Jamais les opposants politiques ne s’étaient ainsi unis dans l’histoire démocratique du pays, alors que la cérémonie d’investiture du président Idriss Déby devrait se tenir le 08 août 2016
A quelques jours de l’investiture du président tchadien Idriss Deby, réélu en avril dernier dès le premier tour pour un cinquième mandat consécutif, l’opposition tchadienne se met en ordre de bataille.
Une coalition politique, le Front de l’opposition nouvelle pour l’alternance et le changement (Fonac), rassemblant une trentaine de partis d’opposition, a récemment vu le jour. Son objectif, inciter les Tchadiens à « se lever comme un seul homme » contre le régime Deby, dont l’investiture est prévue le 8 août.
Quoiqu’elle s’inscrive dans une dynamique contestataire africaine désormais établie, la démarche de l’opposition tchadienne s’avérerait particulièrement tenace, si elle devait être comparée avec d’autres mouvement ayant accompagné de contestations électorales se fondant sur d’autres griefs que la violation de la Constitution.
Les critiques des opposants pointant, comme dans le cas tchadien, une longévité exceptionnelle au pouvoir (plus d’un quart de siècle), un régime « liberticide » et « des irrégularités » entachant le scrutin, donnent bien lieu, habituellement, à des violences électorales.
Celles-ci sont, généralement, très tôt gagnées par l’essoufflement ainsi qu’en témoigne le cas du Congo Brazzaville (mars dernier), ou du Togo (avril 2015). Dans le cas tchadien certains observateurs mettent cependant en garde contre une sous-estimation hâtive de l’opposition, plus tenace que celle congolaise ou togolaise.
« Il ne faut pas sous-estimer la force de mobilisation de l’opposition en ce moment où tout semble jouer en sa faveur », a déclaré Ahmat Mahamat Hassan, professeur de sciences politiques à l’Université de N’Djamena.
Hassan rejoint l’avis d’autres observateurs de la scène politique tchadienne qui estiment que le nouveau front commun risquerait de « déstabiliser sérieusement les autorités qui seront issues de ce cinquième mandat.
« L’opposition tchadienne semble motivée, bien avant les élections, et sa détermination n’a pas fléchi, des mois après. Jamais les opposants politiques ne s’étaient ainsi réunis dans l’histoire démocratique du pays. Ils sont animés par un seul objectif; l’alternance », poursuit le politologue tchadien.
Les remous sociaux comme les grèves répétitives des fonctionnaires, les contestations des étudiants et des retraités, la crise économique que traverse le pays ne manqueront pas de « jouer en faveur de l’opposition, qui a toutes les cartes possibles pour inquiéter les nouvelles autorités tchadiennes », déclare le politologue tchadien.
Au rouge, les indicateurs économiques ont lourdement été touchés par la chute du prix du pétrole et par la guerre menée contre le groupe terroriste Boko Haram, lequel a, de son côté, affecté les échanges commerciaux avec des pays limitrophes.
Ahmat Mahamat Hassan relève, enfin, que le camp du Fonac s’élargira manifestement en accueillant les nouveaux mécontents après la nomination d’un nouveau gouvernement. « Une centaine de partis ont soutenu la candidature de Deby, on comprend que le Gouvernement, pour élargi qu’il soit, ne pourra accueillir tout le monde », conclut-il.
Dans une déclaration relayée par des médias locaux, le chef de file de l’opposition tchadienne, Saleh Kebzabo, a déclaré dimanche, au nom du Fonac qu’il dirige, vouloir « continuer la lutte » contre un « pouvoir qui est illégal et illégitime ». « Cette perspective de lutte (…) peut-être de longue haleine, (…) Nous sommes déterminés à nous battre contre Idriss Deby jusqu’à ce qu’il reconnaisse qu’il a commis une forfaiture », a-t-il encore lâché.
Cette coalition de 29 partis politiques réunit, principalement, les soutiens des six candidats de l’opposition qui contestent la réélection dès le premier tour, en avril dernier, du président Deby avec 62% des suffrages exprimés.
Pour Abdoulaye Sabre Goudar, Secrétaire Général de la coordination de la société civile tchadienne, « si le mandat à venir sera le plus compliqué de tous, il ne faut pas négliger la capacité de la majorité présidentielle à anticiper et à s’adapter à cette phase. Elle devra, seulement, déployer un effort double, il ne s’agit pas uniquement de la contestation des opposants, mais également de l’implication, de plus en plus accrue, de la population tchadienne dans les enjeux post-électoraux ».

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