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La réponse de l’avocat de la famille Marafa à la communication du Micom

Par Stéphane B. Engueleguele, Avocat de la famille Marafa en France Une politique pénale est l'ensemble des actions menées par…

Par Stéphane B. Engueleguele, Avocat de la famille Marafa en France

Une politique pénale est l’ensemble des actions menées par les Autorités Publiques pour conjurer un phénomène criminel. Cette politique est fondée sur des choix axiologiques, qui en constituent la légitimation. Ainsi, l’opération dite Épervier serait la politique pénale camerounaise en matière de lutte contre la corruption, et elle est, du moins en apparence, fondée sur les principes de rigueur et de transparence de la gouvernance publique. Cette politique pénale est cependant instrumentalisée par les Autorités Publiques, pour la mettre au service d’objectifs dissimulés, jamais assumés publiquement, ce qui est la preuve du caractère fondamentalement inique de l’opération dite Épervier.

Le caractère honteux de cette politique transparaît dans la tentative fort grossière de Monsieur Tchiroma pour disqualifier l’avis rendu par le Groupe de Travail sur la détention arbitraire.

Contrairement à ce que Monsieur Tchiroma indique lors de sa communication, Monsieur Marafa n’a pas été condamné pour «complicité intellectuelle et détournement de derniers publics», mais pour «complicité intellectuelle de détournements de deniers publics», une qualification bâtarde qui ne correspond même pas à la loi pénale camerounaise. Au seuil même de l’incrimination, le principe de la légalité des délits et des peines a été violé, puisque la qualification appliquée aux faits reprochés à Monsieur Marafa, est une qualification «impossible.»

Le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire est certes un organe spécialisé des Nations Unies, mais il est chargé de contrôler le respect de la politique des droits de l’homme des Nations Unies par les États, et de veiller à la redevabilité en matière de respect par les États, des droits civils et politiques en général, et du droit à la sûreté et à la liberté individuelle en particulier. Ainsi, contrairement à ce que soutient Monsieur Tchiroma, la privation de liberté peut certes résulter d’une décision juridictionnelle, mais être parfaitement arbitraire, si la décision dont il s’agit est l’émanation d’un processus judiciaire vicié, marqué par la violation des droits et libertés fondamentaux garantis par les Pactes et Conventions internationales.

L’article 9 de la déclaration universelle des droits de l’homme dispose que «nul ne peut être arbitrairement arrêté détenu ni exilé.» L’analyse des faits par le Groupe de Travail démontre que Monsieur Marafa a été arrêté et détenu illégalement.

L’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce:
«1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraires. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi.

2. Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui.
3. Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement.

4. Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.

5. Tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation.»

Ces 5 droits et libertés fondamentaux ont été violés au préjudice de Monsieur Marafa, ce que le Groupe de Travail constate sur la base des textes et conventions pertinents du système de protection internationale des droits de l’homme.

Autre ineptie: Monsieur Tchiroma récuse le caractère juridictionnel du Groupe de Travail sur la détention arbitraire, mais soutient que ce dernier aurait «débouté» Monsieur Marafa de «sa prétention à travestir les poursuites ayant abouti à sa condamnation.» Ces confusions lexicales révèlent l’empressement avec lequel la communication du ministre est préparée, ce qui exprime au vrai la fébrilité dans laquelle se trouve ce régime, face à Monsieur Marafa.

La notion de détention arbitraire correspond à des canons du droit international, qui ont été scrupuleusement appliqués dans le cadre de la pétition de Monsieur Marafa, et d’ailleurs contradictoirement, puisque l’État du Cameroun a pu répondre, d’ailleurs abondamment.

Pour le reste des aspects plus anecdotiques de la communication de Monsieur Tchiroma:

Il n’est point question de prescription, mais de déclenchement de la machine judiciaire à très grande distance des faits supposés, dans des conditions démontrant une instrumentalisation de la justice.

La récusation est la condition de l’effectivité du droit à un procès impartial, et toute personne présentée devant un juge, peut la récuser, dès lors qu’elle peut craindre sa partialité. Si avant le 16 avril 2012 Monsieur Marafa n’était pas inculpé, il avait, dans la stratégie du gouvernement camerounais, le statut de mis en cause. Le retard mis à prononcer une inculpation en bonne et due forme est une autre démonstration des abus de droit commis. À cet égard, le Groupe de Travail ne s’y est pas trompé.

Monsieur Tchiroma confond opportunément le droit du mis en cause de se taire et de refuser de comparaître d’une part, et l’égalité des armes d’autre part, obligeant la justice à remettre à la personne poursuivie les moyens de préparer utilement et réellement sa défense. Dans le cas d’espèce, Monsieur Marafa n’a pas eu accès à son dossier pour pouvoir préparer utilement sa défense.

Monsieur Tchiroma se méprend volontairement sur l’analyse faite par le Groupe de travail de la transaction de 2006. Monsieur Marafa a été poursuivi à la requête de l’État du Cameroun qui, étant rempli de ses droits aux termes d’une transaction, n’avait plus action utile et nécessaire à l’encontre de quiconque. On rappellera que la nécessité est une composante de la légalité pénale.

L’avis du Groupe de Travail sur la détention arbitraire a force contraignante pour l’État du Cameroun, qui est tenu d’appliquer les recommandations faites lorsqu’est caractérisée, comme en l’espèce, une détention arbitraire. Il va de soi qu’en l’absence de police chargée d’appliquer les décisions prises à l’international, le Groupe de Travail est réduit à s’en remettre à la bonne ou mauvaise volonté de l’État du Cameroun. Face à l’accumulation de cas, permettant de caractériser une «jurisprudence camerounaise sur la détention arbitraire», l’attitude de Monsieur Tchiroma contribue à indexer le Cameroun plus fortement encore, à marginaliser sa diplomatie, et à jeter la honte sur les procédés de ses officines policières et judiciaires.

La légalité internationale est implacable : les droits élémentaires de Monsieur Marafa ont été violés, de sorte qu’il est détenu arbitrairement, tant les décisions rendues à son préjudice émanent de procédures fondamentalement viciées.

Stéphane B. Engueleguele
Docteur des Universités en Science Politique


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