Le monde se voulait «leur empire». Mais quel monde? Que de contestations!
Des concepts, des expressions, des représentations des choses ne seraient donc que des impostures, des mensonges savamment montés, des manipulations? Voilà le thème qui réunissait des personnalités, que tout le monde ne connaît pas forcément mais qui posent la pertinente question qui est de savoir «de quel monde on parle?». Je me souviens, moi, Léopold Sédar Senghor, oui, je me souviens de l’usage on ne peut plus outrancier de ce concept. J’ai dû reprendre en direct la célèbre journaliste Anne Sinclair, qui m’avait invité à son émission, «7 sur 7». Elle affirmait que l’holocauste était le plus grand massacre du monde, avec des millions de Juifs tués. Je lui ai rappelé illico presto que c’était la traite négrière qui l’était. En fait de mondialisation, j’avais constaté, quand j’étais aux affaires politiques et même à l’Académie Française, que ce concept de «monde» voulait dire «Occident». Ce n’est pas parce qu’on nous rebat les oreilles que ces deux guerres occidentales, la première et la deuxième, étaient des guerres mondiales qu’elles le furent ! Que nenni, parole d’académicien français! La France a un vieux problème qu’elle traîne depuis longtemps. Pour gagner, il lui faut des alliés. Ce n’est pas le cas de l’Allemagne, qui lui a toujours «damé le pion». Il a fallu que les Africains viennent à son secours avec leurs soldats. On les affublera du titre mondial de tirailleurs sénégalais, ces chairs à canon qui sont le fer de lance de la liberté de la France d’aujourd’hui ! Bref, ce fut l’apothéose quand, ayant appelé au secours les Anglais, les Américains, mais surtout les Africains, pour chasser l’occupant allemand, les troupes alliées entrent dans Paris et sont accueillies en héros; entrée interdite aux nègres et aux bougnoules, ces tirailleurs interdits de faire partie de la parade! Guerre mondiale! Guerre mondiale! Quelle mondiale même?
Tu oublies, Senghor, ce que Sarko vient de faire à Rama Yade, Rachida Dati et la «Pute Soumise»! Exactement la même chose que tu viens de raconter pour la guerre qu’ils appellent mondiale. Ces Africaines ont été utilisées, exhibés comme symboles de la politique d’ouverture. On a fait croire par leur présence au gouvernement de Sarko que l’égalité et la fraternité avaient réellement cours dans le pays qui se disait encore des droits de l’homme. La pauvre Rama, la pauvre Rachida. L’U.M.P., le parti de Sarko, leur interdit de se présenter aux élections législatives. C’est la même chose qu’on fait aux sportifs d’origine africaine sans lesquels la France ne gagnerait pas grand chose. Si vous en doutez, demandez à Yannick Noah, à Thierry Henry et à Zidane, sans oublier les «Miss» de la mauvaise couleur, c’est-à-dire noire. Soyons sérieux! Proclamer que la plus vieille femme du monde était Jeanne Calmant, c’est comme si on avait fait le tour de tous les villages de toute la planète! D’ailleurs, quels sont les critères qui fondent la reconnaissance d’une mondialisation?
Pourquoi te fatiguer en défonçant des portes ouvertes, mon cher Mongo Beti? Voilà dix ans que tu es parti, toi que personne n’arrivait à faire taire! Tu aurais pu écrire aussi «Main basse sur l’Afrique». De toute façon, ton Kamerun étant l’Afrique en miniature, l’analyse que tu fais dans ce célèbre essai correspond à toute l’Afrique subsaharienne. Quand tu vois, aujourd’hui encore, des émissions de télévision française dans leur mondialisation -TV5, Afrique 24- dire des inepties sur la culture africaine, en voulant la mondialiser à leur façon paternaliste et néo-colo…, c’est écoeurant! Oui, c’est un certain J. Lepers dans son émission «Questions pour un champion». Voilà deux fois qu’il affirme que le plat le plus prisé en Afrique subsaharienne, à base de viande de boeuf à la sauce d’arachide avec du riz blanc, c’est le «mafé»! Le Sénégal n’est pas l’Afrique subsaharienne, cher réducteur culinaire! Ne confond pas les tirailleurs et les recettes culinaires: tout n’est pas sénégalais! Je me rends compte de la pertinence des choses que nous révèle souvent Faka Bilumba. Il nous disait que Sarko avait une admiration non seulement pour Napoléon mais aussi pour les régimes totalitaires et dictatoriaux africains. Son maître à penser, A.B.B. Ondimba, lui a laissé quelques secrets. La preuve, il va, à l’instar de Barthélémy, faire sa campagne électorale en mobilisant et monopolisant six -oui, six- chaînes de télévision françaises qui vont en même temps diffuser l’annonce de sa candidature à la présidence de la république, un vrai secret de polichinelle! Ses chiens de garde, qui jurent tous pourtant par l’indépendance et la liberté de la presse française, seront «au pied». Son fidèle doungourou africain de service, A.D.O. Le Judas, celui qui a livré son frère au T.P.I., est venu chercher sa feuille de mission à Paris. C’est peut-être lui qui va récolter les fonds en Afrique pour sa campagne électorale en cours! C’est moi, Kourouma, qui vous le dis.
On continue à se demander ce que Senghor est parti chercher dans cette galère de l’Académie française, lui qui est parti sans un seul hommage du gouvernement français. Je me demande aussi pourquoi, même après sa mort, l’association bisontine «Terre et Peuples d’Afrique» se sent obligée d’alourdir l’hommage qu’elle lui rend ce week-end en y ajoutant Raymond Forni et Edgar Faure. Pourquoi des entraves coloniales jusque dans l’au-delà? Quant à vous, chers lecteurs, qui avez été nombreux à approuver la démarche de demander la libération inconditionnelle de Monsieur Enoh Meyomesse, prisonnier politique, voici, à votre demande «mondiale», un modèle de lettre à adresser par la forme qui vous sera au président Barthélémy: Monsieur le Président de la République, Président du R.D.P.C., cher «Nnon Ngui», il est de votre pouvoir de ne faire qu’un geste, comme vous le disiez jadis à Eric C., pour qu’on sorte Enoh de prison. Que vos grandes ambitions et réalisations y trouvent par cet acte une authenticité.
Bonne année à Enoh Meyomesse aussi.
