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Des parlementaires français accusent les Etats-Unis de jouer un rôle trouble au Cameroun

C’est l’opinion formulée par une délégation de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, dans le compte rendu d’une mission effectuée en début d’année 2020 au Cameroun. JDC a pu consulter ce compte rendu, présenté devant la commission des affaires étrangères début juillet

 

La crise sociopolitique (sous fond de revendications indépendantistes) en cours dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun depuis 2016, couplée aux questionnements sur la succession de Paul Biya à la tête du Cameroun, ne préoccupe pas uniquement la diplomatie officielle française mais aussi la diplomatie parlementaire qui craint de voir le pays d’Emmanuel Macron perdre sa zone d’influence au profit d’autres puissances.

Le Cameroun n’est pas encore au menu géopolitique des grandes nations, mais il risque de le devenir”, affirme Didier Quentin (député Les Républicains, 5e circonscription de la Charente Maritime) dans le compte rendu de la mission qu’il a effectuée du 14 au 17 janvier 2020 dans le pays d’Afrique centrale avec Rodrigue Kokouendo (député de La République en Marche, 7e circonscription de Seine-et-Marne); pour le compte de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française.

Comme principal acteur actuellement identifié par ces parlementaires, dans le cadre de la volonté d’internationalisation de la “crise anglophone” et d’un changement de pouvoir à Yaoundé: les Etats-Unis, avec à la manoeuvre le sous-secrétaire d’Etat américain pour les Affaires africaines, Peter Tibor Nagy (reçu par Paul Biya le 18 mars 2019 au palais de l’Unité). 

“Le sous-secrétaire d’État américain Tibor Nagy est un descendant d’Imre Nagy qui s’était élevé contre les Soviétiques à Budapest lors des tragiques incidents de 1956. Imre Nagy avait été exécuté en juin 1958. Son fils Tibor Nagy s’occupe de très près du Cameroun […] Le rôle des États-Unis et singulièrement de M. Nagy nous a été rappelé par la quasi-totalité de nos interlocuteurs”, écrivent les parlementaires dans le rapport présenté devant les membres de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française le 1er juillet.

Tibor Nagy

“Il y a une sorte de paradoxe, on y est habitué dans la position diplomatique américaine. Les États-Unis déclarent se retirer du Sahel et de l’autre ils s’impliquent au Cameroun. La première hypothèse est qu’il s’agit d’une croisade personnelle de ce Tibor Nagy, qui souhaiterait faire partir Paul Biya, après avoir affirmé avoir fait partir Omar el-Bechir au Soudan. L’aspect messianique n’est probablement pas absent de sa démarche. Une autre explication réside dans le fait que le Cameroun est, selon les mots même de Tibor Nagy, une affaire de politique intérieure américaine […] la politique américaine au Cameroun est clairement une politique hostile à Paul Biya et par voie de conséquence, peut-on dire, aussi à la France, qui apparaît comme l’ami de Paul Biya”, peut-on lire dans le document consulté par JournalduCameroun.com.

La délégation de la commission des Affaires étrangères de la chambre basse du Parlement français estime dans son compte rendu que les Etats-Unis (pays accueillant de nombreux “opposants anglophones” sur son territoire) ont pu trouver la Suisse comme allié et dans une moindre mesure le Royaume-Uni. “Mais il faut noter, c’est important, qu’ils ne sont suivis par aucun État de la région”, soutiennent les auteurs. 

Chine, Turquie, Russie, Israël sont aussi cités dans le document mais sans accent particulier. “Quant à la Chine, elle ne nous est pas apparue faire du Cameroun une priorité. La Turquie, elle, s’implante de plus en plus, comme la Russie en Centrafrique […] l’unité d’élite de l’armée camerounaise est essentiellement formée et encadrée par des Israéliens”, relèvent-ils.  

En ce qui concerne la France, soutien constant de Paul Biya: “nous n’avons pas vu de présence visible de l’armée française dans le pays. En revanche, on y voit beaucoup de militaires”, soulignent-ils. 

Didier Quentin (74 ans le 23 décembre) fait penser dans ce compte rendu à Jacques Chirac qui eût à affirmer au début des années 90 que l’Afrique n’était pas mûre pour la démocratie. «Il y a donc un embryon de démocratisation [au Cameroun, NDLR], même si c’est, je le répète, une œuvre de longue haleine. Quant aux successions, je vais reprendre une formule familière : “On sait ce que l’on perd mais on ne sait pas forcément ce que l’on récupère.” C’est un vrai problème », estime le député.


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