Soulèvement d’une partie de l’armée, droit de vacance non respecté, la situation inquiète la communauté internationale!
Un porte parole militaire a lu ce matin à la télévision guinéenne une déclaration dans laquelle est annoncée la dissolution du gouvernement et la suspension des instances étatiques tels que le parlement et les tribunaux. L’identité des mutins, ainsi que leurs intentions, restent floues dans l’immédiat. « A compter d’aujourd’hui, la Constitution est suspendue, ainsi que toute activité politique et syndicale », a déclaré le capitaine Moussa Dadis Camara, lisant un communiqué plus tard sur les ondes de Radio Conakry. Moussa Dadis était jusque là chef de la section carburant à l’intendance des armées.
La communauté internationale et notamment l’union africaine sont très inquiètes au sujet de la situation politique en Guinée, quelques heures après l’annonce de la mort de son président, Lansana Conté, âgé de 74 ans. La situation est d’autant plus inquiétante que conformément à la Constitution guinéenne, le président de l’Assemblée nationale Aboubacar Somparé aurait dû devenir président par intérim et avait deux mois pour organiser une nouvelle élection.
Aussitôt après l’annonce du décès, dans la nuit de lundi à mardi, le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré a lancé, via la télévision d’Etat, un appel « au calme et à la retenue » aux « braves populations guinéennes », demandant le concours de l’armée pour assurer cette tranquillité. Son décès a été annoncé dans la nuit de lundi à mardi par le président de l’Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, aux côtés du chef d’état-major, le général Diarra Camara et du Premier ministre. Auparavant, tous les hauts responsables du régime s’étaient réunis au Palais du peuple (siège de l’Assemblée nationale), pour évoquer « la succession du président ».
« Nous avons le regret d’annoncer au peuple de Guinée le décès du général Lansana Conté, des suites d’une longue maladie, à 18H45 » (locales et GMT), a déclaré M. Somparé, demandant officiellement au président de la Cour suprême de constater la vacance du pouvoir et de faire appliquer la Constitution. La gestion des affaires du pays doit alors revenir temporairement au président de l’Assemblée nationale, chargé d’organiser une élection présidentielle dans les 60 jours.Le chef du gouvernement, décrétant « un deuil national de 40 jours », a déclaré: « Les drapeaux seront mis en berne et le programme des obsèques nationales sera communiqués ultérieurement ». « En cette douloureuse circonstance, j’invite les braves populations guinéennes – qui ont toujours fait preuve de dignité, chaque fois que nous affrontons ensemble de dures épreuves à travers notre histoire – au calme et à la retenue », a poursuivi M. Souaré, en poste depuis mai. Réputé proche du clan présidentiel, M. Souaré a ensuite appelé les forces de défense et de sécurité à « assurer la sécurité aux frontières et le calme à l’intérieur du territoire national ».

Jacques Leclerc)/n
Né vers 1934 dans une famille paysanne, Lansana Conté était arrivé au pouvoir le 3 avril 1984, à la faveur d’un coup d’Etat, une semaine après la mort du premier président de la Guinée indépendante, Ahmed Sekou Touré. Depuis, il avait toujours pris appui sur les dirigeants de l’armée pour avoir la haute main, avec son clan, sur la vie politique et économique de ce pays ouest-africain. Et il s’accrochait au pouvoir, malgré ses maladies (une forme aiguë de diabète, une leucémie…) et une contestation de plus en plus vive.
Début 2007, de grandes manifestations populaires hostiles au régime avaient été violemment réprimées : au moins cent quatre-vingt-six personnes avaient été tuées et douze cents blessées. Les ONG ont maintes fois dénoncé la « gestion calamiteuse » de la Guinée, minée par la corruption et classée parmi les pays les plus pauvres du monde malgré les richesses de son sous-sol (bauxite, fer, or, diamants…). Le mois dernier, plusieurs manifestations avaient eu lieu dans la capitale, Conakry, comme en province, notamment pour protester contre la cherté du carburant ou les coupures d’électricité.
