C’est sur un beau nuage que la réalisatrice nous parle d’elle et de ses projets… Depuis Montréal!
Joséphine Ndagnou, Prix du meilleur long métrage numérique au festival vues d’Afrique de Montréal, vous étiez au festival du film africain à New York où votre film »Paris à tout prix » a été présenté au public. Qu’est ce que cela représente pour vous?
Professionnellement, c’est une énorme satisfaction. Voir mon premier film projeté au Lincoln Center est tout simplement inoubliable.
Ce film traite d’un sujet sensible et surtout actuel. Qu’est ce qui vous a poussé à parler d’émigration et d’immigration?
L’actualité m’a inspiré le scénario de Paris à tout prix. Voir les jeunes africains, dans leur quête du mieux être, mourir chaque jour dans le désert et la mer qui borde l’Europe m’a choqué et révolté. Ces jeunes qui meurent sont les bras valides de l’Afrique et cette désertion massive et régulière signe à mon humble avis, à long terme la mort du continent. Je me suis dis qu’on ne peut pas rester indifférent face à ce triste spectacle. Ce film est ma contribution à la réflexion sur cette question de migration. J’estime que le vaste chantier qu’est l’Afrique a besoin de ses enfants et qu’il est bon de partir, d’acquérir des connaissances et de les mettre au service de notre continent. J’estime aussi que toute l’énergie et l’argent que les jeunes déploient souvent pour partir au péril de leur vie peuvent et doivent être utilisés pour le développement de l’Afrique.
D’autres projets en réalisation?
Oui bien sûr! L’accueil chaleureux que le public a réservé à Paris à tout prix m’a énormément encouragé. Le prix du jury que j’ai reçu au Fespaco de Ouagadougou et le prix du meilleur long métrage numérique que je viens de recevoir au festival Vues d’Afrique de Montréal me galvanisent et je suis en pleine préparation de mon prochain film. Pour les précisions, ce sera plus tard.

Quelles sont les principales difficultés d’un projet de film? En tout cas celles que vous avez rencontrées?
On dit que l’argent c’est le nerf de la guerre. La principale difficulté a été de trouver le financement et je peux vous dire que jusqu’aujourd’hui je suis couverte de dette, malgré le succès du film. Avec soixante mille entrées Paris à tout prix a battu les records d’affluence au Cameroun. Si on suppose que ces entrées ont rapporté soixante million de francs et qu’en déduisant les frais divers (affiches, flyers, spots radio et TV, location des salles pour la projection) il ne reste que trente million sur un investissement de trois cent millions il y a de quoi jeter l’éponge. Mais je sais que le film aurait pu être rentable s’il y avait des salles de cinéma et si ces salles étaient soutenues pour encourager la production cinématographique et s’il n’y avait pas la piraterie qui prospère impunément au Cameroun. Qu’à cela ne tienne, il est hors de question de baisser les bras. Le cinéma camerounais a un gros potentiel qui peut être utile à notre économie et je compte apporter ma pierre à cet édifice.
Peu de gens connaissent votre parcours universitaire. Parlez nous en?
Après le Bac, j’ai fait une année à la faculté de lettre de Ngoa Ekelle à Yaoundé puis je suis allée en France où je suis entrée à l’Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle de Paris. Après trois années, j’ai eu un Diplôme de Réalisateur Audiovisuel et je suis entrée à la Sorbonne de Paris où j’ai obtenu une Licence et une Maîtrise d’Etudes cinématographiques et audiovisuelles en 1989. C’est cette année là que je rentre au Cameroun et, en attente de recrutement à la CRTV, je joue dans le téléfilm « l’étoile de Noudi » où j’incarne le rôle de Ta’Zibi.
Vous vous aimez devant ou derrière la caméra?
J’aime les deux mais je dois vous avouer que j’adore le côté intellectuel de la recherche de thème, de l’écriture de scénario et de la réalisation. Je connais la forte sympathie que le public camerounais a pour moi en tant qu’actrice et c’est un capital important pour la réalisatrice que je suis.

De 1990 où on découvre l’étoile de Noudi à 2009, qu’est ce qui a vraiment changé?
Professionnellement, j’ai vécu pas mal de frustrations et j’ai connu une longue période de découragement. Aujourd’hui, je me dis que la vie est un éternel combat et que ce serait dommage de ne pas mettre à profit notre passage sur terre. J’ai des questionnements, des préoccupations par rapport à la société dans laquelle je vis et je dois contribuer à travers mes films, même modestement, à l’édification de cette société.
Ta Zibi, Jinette, Natou ou Suzy, lequel de ces personnages vous correspond le plus?
Ces personnages ne sont pas taillés sur mesure mais en les interprétant je me suis rendue compte qu’il y avait des similitudes dans certains aspects des caractères avec ma nature réelle. En tant que femme dans la force de l’âge aujourd’hui, Jinette est plus proche de moi.
On doit vous avoir assez dit que vous avez un beau sourire, mais je le redis. Comment avez vous géré la popularité de vos personnages antécédents notamment Ta Zibi?
Après le gros succès télévisuel de « l’étoile de Noudi », « le retraité », « Japhet et Jinette », j’ai paniqué. J’avais joué pour m’amuser et ça a pris une autre tournure. Devenir un personnage public alors que je n’y étais pas préparée a bouleversé ma vie et je me suis rétractée. J’ai préféré me réfugier derrière les caméras à la CRTV et c’est Jean-Pierre Bekolo qui m’a obligé avec un petit rôle dans « les saignantes » à sortir de ma retraite. Je lui dois mon retour au cinéma, grâce lui j’ai eu l’énergie pour porter un projet et le mener jusqu’au bout.
Ça fait quelques semaines que vous êtes loin de votre pays. Qu’est ce qui vous manque du Cameroun à cet instant?
Tout. Ma famille, l’atmosphère, nos délicieux plats locaux, le parfum unique de mon pays le Cameroun.
