Par Georges Njamkepo, expert consultant International
Il y a quelques jours, alors que la grande majorité des camerounais avaient déjà oublié jusqu’à sa présence et son existence, KOUNGOU EDIMA FERDINAND décédait des suites de maladies, dans la paix et sans faire de bruit, exactement comme il aura vécu, silencieusement au milieu de la foule bigarrée, du vacarme et du tintamarre de la cité.
C’est ainsi que s’achève la vie d’un homme qui aura consacré son existence à servir les autres, à leur donner et à leur livrer ce qu’il avait de substantiel en lui, c’est ainsi que disparaît la silhouette tranquille mais active de cet homme éclectique qui aura touché dans l’évolution progressive et croissante de sa carrière, les fondements même de la gestion de la cité, à cheval sur les deux périodes de la dictature forte mais silencieusement violente de l’époque des indépendances d’une part et d’autre part, de l’ouverture au multipartisme timidement démocratique de la période actuelle.
La voix de stentor, l’ il aiguisé, souriant et goguenard, les lèvres lippues de l’épicurien, le sourire malicieux, le visage épanoui, mais avec cet air toujours surpris et interrogatif de celui qui découvre et veut même à son âge canonique, comprendre et en savoir plus sur ce qui se passe autour de lui, la démarche tranquille, KOUNGOU EDIMA FERDINAND qui disait bonjour à tous presqu’en chantonnant, aura aimé la vie par dessus et au-delà de tout, il aura aimé l’humanité malgré ce qu’elle transporte d’imperfections, de contradictions et de conflits, donnant parfois au passage de sa personne pour faire avancer l’idée « .qu’il faut avancer envers et contre tous les immobilismes. ».
Ceux qui l’ont connu le savent, malgré sa bonhommie, c’était un homme de principe, d’une rigueur à couper au couteau, pointilleux sur l’application des règles mais fin négociateur, donnant toujours l’avantage, comme le sorcier dans un village, à la solution qui permet de sortir du conflit en heurtant le moins possible l’objet de l’antagonisme des protagonistes.
On entrait dans son office avec des idées toutes faites et définitives, de son bureau on sortait toujours en se serrant la main, tranquillisé, rassuré et fort de ce qu’il vous avait donné raison à tous. Il avait toujours vers chacun, une petite anecdote pour décrisper et détendre l’atmosphère.
La République du Cameroun doit s’enorgueillir d’avoir porté en son sein un personnage de cette dimension, car le pays vient de perdre en la personne de feu KOUNGOU EDIMA FERDINAND, un de ces hommes d’envergure qu’elle engendre en très peu d’exemplaires aux termes de plusieurs décennies, le genre de prototype dont le moule semble aujourd’hui définitivement détruit, l’archétype même de l’élitisme républicain au service de l’Etat.
Ce fut un grand commis de l’Etat, un grand serviteur de la République qui a consacré sa vie à collaborer et uvrer pour la construction du Cameroun avec un sens aigu du patriotisme, du dévouement et du devoir.
Il entre dans le « Commandement » en 1960 et sera tour à tour Sous-Préfet d’Ebolowa, Préfet du Nkam, Péfet du Haut-Nkam, Préfet du Moungo, Préfet du Haut Nyong, SG de la région du Centre-sud, DAG du MINEFI, Préfet du Dja-et-Lobo, et Gouverneur de la région du Littoral.
Monsieur KOUNGOU EDIMA FERDINAND était une des figures emblématiques de l’état au Cameroun qui depuis son jeune âge, aura mis l’intérêt national avant toute autre considération, au service du grand chantier de l’édification de la nation, de la construction des institutions de l’Etat et de l’ambitieux projet d’unité nationale qui de nos jours, vaste programme, a encore de la peine à se consolider dans l’esprit des camerounais.
Par sa posture et les actes parfois anodins qu’il aura posés ci et là au quotidien durant sa carrière, Monsieur KOUNGOU EDIMA FERDINAND aura indiqué ainsi, sa volonté de mettre en musique, abnégation, dévouement et intérêt national, maîtres mots qui guideront la vie professionnelle de ce haut fonctionnaire de l’Etat et qui vont lui permettre de se frayer un chemin avec brio dans les rouages de l’Etat.
Digne fils de Komassi, très respectable patriarche béti, son parcours remarquable lui a permis de s’imposer comme l’une des grandes figures importantes au sein l’administration territoriale du Cameroun, couronné par sa nomination comme Ministre de l’Administration Territoriale, avec pour mission d’organiser les premières élections couplées législatives/municipales pluralistes, qu’il voulait libres et honnêtes.
Il aura marqué son temps à travers la kyrielle de postes à responsabilité dont il fut le détenteur avec un seul objectif, servir la patrie.
Il compte ainsi à son actif plusieurs hautes responsabilités, dont la plus sensible, où il se distinguera fidèle à ses principes, au-dessus des clivages politiques afin de travailler dans le sens de l’intérêt général, le poste mythique de Gouverneur de la Province du Littoral, durant la période chaude des mutations politiques intervenues au Cameroun dans les années ’90.
Contrairement à ce que certains affirmeront, KOUNGOU EDIMA FERDINAND aura eu avec les leaders de l’opposition camerounaise, une relation complice discrète (parfois secrète) dont l’ambition sera de préserver l’essentiel, ne pas transgresser les règles de la dialectique et de la négociation, afin de rester en contact permanent et conserver l’aspect chevaleresque et noble que requièrent les joutes politiques… même s’il est néanmoins vrai que parfois, il se fera doubler sur le terrain par sa hiérarchie et le fameux tristement célèbre commandement opérationnel sur lequel il n’opérait hiérarchiquement aucun contrôle.
Si l’on peut parler de « démocratie apaisée », c’est en pensant à lui, c’est en observant ce qu’il aura fait de son passage à Douala, ville qui, dans son esprit est cosmopolite, colonie de peuplement, modernité et avenir, ouverture à l’extérieur, Wouri porte d’occident et d’universalité des cultures, KOUNGOU EDIMA FERDINAND, opiniâtre mais pas têtu. s’est fermement refusé à accepter durant son magistère à Douala, que s’installe autour de lui sectarisme et division, intolérance et exclusion, son charisme et sa capacité d’analyse le conduiront ainsi à gérer les conflits sociopolitiques dans la province du Littoral, avec fermeté et sérénité, tolérance et justice.
La carrière unique de ce grand commis de l’Etat l’aura prouvé. Il a su composer avec les soubresauts et les méandres de la vie politique et son caractère bien trempé, ancré dans la tradition de la haute administration et la bourgeoisie intellectuelle a fait de lui sans conteste, un grand leader qui passera alternativement durant sa carrière et sans états d’âme, de l’ombre à la lumière, en assumant systématiquement et pleinement le rôle qu’à chaque fois la République lui aura confié.
Mais comme tout a une fin, la maladie aura eu raison de lui.
.Et si la patrie ne lui est pas reconnaissante, une grande majorité de Camerounais s’empresseront de lui rendre le mérite d’avoir apporté comme bâtisseur, sa pierre à l’édifice de la construction de la nation camerounaise.
Un grand Monsieur…
Repose en paix vieux, tu as combattu et largement mérité de rendre ton âme, de dormir et de rejoindre l’orient éternel !!!
