Conseillère d’orientation au lycée de Melong Centre, dans le département du Moungo, elle donne quelques repères pour une meilleure orientation des élèves après l’obtention du Baccalauréat.
En quoi consiste l’orientation scolaire ?
L’orientation scolaire est l’ensemble des processus sociaux, psychosociaux et psychologiques par l’intermédiaire desquels les élèves sont affectés à certaines filières de formation plutôt qu’à d’autres. En d’autres termes, c’est l’ensemble des mesures et actions susceptibles d’informer et de guider l’élève ou l’étudiant dans le choix du programme d’études et de la profession qui correspondent le mieux à ses aptitudes et à ses intérêts, en tenant compte de ses chances de succès. Il faut donc savoir expliquer laconiquement aux élèves, l’importance de ce service dans les établissements scolaires qui, parfois, sur le plan administratif, est éclipsé par d’autres services.
Pensez-vous que l’orientation en général, et après le Bacc en particulier, est utile ?
L’orientation est un terme polysémique qui a son importance dans tous les aspects de la vie, et pas seulement après le Bacc. Elle représente un long processus qui démarre en classe de Troisième et ne s’achève certainement pas une fois le Bacc en poche. Les choix possibles d’études après le Bacc sont très variés. Que vous soyez déjà décidé(e) ou encore hésitant(e), un temps de réflexion s’impose pour formuler un projet cohérent. Ceci se résume en deux étapes. Première étape : être bien informé(e) sur les différents types d’études et leurs caractéristiques. Deuxième étape : opérer un choix judicieux qui correspond parfaitement à notre personnalité. Force est donc de constater l’utilité de l’orientation dans la mesure où elle permet de ne pas s’engager dans des voies en fonction de choix induits par ses parents, son environnement ou l’idée que certains métiers sont plus rentables que d’autres.
Selon vous, pourquoi certains élèves ont du mal à définir un projet académique et par ricochet un projet professionnel après l’obtention du Bacc ?
Il faut noter qu’un projet professionnel est une démarche spécifique qui permet de structurer progressivement et méthodiquement une réalité avenir. La construction d’un projet demande à la fois une connaissance suffisante de ses compétences et des possibilités offertes par le milieu, y compris des moyens pratiques à mettre en œuvre pour y accéder. Certains élèves ont du mal à définir un projet scolaire et professionnel parce qu’ils manquent d’information ou alors n’ont pas la bonne information quand nous savons que c’est l’information qui libère des préjugés et stéréotypes. En effet, ils sont difficilement préparés à l’exercice de leur futur métier. Certains élèves, voire la majorité, ne savent pas identifier leurs connaissances, leurs savoir-faire et savoir être, et n’ont aucune piste pour construire un avenir professionnel. Pourtant, le projet professionnel a ses avantages qui sont, notamment, d’éviter aux élèves et étudiants de faire des erreurs dans les choix professionnels et, de se déterminer et se fixer sur des objectifs à atteindre. L’élaboration d’un projet scolaire et d’un projet professionnel nécessite alors une meilleure connaissance de soi puisque le projet professionnel implique une démarche d’introspection et d’analyse objective de nos aptitudes, de nos compétences, de nos motivations et de nos acquis scolaires. L’élève doit ainsi se poser quatre questions fondamentales. Qu’est-ce que je peux faire ? Qu’est-ce que je sais faire ? Qu’est-ce que je veux faire ? Qu’est-ce que je me représente comme travailleur ?
Qu’est ce qui est donc fait concrètement par vous, les conseillers d’orientation, au quotidien dans les lycées et collèges, pour réduire au maximum ces cas de désorientation académique après le Bacc ou encore l’embarras de ces élèves une fois le Bacc en poche ? Comment aidez-vous vos apprenants ?
Le conseiller d’orientation est en charge d’une palette d’activités parmi lesquelles :
– Les activités de formation : il s’agit des cours en salles de classe dans le but de doter l’élève de savoirs, savoir-être, savoir-faire et faire savoir pour favoriser chez celui-ci, une bonne adaptation aux milieux scolaire et social, faire émerger des comportements exemplaires ( même si la tâche n’est pas toujours évidente), informer sur les opportunités de réussite socioprofessionnelle ;
– Les services adaptés qui comptent l’ensemble des prestations offertes aux élèves, personnel enseignant et parents d’élèves. Nous pouvons en dénombrer 4 types. Premièrement, l’évaluation psychologique (administration des tests psychotechniques, des tests de personnalité et des tests d’aptitudes), deuxièmement, le counselling concernant la prise en charge des élèves en situation d’échec et ceux présentant des troubles du comportement et comportements déviants, troisièmement, l’appui aux équipes pédagogiques et éducatives et quatrièmement, l’assistance aux parents d’élèves ;
– Les activités administratives et les activités de recherche : les missions du conseiller d’orientation ici sont d’ordre administratif et de recherche au sein d’un établissement scolaire.
Le conseiller d’orientation aide l’apprenant en tant qu’accompagnateur dans la mesure où il ne choisit pas pour ses élèves. Il doit permettre d’initier une démarche d’orientation active et choisie, contribuant ainsi à la réussite scolaire et l’élévation du niveau d’ambition sociale et professionnel de l’apprenant afin qu’il soit acteur et participant de ses choix scolaires et professionnels.
Avez-vous l’impression que les élèves saisissent et prennent en compte vos conseils et votre coaching ?
Dans les zones rurales comme celles où se trouve le Lycée de Melong Centre, il faut avoir des arguments convainquant pour captiver l’attention des élèves lorsque nous leur passons des informations. En effet, ils trouvent que l’information sur les filières et les métiers « désoriente » plus quelle n’oriente : selon eux, les informations sont nombreuses, complexes et trop abstraites pour s’y retrouver. A quelques exceptions près, certains élèves sont heureux d’avoir un service d’orientation au sein de l’établissement dans la mesure où ils sont plus optimistes en envisageant de faire de longues études, quitte à exercer des petits boulots, parce que venant de familles défavorisées.
Avez-vous des feedback de quelques-uns de vos anciens élèves ?
En ce qui concerne le feedback, c’est une évidence ! Il faut noter que c’est parce que le conseiller d’orientation est à l’écoute, qu’il ne porte pas de jugement mais donne son point de vue en respectant celui des élèves que certains élèves se sentent souvent plus proches de lui et continuent de demander son avis pour des prises de décisions, et ce, même dans le cadre personnel.
Avez-vous déjà eu à faire aux parents d’élèves dans le processus d’orientation de leurs enfants ?
Les parents sont directement concernés par l’orientation de leurs enfants. Ils se révèlent être des acteurs clés d’une orientation réussie. Ce sont eux qui font figure d’accompagnateurs, à condition que cet accompagnement ne soit pas fait sur un mode autoritaire, mais sur le mode de l’échange de point de vue, de l’aide à la réflexion. Cependant dans notre contexte il est très difficile pour les parents de laisser leurs enfants opérer leurs choix quand on sait que certains parents vivent leurs rêvent à travers leurs enfants ou se laissent influencer par des facteurs extérieurs. C’est à ce moment qu’intervient le conseiller d’orientation, non pas pour imposer son point de vue, mais pour amener le parent à motiver l’élève quant au choix qu’il aura à opérer, et respecter sa prise de décision. L’élève n’est pas capable d’assumer seul les choix de sa vie scolaire et extra-scolaire car la prise de décision permet de planifier son avenir et, le responsabiliser. A cet effet, les parents, les élèves et le conseiller d’orientation doivent travailler en synergie pour la réussite et l’épanouissement desdits élèves.
Quelles astuces pouvez-vous donner aux élèves qui doivent présenter le Bacc cette année et qui ne savent malheureusement pas encore vers quelles études ils peuvent s’orienter ?
Un véritable travail d’enquête est nécessaire avant de faire le choix pour ses études universitaires ou pour une formation professionnelle. Ce travail doit éventuellement être fait par l’élève qui sera évidemment accompagné de ses parents mais aussi et surtout de son conseiller d’orientation. La vraie question à se poser n’est donc pas tout de suite « quelles études je veux faire » ? Mais « dans quel environnement ai-je envie d’étudier ? Dans quel environnement ai-je envie de travailler ? » L’élève doit ainsi faire preuve de volonté et se donner les moyens de réussir pour pouvoir prendre le train en marche. Il faut rappeler ici que le conseiller d’orientation n’est pas un magicien ! Il ne détient pas la clé magique pour la réussite d’un élève, mais a pour rôle de lui donner les pistes utiles et les canevas qui pourront l’aider. L’astuce consiste donc à avoir la bonne information concernant les études supérieures car c’est l’information qui libère des stéréotypes, du suivisme et des injonctions parentales.
Pensez-vous qu’il existe réellement des apprenants qui ont des profils qui correspondent à des types de métier?
Bien entendu! Il existe des apprenants qui ont un profil défini pour être apte à des filières précises et donc à des métiers précis. Et cela peut se vérifier à travers la passation des tests psychotechniques qui leur sont administrés mais aussi par le biais de la connaissance de leurs performances scolaires. Le conseiller d’orientation peut par exemple passer un test de personnalité qu’il pourra élaborer sous forme de questionnaire et adapter au contexte camerounais, puisqu’il s’agit de cela. En effet, le test de personnalité est déterminant dans le choix de carrière. On peut, par exemple, utiliser le test de personnalité qui mesure les cinq principaux traits de personnalité, plus couramment appelé les « Big Five », qui est un modèle psychologique lorsqu’on souhaite évaluer le caractère et la personnalité d’un individu, parce que ce sont ces derniers qui donnent le profil adéquat pour exercer le métier dans lequel l’individu aura des qualités, se sentira épanoui et aura ses repères. C’est le cas, par exemple, d’un élève qui aura passé un test de personnalité par le biais d’un questionnaire, et qui révèlera sa nature altruiste ; ce résultat conduira le conseiller d’orientation à conclure qu’il sera apte à exercer des métiers qui revoient au domaine social.