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La nécessité des états généraux de la santé au Cameroun

Par Vincent-Sosthène Fouda Beaucoup sont «tombés en bas de leur chaise» en écoutant le professeur Tetanye Ekoé le dimanche 3…

Par Vincent-Sosthène Fouda

Beaucoup sont «tombés en bas de leur chaise» en écoutant le professeur Tetanye Ekoé le dimanche 3 avril à Scène de presse quand le vice-président de l’Ordre national des médecins du Cameroun déclare «Comment peut-on confier la morgue d’un hôpital comme l’hôpital Laquintinie à quelqu’un qui est maçon? Dans tous les pays du monde, le métier de morguier est une profession paramédicale qui nécessite une formation.»

Dans une analyse parue il y a 10 jours dans le quotidien le Soir, nous nous interrogions déjà: «comment sont formés les morguiers au Cameroun?» Et au milieu de cette analyse, je disais alors qu’on ne devrait plus au regard des réalités médicales, ethno-anthropologiques laisser les familles manipuler les dépouilles, les f tus et surtout qu’il faut aujourd’hui une Ecole des sciences mortuaires dans notre pays.

Le professeur Tetanye Ekoé nous donne l’occasion d’analyser un peu la situation du milieu hospitalier 47 ans après l’ouverture du Centre Universitaire des Sciences de la Santé (le CUSS à Yaoundé en septembre 1969). J’aime à citer avec nostalgie l’équipe des pères fondateurs, les Professeurs René Essomba, Victor Anomah Ngu, Gottlieb Lobè Monekosso, les Drs Simon-Pierre Tsoungui, Simon Atangana. Ce fut donc une belle aventure, camerouno-canadienne mais aussi vietnamienne. Aujourd’hui, nous pouvons nous dire que le CUSS a vécu, il a engendré de nombreuses facultés de médecine dans l’ensemble du pays, mais le nombre ne fait pas la qualité. En 1969, l’Afrique noire ne comptait que 6 facultés de médecine. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le CUSS a été la référence ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Une Ecole des sciences mortuaires, regard socio-épidémiologique
Les 256 groupes ethniques qui composent le Cameroun ont autant de pratiques mortuaires et ces pratiques structurent notre espace public. C’est ce qui justifie aujourd’hui le soin avec lequel les hôpitaux entretiennent leur morgue au détriment des autres services qui composent l’hôpital. Les services publics se sont alignés sur ces pratiques sans avoir eu l’intelligence de les interroger.

Ainsi, je me souviens que lorsque j’étais enfant, mes parents, les professeurs et autres docteurs Simon-Pierre Tsoungui, René Essomba, Simon Atangana, Jean Amougui quand ils étaient sur la route du village à moins de 55 km de Yaoundé pour les plus éloignés, chacun devait avoir dans sa sacoche du Formol devant servir à traiter les «dépouilles» afin de retarder pour au moins pour 48 h le déroulement des obsèques. C’était avant l’apparition des morgues et l’extravagance qui s’en est suivie avec la prolongation de l’organisation des obsèques. Aujourd’hui, aucune règle, aucune loi ne vient fixer le délai, l’intervalle pendant lequel un mort devrait être mis en terre ou incinéré. Avec les morgues, un nouveau métier aurait dû voir le jour, mais à la place nous avons hérité des «morguiers».

Voici ce qui se passa un matin à l’ouverture de la morgue de l’hôpital de Deido: le directeur, fils de la localité se retrouva un matin avec ses collègues médecins et l’ensemble du personnel, il se mit à transpirer à grosses gouttes puis se tourna vers son collègue et condisciple et lui dit, «je n’y arriverai jamais, fais-le-toi», alors il se mit derrière son collègue qui fit un discours de quelques 7 minutes et il s’avança et frappa à la porte de la morgue trois fois avant de l’ouvrir. C’est un rituel qui se passe uniquement au Cameroun où les morts ne sont jamais morts, ils vont certainement à la morgue avant de passer à l’arrière de la case. Voilà pourquoi ceux qui doivent s’occuper d’eux pendant le temps plus ou moins long pendant lequel ils séjourneront là méritent d’avoir une formation. La formation devrait à la fois allier les sciences médicales aux sciences sociales comme l’anthropologie et la sociologie et pourquoi pas les sciences religieuses dans un milieu où le surnaturel semble élire domicile?

Non, morguier n’est pas une profession comme le dit le professeur Tetanyé Ekoé, c’est le métier de thanatopracteur qui est une profession et comme toute profession elle est organisée. Le thanatopracteur ou technicien en sciences mortuaires travaillera désormais non plus dans une morgue morne, mais dans un funérarium ou une chambre mortuaire, antichambre terrestre de la vie éternelle. Il recevra pendant 3 ans une formation qui le préparera à comprendre ce qu’est la mort scientifique, et ainsi à pouvoir administrer des soins à une dépouille:

Afin de retarder le processus de dégradation du corps avant sa mise en bière: (il apprendra durant sa formation à faire des injections de produits conservateurs, formol et autres antibactériens suivant une technique bien précise).

Il travaillera à soigner la présentation du défunt et ceci suivant les rites et autres pratiques religieuses reconnues dans notre pays et encadrées par la loi (soins du visage, habillage, coiffage, maquillage)

Il faut savoir que la science autorise différentes chirurgies sur les dépouilles et ceci en rapport au respect que nous devons aux morts ; les apprenants devront donc acquérir toutes ces techniques et devront prêter serment à la fin de leur formation afin d’être responsables des restes mortuaires.

Il est important que le droit en association avec l’anthropologie et la sociologie fixe les règles générales devant régir la mise en bière des dépouilles. Aujourd’hui, nous avons des pratiques qui n’obéissent à aucune règle sur des délais extrêmement longs. Rien ne devrait justifier aujourd’hui que les corps restent plus d’un mois à la morgue!

La profession nous la voyons s’organiser et se structurer autour d’une succession d’autres métiers liés au décès et aux obsèques.

Du décès aux obsèques
Après le décès et les formalités administratives, notamment la déclaration de décès et sa certification par un médecin, l’établissement d’un certificat ou acte de décès par un officier d’Etat-civil (BUNEC), la question de savoir que devient le corps du défunt jusqu’aux obsèques doivent être encadrés et bien définis.
On peut en premier lieu procéder à la toilette mortuaire qui aujourd’hui est faite par les parents du défunt. Le toilettage des défunts est une profession qui doit être encadrée avec des techniques précises et une certaine hygiène. C’est après cette première séquence que devrait intervenir le thanatopracteur pour ralentir la dégradation du corps pendant quelques jours (facultatifs). Jusqu’au jour des obsèques, le corps peut être conservé et veillé dans différents lieux : la chambre funéraire, la chambre mortuaire, l’institut médico-légal ou le domicile. Enfin, on effectuera la mise en bière du défunt avant les funérailles. Tout ceci doit être organisé avec des hommes habiletés à manipuler le corps afin d’éviter tout ce que nous connaissons aujourd’hui au Cameroun notamment, la disparition de certains organes.

Organisation des obsèques
Dans notre pays, la loi devrait pouvoir donner un maximum de 15 jours afin que la famille puisse organiser la mise en terre du défunt, ceci devrait consister en un choix ou non de cercueil en fonction des pratiques religieuses, au transport de la dépouille, à l’acquisition d’une concession dans un cimetière ou dans la propriété familiale, et les prestations du personnel d’une entreprise de pompes funèbres devraient être obligatoires. C’est à l’Etat central puis aux communautés décentralisées d’organiser et de fixer tout ceci.

Ainsi, deux nouveaux corps de métier pourraient être constitués et organisés autour du traitement des dépouilles mortuaires, deux corps de métier qui permettraient de résorber le taux de chômage exagérément haut dans notre pays, preuve que l’Etat et le système gouvernant sont en panne d’initiatives et d’imagination.

Vincent-Sosthène Fouda
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