« Depuis un certain temps, nous courons, nous dit-on, vers des objectifs qui ne nous ressemblent pas, et que nous comprenons souvent même à peine »
Pourquoi faut-il que nous participions à la course à des valeurs et des choses que nous n’avons pas décidées? Voilà que, depuis un certain temps, nous courons, nous dit-on, vers des objectifs qui ne nous ressemblent pas, et que nous comprenons souvent même à peine. C’est la question que spontanément, se sont posée des citoyens universels lambda. Ils l’ont pensé très fort. Et la force de leur revendication a tonné, est montée, a sévi plus que la force d’un tsunami. C’est pourquoi chacun de nous a, dans notre monde contemporain, ressenti des soubresauts de ce mal être, de ce malaise; il était temps que moi, Faka Bilumba, je vous décrypte les causes de cette maladie de notre monde: les fondements des injustices instituées.
«Je suis venu prendre spontanément la parole à cette tribune car, avant que chacun de vous, mes victimes, ne m’accable, je tiens à mettre les choses bien au clair. Moi, Occident, moi, Capitalisme sans scrupule, moi, Raison du plus fort, j’ai été fabriqué de toutes pièces par une minorité d’individus dont la domination de tout sur tout est sans limites. Ma devise n’a point changé depuis la nuit des temps: ravir par la force et la malice, puis en faire une théorie fondamentale, essentielle, existentielle. Alors, comme un caméléon, je sais me décliner moi-même à travers des couleurs, des valeurs de circonstance, tenez, je sais être Liberté. Je me veux libre, ce qui signifie que j’ai le droit de faire ce que je veux, où je veux, quand je veux, à qui je… peux! Je suis libre d’aller voler, piller, m’emparer de choses que je n’ai pas. La preuve, tout le monde sait que je n’ai pas et que je ne produis pas certaines matières premières. Alors, je me suis pris la liberté d’aller envahir par force et par malice des pays qui, eux, les possèdent. Je me sers à volonté dans leurs réserves de pétrole, de diamant, d’uranium, de café, de cacao, de bananes… J’ai pris la liberté d’installer à la tête de ces pays, que je qualifie de pauvres, des dictateurs à ma solde, dictateurs que j’ai formés, en leur inculquant des vices, des choses mauvaises et innommables dont je me sers quand je veux les dégommer! Il faut le faire! Je leur reproche publiquement ce que je leur ai enseigné en cachette lorsque je veux établir à leur place quelqu’un de plus vicieux encore! C’est ça ma «Liberté»!
«Et moi, je suis Egalité, une autre de ces déclinaisons valorisantes et trompe-l’ il. Je suis allée jusqu’à faire signer et proclamer une charte qui se veut internationale, affirmant que «tous les hommes naissent libres et égaux en droit». Ah, ah! Foutaise ! Je fais proclamer que nous sommes tous libres et égaux mais, en réalité, j’établis à travers cette charte le règne de ma domination sur les autres. Je ne peux mieux illustrer cela que par les mascarades de révolutions que je promeus au Maghreb. Je leur ai dit, au nom de la liberté, de se débarrasser de leurs dictateurs, qui devenaient encombrants pour nous aussi! Qu’au nom de cette égalité, ils pouvaient et devaient quitter leur pays, fuyant les répressions, les combats, les misères ! Mais je leur ai volontairement barré la route de chez moi. Malgré les accords de Genève, qui autorisent tout individu à demander un asile politique ou une protection dans certains pays, malgré les accords de Schengen, et bien d’autres, j’ai illégalement chassé de ma terre d’accueil et d’asile ces Arabes qui allaient encore nous envahir ! Ce qui est fou dans cette histoire, c’est que dans le même temps où je me targuais d’être celui qui accueillait le plus grand nombre d’exilés dans le monde alors que je refusais l’entrée aux réfugiés Tunisiens, la même Tunisie accueillait 300 000 exilés libyens, chassés de chez eux par la révolution que j’avais moi-même suscitée sous l’égide de B.H.L. La Tunisie, dont je refusais honteusement les réfugiés, me coiffait au poteau et devenait le premier pays au monde à accueillir ainsi autant de réfugiés.»

«Et moi, Fraternité, je suis la déclinaison synonyme de la plus grande de ces mascarades. Je ne suis pratiquée que par des castes, des classes. «Le sang impur» qui abreuve désormais nos discours, c’est celui que notre «Géant» voudrait éliminer à partir de critères «civilisationnels» chers à l’oncle Adolf. J’ai choisi de placer la lignée de ma fratrie sous le dénominateur commun gaulois, mais on me fait remarquer que mon patron actuel n’est pas de lignée gauloise mais hongroise ! Et je ne sais pas si, dans ma fraternité, les nègres, les bougnoules, les gitans et Roms, les S.D.F. s’y retrouvent…» « Et moi, je te dis, cher Patron prétentieux, moi qui suis l’un de tes meilleurs élèves, bien que tu ne me cites jamais en exemple, moi, Barthélémy, roi du pays de Roger Milla, de Samuel Eto, de Yannick Noah, de Manu Dibango, pays dans lequel croupit en prison politique Enoh Meyomesse, tu crois quoi même? Nous nous sommes soumis honteusement, nous dépouillant de toute dignité, et nous avons même dans notre hymne national chanté qu’«autrefois nous vécûmes dans la barbarie» et que nous sortions « de notre sauvagerie»! Je peux dire que je prône chez moi la Paix, que je présente comme fleur de la vie. Une paix de façade, qui est allée jusqu’à occulter notre guerre d’indépendance! Il a fallu, après voir tû, interdit, emprisonné les vrais piliers de ma nation, que ce soit Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa qui écrivent ce fameux livre: «Kamerun, une guerre cachée aux frontières de la Françafrique» pour que cette guerre ne soit plus présentée comme les élucubrations d’opposants aigris et assoiffés de pouvoir.
Quant au travail, source de dignité, il est réservé dans mon pays à certaines castes. Nous avions fait de la Fonction Publique le stade suprême, synonyme d’apothéose pour tout lettré. Il fallait aller à l’école des Blancs pour devenir comme eux. Les Blancs les plus en vue du temps colonial ayant été les fonctionnaires, vous comprendrez pourquoi, quand je dis aux jeunes diplômés que je leur donne vingt-cinq mille emplois, il ne peut et ne doit s’agir que d’emplois dans la Fonction Publique. Pour ce qui est de la Patrie, j’ai décidé d’unir sous la bannière d’un rêve chimérique mon pays, à destination du statut de «pays émergent». Nous y serons dans une trentaine d’années. Je ne serai plus là mais, à l’instar des «grandes ambitions», des «grandes réalisations», de la «rigueur» et de la «moralisation», je sème à tous vents… du vent.» Aujourd’hui, tout le monde n’a pas pu s’exprimer. J’ai vu le beau, le viril et toujours jeune président sénégalais, candidat contesté à sa propre succession, me faire de grands signes. Bel éphèbe, vous aurez la parole la semaine prochaine, au terme du premier tour de votre élection présidentielle, en espérant pour vous que d’ici là, vous aurez suivi les conseils que vous avez prodigués haut et fort à Gbagbo et à Kadhafi: quitter le pouvoir. En attendant, vous pouvez faire une dernière chose: prendre votre téléphone, et demander à Barthélémy de libérer un certain Enoh Meyomesse.