Les héritiers de l’homme d’affaires décédé le 30 décembre à Atlanta auront à gérer des écoles, des établissements hôteliers, des médias et surtout un ambitieux projet sportif
Arbitre de football pendant dix-huit ans, Francis Yong a redonné à la ville de Bamenda une âme footballistique. Suite à l’égarement de PWD de Bamenda consécutif à de querelles de clans, «father Yong» a conçu le vaste projet «Yong Sport Academy». La structure a démarré avec trois clubs: Yong Sport Academy, National Polytechnic de Bambui et Rainbow de Bamenda. Rapidement, la première équipe est montée en première division et son ascension a été couronnée en 2013 par la victoire en coupe du Cameroun de football. National Polytechnic échoue depuis deux ans au pied du podium de la MTN Elite Two. Rainbow de Bamenda qui est affilié en division régionale du Nord-Ouest s’est détaché du projet. Le partenaire américain travaille à créer sa propre marque. Pour appuyer les équipes affiliées en championnat civil, Francis Yong a lancé l’académie «Yong Sport». Inaugurée en 2012, elle est située à Bambui, à une dizaine de kilomètres du centre ville de Bamenda. Après le bitume, il faut faire environ deux kilomètres sur une route en terre pour atteindre le centre. Il se trouve dans une vallée surplombée de montagnes. Deux terrains de football s’y trouvent, dont un est gazonné. Un dortoir de dix pièces y a été construit pour les joueurs. Chacune d’elle contient douze lits. Les entraineurs, le jardinier, le cuisinier, l’infirmier et le chauffeur résident au centre. L’académie avait en 2013, quarante pensionnaires : Seize cadets, treize minimes et vingt-un benjamins. Ils sont encadrés par deux entraineurs-formateurs. D’après l’un d’eux, Emile Dalle, les élèves viennent des dix régions du Cameroun et c’est le football espagnol qui y est enseigné. Les apprenants de la Yong Sport Academy sont recrutés en début d’année à l’issue d’un test. «On regarde la qualité technique du jeu, l’intelligence et le physique», affirme le formateur. Ils doivent ensuite payer la somme de 650 000 F CFA par an, représentant les frais de scolarité. Le règlement de cette somme leur donne droit aux études : il y a trente-sept élèves et trois étudiants. Ils ont droit à trois repas par jour. Le bus de l’académie les amène à l’école chaque matin et les ramène en soirée. Comme matériels, le centre leur offre une paire de godas et des maillots par an. De son vivant, le promoteur avait refusé de libérer des joueurs du centre, lesquels étaient convoités par un club du Maghreb. Ils tenaient à ce que ses pensionnaires quittent le pays en étant matures et surtout avec une cote financière importante.
Fonctionnement
L’empire de «father Yong» est financièrement puissant. « Pour moi qui ai connu les trois quarts des équipes de première division au Cameroun, je peux vous dire qu’en dehors de Coton sport de Garoua, aucune autre n’a les moyens que possède la structure dont je fais partie », affirmait Emmanuel Ndoumbe Bosso, entraineur de l’équipe première jusqu’à la fin de la saison 2013. Rencontré au mois de février 2013, ce dernier avait un contrat, une maison et un véhicule de fonction à Bamenda. D’après lui, tous les joueurs sont sous contrat, jusqu’au centre de formation. «Chaque équipe a son camp de logement construit par le propriétaire. Les joueurs ont chacun, des maillots d’entrainement. Une question de discipline.», précisait-il. Chacune des composantes du projet a son propre bus. Les problèmes de la structure se résolvent à travers des réunions que préside en général, le président, Francis Yong au siège. Chacun déroule son carnet, en fonction des objectifs qui lui ont été assignés. Sur le terrain, l’homme de main du président s’appelle Alphonse Ndifon Akwa. Il officie comme secrétaire général de tout l’empire sportif. Il a été joueur, entraineur et arbitre en première division. Mais pour le représenter dans toutes les réunions de la ligue de football professionnelle, le « père Yong » préfère son fils, Jacques Yong Achia. Ce dernier administre aussi l’académie.
Les autres «business»
Sa fortune, Francis Yong l’a eue ailleurs que dans le football. Il est le promoteur de plusieurs établissements scolaires de référence à Bamenda. Son établissement d’enseignement supérieur, « National Polytechnic of Bambui », placé sous la tutelle académique de l’université de Dschang, a donné son nom à une de ses équipes. À Bambui, à une dizaine de kilomètres du centre ville, le site de ce temple du savoir en dit long sur l’ambition de son fondateur. Il s’agit d’un espace de près de 150 hectares où sont construits les bâtiments de deux niveaux chacun. Le parc universitaire des « Yong » contient également une école de médecine vétérinaire. Le promoteur a offert un bâtiment à l’Université de Bamenda en souffrance sur le plan infrastructurel. Le «père Yong» a aussi investi dans le secteur hôtelier. Il possède en la matière, l’un des plus célèbres hôtels de la ville de Bamenda, « Mondial hôtel ». Il faut y ajouter un parc immobilier impressionnant. L’envie des médias lui a aussi traversé la tête. Il a créé la chaine de radio «Abakwa FM» et la chaine de télévision, « Abakwa TV ». Ses successeurs devront donc assurer la survie de tous ces projets.

Selon Emmanuel Ndoumbe Bosso, les héritiers devront surtout dépasser le nombrilisme, cette attitude qui consiste à suspecter tout conseiller ou employé non originaire de Bamenda. Ils devront avoir une meilleure compréhension du monde du football. D’après Ndoumbe Bosso, «il y a de l’argent. Ils veulent les résultats. Mais ils n’acceptent pas toujours de consentir tous les sacrifices nécessaires à ces objectifs. Par exemple, un staff technique est composé de deux entraineurs, un préparateur physique, un spécialiste des gardiens de buts.Mais pour eux, l’équipe, c’est l’entraineur. Le reste leur semble superflu». Il le disait en février 2013. Il vient de claquer la porte, pointant du doigt l’usurpation de ses fonctions par le secrétaire général des structures sportives. Son combat pour changer les mentalités des «Yong» ne porte donc pas encore des fruits.
