Plus de 5,5 millions d’enfants de moins de 5 ans forment la population cible de ces opérations de vaccination
A 97% de couverture vaccinale, le Cameroun est en passe de gagner sa bataille pour l’élimination de la poliomyélite, une action qui, avec l’appui des partenaires au développement comme le Fonds des Nations Unies pour l’enfance( UNICEF), mobilise d’importants moyens financiers dont la gestion n’ est cependant pas toujours saine et provoque parfois des tensions.
En épidémie depuis octobre 2013, ce pays d’Afrique centrale par ailleurs touché par une flambée du choléra et endémique au paludisme s’est fixé l’objectif d’éradiquer avant la fin de cette année le polio virus sauvage de retour après quatre ans de disparition. Depuis mai,il a été classé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pays exportateur de cette maladie, au même titre que la Syrie et le Pakistan.
A Poli, un district de santé de la région du Nord, une gestionnaire financière, par peur de lynchage, a refusé lors de la récente campagne nationale de vaccination des enfants de moins de 5 ans organisée début novembre, de procéder au désintéressement des agents vaccinateurs en colère contre des responsables de l’ administration sanitaire locale,accusés de détournement des fonds alloués.
« Certains responsables, par souci de faire des coupes indues dans l’argent mis à leur disposition, choisissent de réduire les équipes de vaccination ou le nombre de jours d’activités de celles- ci. Ce sont des cas de détournement de fonds qui ont malheureusement un impact négatif sur la qualité du travail. Il y a un cas notoirement connu dans le Sud », a rapporté à Xinhua un enquêteur indépendant.
Les agents vaccinateurs sont des travailleurs recrutés à titre bénévole, en appui du travail mené par le Programme élargi de vaccination (PEV). Ils sont placés sous l’encadrement de mobilisateurs issus comme eux de la population et forment un groupe d’animateurs sociaux communément appelés relais communautaires.
Pour leur rôle dans la vaccination contre la poliomyélite, une opération rendue à sa neuvième édition début novembre depuis 2013, une modique somme de 2.000 francs CFA (4 dollars) leur est remise par jour, contre 3.000 francs (6 dollars) pour les mobilisateurs.
Sans scrupules, certains responsables sanitaires trouvent le moyen de faire une utilisation abusive de ces ressources, à en croire des sources concordantes. Le Dr. Désiré Nolna, secrétaire exécutif permanent du PEV, avait pourtant rejeté, lors d’un briefing des médias organisé à Yaoundé la veille de la tenue de la 9e campagne nationale de vaccination, l’éventualité de telles pratiques.
Mobilisation sociale totale
Plus de 5,5 millions d’enfants de moins de 5 ans forment la population cible de ces opérations de vaccination. La région du Nord en dénombre environ 637.858 enfants, répartis dans 15 districts de santé que les équipes de vaccination parcourent pour la plupart d’entre eux péniblement, en raison du mauvais état des routes.
Un don de l’UNICEF, les motos constituent le principal moyen de déplacement de nombre des équipes. Un coup de pouce qui permet à cette région frontalière du Tchad à dominante musulmane de figurer parmi les meilleurs exemples en matière de couverture vaccinale, pour ses résultats le plus souvent jugés honorables.
Pour la campagne de vaccination écoulée, la mobilisation sociale a été totale à Garoua, la principale ville de la région, avec la participation des autorités traditionnelles (communément appelées lawanes) et religieuses (imams, prêtres ou encore pasteurs) dans la sensibilisation de la population et les cérémonies officielles.
C’est le cas de l’imam de la mosquée d’Intergare à Garoua 2e, Aboubakar, qui a consacré ses prêches à cette action. Pour ce chef religieux de 65 ans, rencontré, lors d’un voyage de presse organisé par l’UNICEF, entre deux perfusions administrées pour soigner un accès palustre, « vacciner les enfants est un impératif pour prévenir les maladies », telles que le choléra ou la rougeole, courantes dans la région.
Véritable rassembleur, le frêle homme fait entendre sa voix jusque dans les mosquées environnantes et offre sa collaboration à l’administration sanitaire depuis deux ans. De sorte que l’aire de santé d’Intergare a cessé d’être considérée comme le fief du refus de la vaccination de la ville de Garoua.
« Cet imam nous a beaucoup aidés. Pendant l’épidémie de choléra (déclarée en octobre), il a réuni les femmes du quartier pour les sensibiliser aux bienfaits de la vaccination. C’était merveilleux, carici chez nous, une telle initiative n’est pas évidente, compte tenu des restrictions de mouvements qui frappent les femmes voilées musulmanes », a souligné Mme Aïssatou, point focal de la communication dans le district de santé de Garoua 2e.
« C’est une grande porte ouverte pour nous. Il suffit qu’il lance un appel, c’est tout le monde qui répond favorablement. C’ est un homme très dynamique et écouté », a poursuivi la veille femme qui joue le rôle de mobilisatrice communautaire depuis une vingtaine d’années.
Taux de couverture de 119%
Comme les deux autres régions septentrionales que sont l’ Adamaoua et l’Extrême-Nord (cible des attaques de la secte islamiste nigériane Boo Haram), le Nord du Cameroun se caractérise par une population en partie analphabète qui se laisse cependant facilement convaincre pour la vaccination de ses enfants.
« Avant, il y avait des gens qui n’acceptaient pas. Il y avait des rumeurs qui disaient que la vaccination provoque la stérilité. On trouvait des cas de polio dans les quartiers et les villages. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Progressivement, grâce à la sensibilisation basée sur le porte-à-porte, la population a compris l’importance de la vaccination », a expliqué sa majesté Nouhou Abbo, « lawane » de Poumpoumré, quartier de la ville de Garoua.
Selon le Dr. Mahamat Abassara, chef d’unité régionale du Programme élargi de vaccination, la région du Nord a réalisé un taux de couverture 119% en septembre, en raison de l’augmentation de la population cible due à un déplacement de populations provoqué par l’insécurité dans l’Extrême-Nord. A cause de la transhumance, 2%d’enfants manqués dans les ménages étaient dénombrés.
Pour la campagne de novembre, l’administration sanitaire et sespartenaires de l’UNIECF et de l’OMS ont mis les bouchées doubles, en s’assurant que les activités des équipes de vaccination dans les marchés ou bien les gares routières étaient bien menées.
« C’est la période des récoltes. Quand on part le matin et qu’on ne trouve pas les enfants dans les maisons, on est obligé de repartir le soir », a assuré le Dr. Ibrahima Housseini, jeune médecin-chef du service de santé de district de Bibemi, à 75 km de Garoua, où 109 équipes de vaccinateurs et d’enregistreurs étaient chargés de vacciner un total de 134.111 enfants.
Dans le Nord, la surveillance épidémiologique instituée pour lutter contre la poliomyélite s’étend à trois autres maladies : la rougeole,la fièvre jaune et le tétanos néonatal. La malnutrition est une autre priorité pour l’UNICEF en appui des efforts du gouvernement.