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Guerre contre Boko Haram: les (bonnes) nouvelles qui viennent du terrain

Dans un rapport qu'elle s'apprête à publier, l'ONG International crisis group relève les bons points observés à l'Extrême-Nord du Cameroun:…

Dans un rapport qu’elle s’apprête à publier, l’ONG International crisis group relève les bons points observés à l’Extrême-Nord du Cameroun: réduction de la capacité de nuisance de Boko Haram…

Ce sont des résultats d’une enquête qui feront certainement du bien au moral des troupes et du gouvernement camerounais, dans la guerre que le pays mène contre la secte d’essence nigériane Boko Haram depuis bientôt deux ans et demi, après les récentes critiques d’Amnesty International. L’ONG International crisis group (ICG), qui n’a pas la réputation de vanter souvent les mérites du Cameroun mais de susciter aussi des polémiques, s’apprête à rendre public un rapport qui présente bien d’aspects positifs sur la gestion de la guerre contre le groupe terroriste.

En mars 2016, Hans de Marie Heungoup, l’analyste pour le Cameroun de l’International Crisis Group, s’est rendu dans la région de l’Extrême-Nord pendant quatre semaines. Durant trois jours, escorté par des militaires comme il le précise lui même, il s’est rendu dans les localités de Ldamang, Mabass, Kolofata, Amchidé et Gansé; avant de se rendre dans d’autres parties de la région: Mokolo, Mora, Kousseri, Goulfey. Au cours de cette descente sur le terrain, le chercheur indique avoir rencontré des chefs traditionnels, des habitants, des membres de l’administration publique dans la région, des réfugiés et déplacés internes, des comités de vigilance, d’anciens trafiquants et d’anciens membres de Boko Haram, et d’autres personnes, « certains en présence de militaires mais la majorité en étant seul ». Sa recherche a été complétée au cours des mois d’avril et mai 2016 avec des entretiens additionnels à Kerawa, Bargaram, Fotokol, Makary, Hile Alifa et Blangoua. « Un rapport en profondeur de Crisis Group sur la crise dans la région sera bientôt publiée », indique ICG sur son site. Mais, déjà, le journal de ces quatre semaines en immersion, a été publié en ligne par le chercheur Hans de Marie Heungoup; récit consulté par Journalducameroun.com dont nous vous en donnons quelques faits saillants.

La guerre contre Boko Haram, comme elle va
En deux ans et demi, note Hans De Marie Heungoup, les insurgés de Boko Haram ont tué au moins 1300 civils, 120 soldats et enlevé environ un millier de personnes au Cameroun. L’organisation terroriste a brûlé aussi des centaines d’écoles et de commerces et forcer des milliers de personnes à fuir. « Aujourd’hui il y a un peu plus de 190 000 déplacés internes camerounais dans la région de l’Extrême-Nord, et autour de 65 000 réfugiés en provenance du Nigéria voisin », rapporte le chercheur d’ICG qui cite des données du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).

Sur le front, les incursions des membres de Boko Haram sont moins fréquentes. Le chercheur s’est rendu à Mabass, village frontalier de la localité nigériane de Madagali, où est déployé un poste du Bataillon d’intervention rapide. De leur côté, les militaires nigérians sont aussi à Madagali. «Parfois, ils viennent à nous, surtout si nous pouvons les aider avec les équipements», explique le capitaine Ticko Kingue, un officier camerounais rencontré par Hans De Marie Heungoup. « Ils nous informent aussi de la situation de leur côté », ajoute-t-il.

La coopération entre les armées camerounaise et nigériane a souvent été difficile en vertu des questions de souveraineté et de droit des poursuites des insurgés dans l’un ou l’autre pays, mais aujourd’hui, les choses semblent s’être normalisées. « La coopération entre les deux armées s’est améliorée de manière significative dans le cadre de l’implémentation de la Force opérationnelle multinationale mixte de la région – partiellement opérationnelle depuis novembre 2015 – avec le but d’écraser Boko Haram », souligne le chercheur.

Avec la pression des armées nigériane, camerounaise et tchadienne, Boko Haram a perdu une grande partie des territoires qu’il occupait, ainsi qu’une grande quantité de matériel. La puissance de feu du groupe terroriste n’est plus ce qu’elle fut au cours de l’été 2014 et du printemps 2015. Boko Haram est « en déclin », souligne Hans de Marie Heungoup, en reprenant l’avis des officiers camerounais sur le terrain.

« L’armée affirme qu’elle a démantelé la plupart des cellules de Boko Haram au Cameroun, tué environ 1000 membres de la secte dans des combats et arrêté plus de 1000 suspects depuis 2014. Aujourd’hui, Boko Haram apparaît plus faible, et n’est plus en mesure de mener des attaques à grande échelle. Mais il est loin d’être vaincu. Il suit maintenant de plus petites cibles et repose ses actions sur les kamikazes », relève le témoignage.

A la mi-juillet 2016, Amnesty International a produit un rapport accablant contre l’armée camerounaise, l’accusant d’importantes violations des droits de l’homme dans sa lutte contre le terrorisme à l’Extrême-Nord. Le chercheur d’ICG, s’il ne contredit pas ce rapport, assure qu’il y a aussi un fort degré de sympathie envers les forces de l’ordre et de sécurité camerounaises dans la région. « International Crisis Group a soulevé des préoccupations similaires à celles d’Amnesty. Mais en parlant à un large éventail de personnes, il a également constaté un haut degré de soutien local des actions de l’armée face à la violence ahurissante de Boko Haram », explique-t-il.

Les soldats de l’armée de terre camerounaise déployés sur le poste avancé de Mabass. Une colline sur la frontière avec le Nigeria, en bas des villages souvent occupés par Boko Haram
RFI)/n

Situation des réfugiés et déplacés
Outre l’armée, des efforts menés par d’autres acteurs sur le terrain en lien avec la guerre contre la secte, sont appréciés par ICG. C’est le cas à Minawao par exemple – dans le département du Mayo Tsanaga -, qui abrite un camp de réfugiés construit par le HCR en 2011. Le Camp de Minawao accueille près de 57 000 Nigérians. « Le logement est simple mais ressemble à la façon dont vivent plusieurs personnes dans le Grand Nord. Les réfugiés reçoivent trois repas par jour, ce qui est plus important que ce que plusieurs Camerounais ordinaires peuvent obtenir à manger. Les enfants de tous âges peuvent aller à l’école », relate Hans de Marie Heungoup. Il est cependant à noter aussi que le HCR regrette de n’avoir pas reçu 10% des financements attendus pour combler les besoins de tous les réfugiés du camp. Les conditions sanitaires ne sont pas ainsi « aux standards ».

Les réfugiés de Minawao n’ont pas cependant le droit de travailler. Par crainte des attentats kamikazes, les autorités camerounaises ont prescrit que les réfugiés Nigérians demeurent dans le camp. Le HCR est cependant en train de réfléchir à des activités sociales permettant à ces derniers de s’occuper.

«La plupart des réfugiés m’ont dit qu’ils veulent rentrer chez eux, dès que la situation sécuritaire le permettra. Mais personne ne peut estimer quand cela sera possible. Beaucoup jugent difficile de penser qu’ils seront à nouveau en sécurité dans un proche avenir. Un réfugié de la ville de Pulka, dans l’Etat de Borno, déclaré: « je peux avoir de nombreuses plaintes, mais, néanmoins, nous nous sentons bien ici à Minawao. Je ne vais pas rentrer ».»

Plus de 190 000 Camerounais – des déplacés internes – ont quitté leurs villages pour se réfugier plus à l’intérieur de la région de l’Extrême-Nord, dans des zones plus sûres.

Lutter contre la radicalisation et pour la dé-radicalisation
Le chef lieu de la région, Maroua, a aussi été la cible d’attentats suicides en juillet 2015. Les rescapés de ces attentats ont été pris en charge par l’Etat au niveau des frais hospitaliers mais le suivi post traumatique n’a pas suivi, il est même inexistant.

« Après avoir quitté l’hôpital, ni le gouvernement, ni les organisations humanitaires ne nous ont suivis pour savoir ce qui était arrivé. Un prêtre catholique passe de temps en temps à la maison pour discuter avec ma mère et aider mes parents à acheter les médicaments », témoigne Kevin, 13 ans, et amputé d’une jambe à la suite d’un attentat survenu à Maroua le 25 juillet 2015.

« L’Extrême-Nord est la région la plus pauvre du Cameroun, avec 70% de sa population qui vit avec moins d’un dollar par jour. Au cours des trois dernières décennies, l’influence de l’islam salafiste conservateur a gagné davantage de terrain dans la région et de nombreux enfants grandissent en étant exposés à des points de vue radicaux. Il y a un besoin urgent pour l’Etat et les institutions publiques de prendre soin de ces jeunes et de faire en sorte qu’ils ne se radicalisent pas en premier lieu; et s’ils se radicalisent, les aider à quitter le groupe et à se réinsérer dans la société », conseille l’analyste d’ICG.

A la prison centrale de Maroua par exemple, où sont détenus plus de 900 personnes accusées d’être ou de soutenir Boko Haram, il n’y existe pas de programme de dé-radicalisation, « celui là qui enseigne un islam plus tolérant en aidant ceux qui ont été recrutés par la force et qui sont prêts à abandonner le mouvement à être réintégrés dans la société ». Même à l’extérieur de la prison, il n’existe pas de programme oeuvrant contre la radicalisation pour maintenir les jeunes et d’autres personnes contre les groupes extrémistes, constate Hans de Marie Heungoup.

L’analyste d’ICG estime aussi qu’il faudrait investir dans le développement de la région pour sortir la population de la pauvreté, une situation qui, si elle n’est pas résorbée, pourrait ouvrir des portes à la radicalisation religieuse.

Les réfugiés nigérians fréquentent au camp de Minawao, à l’Extrême-Nord du Cameroun
Droits réservés)/n

Groupes d’autodéfense terroristes
Dans le cadre de la guerre contre Boko Haram, les problèmes sont nombreux et diversifiés. En cherchant à en résolver un, il arrive parfois qu’on en crée un autre. Illustration avec les comités de vigilance, mis en place dans les villages avec le soutien de l’administration publique locale pour permettre aux habitants de se défendre par eux-mêmes contre des terroristes. Les groupes reçoivent du matériel (lances, flèches, sifflets, entre autres) et travaillent aussi en coopération avec les forces de l’ordre et de sécurité en dénonçant d’éventuels personnes suspectes.

A Amchidé (localité qui a été la cible d’attaques massives de Boko Haram entre fin 2014 et début janvier 2015), dans le département du Mayo Sava, le BIR a du dissoudre un groupe d’autodéfense initialement constitué par lui.

« Le premier groupe formé par le BIR ne comptait que des Chrétiens, qui harcelaient et extorquaient des fonds à la population musulmane, majoritaire. Suite à des plaintes, le BIR a dissout le premier groupe d’autodéfense d’Amchidé et mis en place un nouveau: composé de Chrétiens et de Musulmans », indique Hans de Marie Heungoup.

Retour à l’armée
En dépit des efforts notables observés sur le terrain, l’analyste d’ICG, recommande, après son séjour à l’Extrême-Nord, que des « compensations financières ou matérielles » puissent être accordées aux victimes de violations de droits de l’homme dans la cadre de cette lutte. « Le gouvernement devrait mettre en oeuvre une politique plus stricte et des sanctions proactives contre les soldats auteurs d’abus, rendre les sanctions publiques et déployer des mesures pouvant permettre de reconstruire la confiance des communautés ».

« Si les violations des droits de l’homme par l’armée se poursuivent, elles pourraient mettre en péril les succès enregistrés dans la contre insurrection de Boko Haram (…) les pays occidentaux pourraient aussi retirer leur soutien à l’armée comme cela est arrivé au Nigéria quand il y eut une augmentation exponentielle des violations des droits de l’homme commises par l’armée », note Hans De Marie Heungoup dans son analyse.

Amchidé, Extrême-Nord du Cameroun, mars 2016.
Crisis Group / Hans De Marie Heungoup)/n

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