Le débat va plus loin et, pose celui de la responsabilité du Chef de l’Etat, du fait de la mauvaise gouvernance de ses collaborateurs
Depuis le début de la semaine dernière, et avec la publication d’une quatrième lettre de Marafa Hamidou Yaya évoquant les dysfonctionnements dans la gestion d’un crash d’avion de la défunte Cameroon Airlines, la question de la responsabilité du président de la République est mise en débat. Un premier signal a été donné au parlement, à l’ouverture de la deuxième session ordinaire de l’Assemblée Nationale. Jean Michel Nintcheu du Social Democratic Front a fait une proposition de loi pour modifier l’article 53 de la Constitution qui protège le chef de l’Etat de tous les crimes commis pendant et après l’exercice du pouvoir. Jean Michel Nintcheu propose que soient désormais pris en compte les crimes de droit commun et les détournements des deniers publics que le chef de l’Etat pourrait commettre pendant l’exécution de son mandat. « Ce complément participe de l’affirmation de la plénitude du peuple, de l’égalité en droits et devoirs de tous les citoyens », justifie-t-il. A cette proposition de loi parlementaire, s’ajoutera jeudi 08 juin dernier, la question d’un journaliste sur le sujet au ministre Tchiroma de la communication, lors d’un point de presse sur l’affaire Marafa. « Le président de la république est un Homme et en tant que tel il fait confiance à d’autre Hommes. Maintenant, je ne vois pas la responsabilité du président Biya, si les personnes qu’il a choisies, sont défaillantes », a expliqué le ministre, porte-parole du gouvernement. « Vous les journalistes on ne sait finalement plus où vous allez, si vous aviez une boule de cristal pour lire que tel individu ne sera pas performant, vous devriez peut-être la donner au chef de l’Etat pour qu’il y voit aussi clair que vous », a rajouté le ministre. Au sein de l’opinion, de nombreuses personnes estiment pourtant que la responsabilité du président doit être mise en cause. « Plusieurs raisons m’incitent à réclamer que M. Biya soit jugé. En effet, il ne peut y avoir au Cameroun une construction d’une véritable paix civile et une dynamique nationale d’intégration que si toutes les victimes des nombreux crimes du régime Biya ont justice rendue », a fait savoir Joseph Som I, le secrétaire général du CPP, parti de Kah Walla.
Tout le monde ne semble pourtant pas sur la même longueur d’onde, même au sein de la classe politique. « Je pense que ce n’est pas une démarche normale. Quand on est président de la République on représente les institutions du pays. On ne peut pas du jour au lendemain dire qu’on va lever l’immunité du président », a dit pour sa part Fritz, Ngo, le président du mouvement des écologistes du Cameroun. Dieudonné Kaméni lui juge pour sa part la démarche du SDF opportuniste. « Le Sdf a une démarche opportuniste. Il profite d’une situation pour essayer de se repositionner, compte tenu du fait qu’il était en baisse de régime. Leur demande de l’ouverture d’une enquête parlementaire devait se faire dans les années 1995 ou 1996. Aujourd’hui, c’est à partir d’une lettre qui provient de Marafa qui est à l’intérieur du régime depuis longtemps et qui avait divulgué comme d’habitude ces informations qu’on pouvait exploiter à bon escient, que le Sdf s’accroche », a fait savoir ce responsable de l’union démocratique du Cameroun. Au-delà de ce débat, la question en l’état actuel ne devrait pas dépasser le simple stade des discussions. Selon une des dispositions de la constitution camerounaise, le président de la République n’est responsable ni devant le parlement (c’est son gouvernement qui l’est), ni devant les juges (séparation des pouvoirs oblige). Pour ouvrir une enquête contre le président Biya, il faudra modifier cette constitution, ce qui n’est aucunement envisagé pour le moment. Même s’il reste difficile aujourd’hui d’établir une responsabilité directe de Paul Biya pour les dérives du régime, sa longue attente face à des points comme la déclaration constitutionnelle des biens (art 66) et son manque de communication permanent avec le peuple en fait le bouc émissaire de tous les problèmes au Cameroun.
