« Ce n’est pas facile d’être responsable du contenu d’un quotidien qui plus est Le Messager »
Vous êtes l’une des figures féminines en vue au quotidien Le Messager, comment êtes-vous arrivée dans le journalisme ?
Je peux dire que je suis arrivée dans le journalisme par passion. Il y a des grandes s urs comme Angèle Luh qui m’ont beaucoup marquée. Chaque fois que mon papa mettait sa radio, j’entendais au journal de 13h ‘Bonjouuur’. Ça me faisait quelque chose au fond de moi et je me disais que je veux bien travailler comme cette femme. A la télé il y avait Denise Epoté, Barbara Etoa. Donc voilà pour ne citer que des femmes sur le plan national, qui m’ont amenée à changer d’avis parce que toute jeune je pensais beaucoup plus à la médecine. Mais comme j’avais fait la série littéraire et étant faible en maths, je n’avais plus beaucoup de chance d’entrer en faculté de médecine. J’ai donc toutes ces personnes que j’entendais qui m’ont amenée à comprendre que je pouvais faire ce métier. Mais ça n’a pas été facile parce que mes parents me destinaient à autre chose.
Quels différents postes avez-vous occupés dans la rédaction et comment s’est arrivé?
Je peux dire que j’ai gravi tous les échelons. J’ai commencé par faire mon stage académique au journal Le Messager quand j’ai terminé mes études. Comme c’était la seule entreprise où j’ai fais mon stage académique, mon premier réflexe était d’y retourner pour demander un stage pré emploi. C’était je crois en septembre 97 et le 1er janvier 98 j’ai été confirmée comme journaliste reporter. J’ai été reporter, responsable de la rubrique ‘Femme à la une’, chef service société. Après, notre collègue feu Touna qui était coordonnateur de la rédaction est aller faire ses études à Strasbourg. Il m’a désignée en partant et j’étais obligée d’assurer l’intérim. Quand il est revenu il a refusé de reprendre son poste parce qu’il avait d’autres responsabilités à radio Reine. Il m’a beaucoup encouragée à occuper ce poste parce que moi je trouvais que je n’étais pas encore prête. Là nous sommes en 2003, on m’a titularisée et je suis restée coordonnatrice de la rédaction. Après ça j’ai été nommée chef d’agence pour les régions Centre, Sud et Est avec bureau à Yaoundé. Après cumulativement avec les fonctions de chef d’agence j’étais coordonnatrice de la rédaction. Plus tard j’ai été nommée rédacteur-en-chef délégué et c’est ce poste que j’occupe jusqu’aujourd’hui. Entre temps j’ai été promue grand reporter, chef de service économie. Je cumule tout ça et c’est pas du tout facile à gérer au quotidien, mais avec l’organisation on s’en sors.
Vous êtes rédacteur en chef délégué un poste noble pour un journaliste dans une rédaction, comment vous vivez cela ?
Il faut déjà remarquer que c’est toujours avec beaucoup de réticence que j’ai souvent accepté ces nominations. A chaque fois je me demande si je suis prête. Mais vu l’insistance de ma hiérarchie je me dis qu’ils ont peut-être décelé en moi certaines compétences et qualités. Parce que cela ne demande pas seulement de l’expérience professionnelle, être rédacteur en chef, ça demande beaucoup plus. Il faut être à l’écoute de ses collaborateurs, il faut savoir travailler en équipe, savoir booster, mobiliser. Donc c’est un manager à son niveau. Vous savez notre travail est très stressant, il faut pouvoir travailler en aimant ce qu’on fait ce qui n’est pas évident. Il faut savoir approcher les gens pour voir quelles sont leurs difficultés et essayer d’y apporter des solutions. Parce que c’est quand tout cela est évacué qu’ils peuvent donner le meilleur d’eux même. Parce qu’il faut le dire ce n’est pas facile d’être le responsable du contenu d’un quotidien, qui plus est Le Messager qui est considéré par beaucoup comme un journal de l’opposition. Hors c’est pas du tout le cas, c’est juste un journal à l’écoute du peuple. Et malgré cette responsabilité je continue d’écrire, je continue d’être présente sur le terrain.
Pensez-vous que le fait d’être une femme vous ait été favorable ou non dans votre carrière?
Rien de tout ça. Je pense qu’il n’y a pas d’homme ni de femme journaliste, il y a journaliste tout court. Le journalisme est un métier où on ne triche pas pour émerger. Ce n’est pas votre patron qui vous juge, c’est le lecteur. J’estime que le public est en accord avec ce que je fais, donc ce n’est pas du favoritisme qu’on fait à quelqu’un en le nommant rédacteur en chef. Parce que là vous êtes face à des responsabilités que vous devez assumer. Et je n’ai jamais été confinée dans un service dans la rédaction. Peut-être qu’en tant que femme on a un double défi à relever par rapport aux collègues hommes, mais c’est davantage sur le terrain. Parfois les sources au départ ne voient pas un journaliste qui vient collecter, mais une femme à qui il faut faire des avances. Mais c’est à vous de montrer que vous n’êtes pas là pour ça. Et ça pousse les gens à vous respecter.
Plus personnellement, qui est Marie-Noëlle Guichi ?
Je suis une Camerounaise née à l’hôpital provincial (aujourd’hui régional) de Bafoussam. Je suis née le 31 décembre 1974. Je me suis mariée en 1999 et je suis mère de trois enfants dont l’aîné a 10 ans.
Parvenez-vous à concilier votre statut d’épouse et mère avec les contraintes que comporte le travail dans un quotidien?
Je pense que tout est question d’organisation. Quand je suis à la maison je m’occupe de la famille et quand je suis au bureau je m’occupe essentiellement du travail, sauf si je suis appelée au téléphone pour un cas d’urgence à la maison. Pour qu’il y ait quelqu’un en permanence à la maison, j’ai recruté une ménagère qui fait le travail que j’aurai dû faire.
Souhaitez-vous terminer votre vie professionnelle dans le journalisme?
Je ne sais pas si je peux faire autre chose que le journalisme, mais je pense que tout être humain aspire au bonheur. Je n’ai pas l’impression que mon bonheur est total en tant que journaliste. C’est-à-dire que sur le plan matériel je n’ai pas tout ce que j’aurai dû avoir peut-être si je faisais autre chose. Pour cela je pense qu’à l’avenir je pourrai faire à côté du journalisme d’autres choses qui me rapportent de l’argent.
Le Messager vient de perdre son directeur de publication, quelles sont vos craintes et vos espérances quand à l’avenir du journal?
L’avenir du journal, ça j’en sais rien. Je sais tout simplement que je garde la même passion. J’ai envie de travailler, il suffit d’avoir les moyens et puis le travail va se poursuivre. Nous sommes dans une entreprise qui appartenait à un homme qui aujourd’hui a disparu. C’est lui seul qui savait comment il s’organisait pour avoir ces revenus. Est-ce qu’on aura un bon samaritain qui va jouer ce rôle de mobilisateur de fonds pour nous permettre de travailler, ça je n’en sais rien. Peut-être qu’il revient à ses amis, famille et sympathisants de s’organiser pour que son uvre soit pérennisée. Mon équipe et moi voulons la pérenniser, seulement s’il n’y a pas de moyens ça sera impossible.
