Le porte-parole du gouvernement revient sur la récente sortie médiatique de l’ex-première dame.
Germaine Ahidjo a accordé une interview à Radio France internationale (RFI) lundi, 24 octobre 2014. La veuve de Ahmadou Ahidjo, le premier président de la République du Cameroun, inhumé à Dakar depuis 1989, a déclaré que l’Etat camerounais n’a rien fait pour le retour de la dépouille de l’ex-chef d’Etat depuis 25 ans. L’ex-Première dame a par ailleurs indiqué que Ahmadou Ahidjo devrait être réhabilité du fait d’une condamnation à mort par contumace survenue après le putsch manqué de 1984 contre l’actuel président, Paul Biya. Le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement camerounais, Issa Tchiroma Bakary, a contesté de nombreuses déclarations de l’ex-Première dame, dans une interview accordée mercredi, 26 novembre, à la radio publique nationale. L’intégralité de cet entretien.
Monsieur le ministre de la Communication, une querelle rebondit en surface depuis ces dernières heures, celle qui concerne le rapatriement des restes de l’ancien président du Cameroun: Ahmadou Ahidjo. Une interview accordée par sa veuve à RFI, à la veille du sommet de la Francophonie à Dakar, semble faire problème. Est-ce que le gouvernement ne se sent pas gêné aux entournures par le moment qui a été choisi pour cette interview ?
Le gouvernement est parfaitement à l’aise, on se demande si Madame Ahidjo ne fait pas preuve d’une petite amnésie parce que Madame Ahidjo est en train de défoncer des portes largement ouvertes. Je voudrais, avec le respect qui lui est dû, rappeler que c’est en 1991 que le président de la République, Monsieur Paul Biya, a promulgué une loi d’amnistie de portée générale et inconditionnelle et a gracié tous les héros nationaux de notre pays, ceux-là qui, à un moment donné ou à un autre de notre histoire, ont donné de leur sang, ont donné de leur vie, pour que nous accédions à l’indépendance. Tous ceux-là, qui, au lendemain des indépendances ont accédé aux affaires, et ont gouverné notre nation, tous ceux-là, qui à un moment donné ou à un autre de leur histoire se sont trouvés en porte à faux, se sont trouvés en rupture de ban avec les institutions de la nation ; à la faveur de cette loi d’amnistie, promulguée par le chef de l’Etat, leur mémoire a été réhabilitée et tous ont été graciés. Lorsque Madame Ahidjo demande qu’on réhabilite la mémoire du président Ahidjo, j’annonce, conformément à cette disposition de la loi, que le président Ahidjo, comme tous les autres, ont été graciés, amnistiés, ils ont donc été réhabilités. Ce discours de Madame Ahidjo ne gêne nullement le gouvernement, le gouvernement se sent parfaitement à l’aise parce que ce discours ne l’interpelle nullement à ce niveau.
Mais il se trouve que les restes du président Ahidjo, comme le dit sa veuve, ne sont toujours pas rentrées au Cameroun. Qu’est-ce qui fait problème ? Madame Ahidjo estime que le gouvernement fait obstruction, fait obstacle
C’est parce que Madame Ahidjo ne consulte pas l’histoire. Madame Ahidjo ne réalise pas que le président Biya est un homme d’Etat, un chef qui gère l’Etat sans états d’âmes. Le président Biya, en accédant au pouvoir en 1982, a hérité de l’histoire, il a hérité de l’histoire de ces Camerounais qui ont donné de leur vie et de leur sang pour qu’on accède à l’indépendance dont la mémoire a été disqualifiée et dont les corps, pour ceux qui sont tombés hors de nos frontières, se trouvent encore à l’extérieur. Je me rappelle qu’au lendemain de son accession à la magistrature suprême, il a invité les Upécistes à venir l’aider à construire la nation. Les Upécistes avaient répondu favorablement en posant une condition : la réhabilitation de la mémoire de ces héros, et le rapatriement des corps pour ceux qui sont aujourd’hui hors de nos frontières. Je voudrais donc vous rappeler que cette demande de réhabilitation de la mémoire et du rapatriement des corps avait été adressée effectivement aussi au président Ahidjo sauf que jusqu’à la fin de son règne, il n’a pas réhabilité leur mémoire, et les dépouilles n’ont pas été ramenées au Cameroun. Vous vous posez la question maintenant du corps du président Ahidjo, je voudrais également dire deux choses à ce sujet : A la faveur d’une interview que le président Biya a accordé à France 24 en 2007, le président Biya a dit que l’Etat camerounais était à l’écoute, était à la disposition de la famille du président Ahidjo, qui seule a le droit sur la dépouille. Il l’a dit et je pense que cette interview peut être consultée.
Donc, le gouvernement n’a pas de problème en tant que tel. La deuxième chose que je voudrais dire: mais tous ces gens-là qui ont donné de leur sang, le président Biya, héritier de cette histoire doit la gérer avec responsabilité et avec équité. C’est donc pour cette raison que nous disons, en suivant les propos du chef de l’Etat, que le rapatriement de la dépouille du président Ahidjo ne pose aucun problème. Sauf que le président Biya, héritier de l’histoire, doit gérer l’histoire avec équité. Et je vous disais tout à l’heure que : quand on veut consulter les pages de l’histoire, quand on veut ouvrir les pages de l’histoire, il faut faire attention, parce qu’il s’en dégage parfois des odeurs suffocantes.
L’ainé de la famille du président Ahidjo, Mohamadou Ahidjo, est aujourd’hui ambassadeur itinérant, président du Conseil d’administration d’un grand hôtel au Cameroun. Dr. Aminatou Ahidjo, la fille du président Ahidjo, la fille de Madame Ahidjo, est militante du RDPC. Voilà deux respectables dignes fils du président Ahidjo, qui sont aux côtés du président Biya, et qui au quotidien l’aident par leurs conseils, par leur sagacité intellectuelle, lui apportent ce dont il a besoin pour qu’il s’acquitte de sa mission avec maestria. Si vous avez affaire à des mineurs, ceux-là qui ne sont pas capables de faire la différence entre l’ivraie et la graine, on aurait compris.
Mohamadou Ahidjo appartient déjà au troisième âge ; Madame Aminatou est une femme mûre, ce sont des gens qu’on ne manipule pas, ils savent exactement ce qu’ils veulent. Peut-être que c’est mon commentaire : à un moment donné de l’existence, il faut avoir le courage de se remettre en cause, de mettre les idées en ordre. Tout homme politique qui ne se remet pas en cause devient donc une proie qui sera décorée par l’obsolescence et je présume que c’est fort de ces vérités politiques, que ces brillants camerounais ont accepté de se mettre aux côtés du président Biya et de lui apporter ce dont il a besoin, pour la bonne marche de notre nation.
Pour résumer vos propos : Pour le gouvernement camerounais, aujourd’hui comme hier, l’initiative revient à la famille Ahidjo pour le rapatriement du corps de l’ancien président ?
Non seulement vous avez raison, mais vous avez, à l’entame de notre propos, posé la question: «pourquoi RFI ?» RFI le fait de manière récurrente. Pourquoi RFI ne dit pas du bien de notre armée qui, au front, livre une bataille avec honneur, avec dignité ? Nous en sommes fiers. J’ai écouté RFI : on disait que deux chefs traditionnels très importants au Nigéria, avaient dénoncé le comportement de l’armée nigériane. Ça ne vient pas de moi, ça vient de RFI qui cite le sultan de Kano et le sultan de Sokoto. Mais, vous avez affaire au Cameroun à une armée, nos frères et s urs au front sont en train de sacrifier leur sang, leur vie pour que nous vivions dans des frontières sûres. Pourquoi est-ce que RFI n’en parle pas suffisamment ? Je ne voudrais pas ouvrir une polémique avec RFI, je dis simplement qu’à un moment donné, il faudrait qu’ils réalisent que le peuple camerounais est suffisamment mûr, pour découvrir ces stratagèmes tout à fait cousus de fil blanc et qui ne sauraient nullement induire notre nation, déterminée à soutenir son chef, dans une quelconque aventure ou une quelconque erreur.
