Deux rapports récemment publiés démontrent très bien, de mon point de vue, comment nous avons changé d’ère. Il s’agit précisément du Rapport sur l’investissement dans le monde 2010 intitulé «Investir dans une économie à faible intensité de carbone» et du rapport présenté au Président Nicolas Sarkozy par l’ancien ministre et actuel Député-maire de Montereau-Fault-Yonne, intitulé «En finir avec la mondialisation anonyme – La traçabilité au service des consommateurs et de l’emploi». Ces documents indiquent clairement que nous sommes entrés dans l’ère de la consommation responsable et du green business. Il est clair que les gens ne veulent plus être des consommateurs, ils désirent devenir des CONSOMMACTEURS.
La lecture de ces deux rapports m’a convaincu de me livrer à une réflexion : la CÉMAC (Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale) peut-elle, à l’avenir, attirer davantage des investissements directs étrangers (IDE)?
Pourquoi?
Un des messages essentiels de la CNUCED dans ce document paru en juillet 2010 consiste à indiquer que, par leur puissance financière et leur déploiement mondial, les Sociétés Transnationales (STN) peuvent contribuer au ralentissement du réchauffement de la planète.
Selon la CNUCED (2010) :
« Il y a deux types d’investissements étrangers à faible intensité de carbone:
. Pour l’introduction de procédés à faible intensité de carbone qui réduisent les émissions de GES liées au mode de fabrication des produits. Cela inclut la modernisation des opérations des STN et de celles des entreprises qui leur sont apparentées dans le cadre de leurs chaînes mondiales de valeur;
. Pour la création de produits et services à faible intensité de carbone qui réduisent les émissions de GES à travers leurs modes d’utilisation. Les produits à faible intensité de carbone incluent par exemple les voitures électriques, les appareils électroniques «à faible consommation d’énergie» et les systèmes de transport en commun intégrés. Les services à faible intensité de carbone incluent les solutions technologiques fournies pour reconfigurer les procédés émettant des GES dans les entreprises locales. »
La même organisation signale que plusieurs secteurs d’activités contribuent ou pourraient contribuer de manière notable à la réduction des GES. Il s’agit notamment de l’énergie, de l’agriculture ainsi que la foresterie.
On le voit donc très bien, une courte analyse FFOM (Forces/Faiblesse Opportunités/Menaces) laisse imaginer que les 6 pays de cette sous-région pourraient, au nom de leurs ressources, attirer davantage de capitaux étrangers. D’ailleurs, dans la réflexion que la Commission de la CÉMAC a effectuée relativement à l’émergence de la sous-région, les secteurs d’activités cités apparaissaient parmi les piliers sur lesquels les dirigeants veulent miser.
Il faut par ailleurs noter que « selon les estimations, les investissements étrangers à faible intensité de carbone seraient déjà importants, avec des flux d’investissement d’environ 90 milliards de dollars en 2009 dans trois secteurs industriels clefs seulement: a) production d’électricité de sources nouvelles/renouvelables; b) recyclage; et c) fabrication de produits de technologie environnementale (tels que turbines éoliennes, panneaux solaires et biocombustibles). » (CNUCED, 2010).
La préoccupation pour l’environnement, la prise de conscience selon laquelle un achat est un vote, incite les consommateurs à attendre des entreprises des comportements plus responsables. Plusieurs pays d’Afrique centrale peuvent devenir des économies où fructifiera une part de ce green business. Ils en ont largement les capacités. Cette nouvelle donne internationale apparaît comme une tendance lourde d’avenir. Dans un dossier sur le Cameroun présenté par Suzanne Dansereau du journal LES AFFAIRES, le ministre de l’Économie du Cameroun, Louis-Paul MOTAZE déclare que « le Cameroun sera un vaste chantier ». Pour que le Cameroun et la CÉMAC tout entière soient un chantier, il faudra compter avec les IDÉ. Que Bangui, Brazzaville, Libreville, Malabo, N’Djamena et Yaoundé se donnent les moyens d’attirer ces capitaux étrangers. Mentionnons aussi que des transferts de technologies pourraient suivre ces flux financiers.
Comment?
Plusieurs stratégies sont naturellement possibles. Il pourrait par exemple s’agir de mettre en uvre des politiques fiscales pour attirer les capitaux étrangers. Il faudra également s’engager aux côtés des futurs investisseurs notamment pour la formation de la main-d’oeuvre. En effet, si des États ciblent des secteurs d’activités particuliers dans lesquels ils désireraient promouvoir les investissements, il faudrait dans le même temps que l’on puisse retrouver sur place des hommes/femmes capables d’occuper valablement les postes à l’usine.
Sauf que.
Les États doivent faire attention aux effets négatifs des IDE. Ils peuvent par exemple déstructurer les petits commerces locaux, créer des dépendances technologiques.
Les États de l’Afrique centrale, me semble-t-il, gagneraient à introduire, autant que possible, une dose de « patriotisme économique » pour ce green business, notamment en encourageant la mise sur pied de coentreprise ou à tout le moins de prise de participation des nationaux dans de nouveaux projets. De cette façon, le dynamisme économique créé enrichira mieux le (s) pays concerné (s). Mais surtout, l’expertise dans ce nouveau marché sera de plus en plus maîtrisée par les locaux.
Finalement, – c’est aussi l’intérêt du Rapport JÉGO-, espérons que les États de la sous-région CÉMAC voudront créer des marques-pays associés au green business. Naturellement, ça prendra plusieurs années, mais si nos dirigeants y croient, il est possible de se bâtir une réputation selon laquelle les économies de cette zone conçoivent et fabriquent des produits et technologies verts. Le green business n’est pas une vaine expression, elle est une part importante de l’économie du XXIe siècle. Aux pays de la sous-région de savoir s’ils désirent que leur marque-pays, le MADE IN Cameroon, Central African Republic, Chad, Congo, Equatorial Guinea, Gabon, soit associé au l’économie verte!