pacte-colonial.
Selon l’économiste sénégalais Sanou Mbaye, ex-fonctionnaire à la Banque africaine de développement «BAD», «la France investit ces réserves qui représentent des dizaines de milliards de dollars, dans des bons du trésor qu’elle utilise ensuite pour garantir les prêts qu’elle lève pour financer son propre déficit public».
«Le taux était de 100% de 1945 à 1975 puis fixé à 65% à partir de cette année et est observé avec discipline par les Etats concernés», avise l’expert et chercheur au cabinet international de conseil en Géostratégie et en Goéconomie (www.africaworldwidegroup.com), dans un entretien avec Anadolu.
Cette proportion a néanmoins été amenée, fait-il observer, de 65% à 50% pour les avoirs extérieurs nets de la Banque centrale des états de l’Afrique de l’ouest «Bceao», conformément à l’avenant, signé le 20 septembre 2005, à la convention de compte d’opérations du 4 décembre 1973.
Puis, il en était de même pour la Banque des états de l’Afrique centrale «Beac», en vertu de la nouvelle convention de compte d’opérations, signée le 5 janvier 2007 et qui a abaissé la quotité graduellement jusqu’à 50%, taux appliqué depuis le 1er juillet 2009.
Cette coopération monétaire entre la France et ses ex-colonies est «régie par quatre principes fondamentaux : garanties de convertibilité illimitée apportée par le trésor français, fixité des parités, libre transférabilité et centralisation des réserves de change», indique le site officiel de la Banque de France.
Le renflouement du trésor de la Métropole par les colonies remonte au 19ème siècle. «Les autochtones payaient alors un impôt de capitation à la Métropole. Une imposition par tête d’habitant mais aussi pour les biens personnels (produits vivrières, cheptel.) payée individuellement ou collectées par des commis locaux», selon l’historien et enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Moustapha Dieng.
«Expropriation» et «esclavagisme» sont donc les maîtres mots d’une politique française qui ne fait que «freiner la marche de ses ex-colonies» souvent définies comme étant sa propre «chasse gardée», se désole Sy.
Une situation qui a pour clef de voûte, selon lui, un traité avec des clauses publiques et des clauses secrètes qui continue de guider les relations France-Afrique, servant l’intérêt de la Métropole, au détriment de l’intérêt de bien des pays et nations africaines, bien que datant d’un autre âge.
Mais, les «servitudes» du pacte colonial, que dément catégoriquement Paris, n’en finissent pas. A part le versement d’une part de leurs avoirs en devises, le contrôle de la monnaie des pays en question (le Franc CFA) garantit à la Métropole l’exclusivité des exportations des matières premières locales, le pourvoie du marché local pour les importations et la définition des politiques à adopter par les pays africains en question.
Mieux s’entend, avec l’adoption de la monnaie européenne euro comme ancre monétaire du Franc CFA sans que les mécanismes de coopération de la zone monétaire en soient affectés (1 euro est fixé à 655,95 F CFA contrairement aux autres monnaies dont les cours sont non seulement flottants mais également maintenus au niveau le plus bas, la Métropole impose ses règles et conditions en matière de convertibilité.
En effet, «Il faut 1500 wons à la Corée du Sud, 15ème puissance mondiale, pour avoir un euro, à l’Iran (puissance nucléaire) 14.500 rials alors qu’il en faut beaucoup moins de F cfa (655,95) pour avoir un euro». Une telle politique monétaire consacre une valeur du Franc cfa profondément en déphasage avec la réalité et les varies performances économiques des pays qui l’adoptent comme monnaie.
Tirent profits de cette politique monétaire régie par un Franc africain surévalué les entreprises françaises, détentrices du monopole dans les secteurs clés de l’économie. Uniquement dans un tel environnement que des entreprises françaises telles que Bouygues, Société générale, BNP Paribas, Bolloré puissent protéger leur gain et se prémunir des dépréciations monétaires courantes », détaille M.Sy.
Il établit son constat, compte tenu d’une crise mondiale qui perdure et d’une concurrence internationale de plus en plus rude, en raison de la montée en flèche de la Chine.
D’ailleurs, L’Empire du milieu a gagné du terrain sur le reste des concurrents dont la France, fait remarquer le chercheur.
L’autre cri d’alarme est lancé par Mamadou Koulibaly, ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne, du temps de Laurent Gbagbo. Auteur de l’ouvrage «les servitudes du pacte colonial», ce nationaliste ivoirien a déjà posé le doigt sur le mal généré par les clauses secrètes du pacte. Parmi lesquelles, l’interdiction totale ou partielle du marché colonial aux produits étrangers, l’obligation d’exporter les produits coloniaux exclusivement ou principalement vers la métropole; l’interdiction, par la colonie, de produire des objets manufacturés, pour se limiter à la production de matières premières et de débouché commercial; en contrepartie d’aide politique, militaire, culturelle et souvent économique».
Tout comme Siré Sy, Mahamadou Koulibaly, Moustapha Dieng, bien d’autres experts et penseurs africains sont conscient du mal colossal généré par ce pacte colonial. Sauf que les moyens de lutte et de résistance, sont très modestes voire inefficaces, en l’absence de vrais leaders nationalistes, d’une union qui fait encore défaut à l’ensemble des dirigeants des pays concernés et de médias sérieux et responsables en mesure d’éveiller les consciences et de sensibiliser les peuples qui en payent le lourd tribut.
« Toute tentative solitaire de résistance finira par échouer. Les conflits armés qui pilulent dans le sahel en disent mieux. Il en faut une résistance collective assurée par les leaders politiques, les élites africaines et la société civile pour en finir avec ce pacte injuste », conclut le géostratège promettant de continuer le combat et d’ uvrer de concert avec le erste des nationalistes africains.

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