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Lamyne M., le Camerounais qui habille les reines de France

L'exposition «Les Grandes Robes royales de Lamyne M.», installée dans la basilique Saint-Denis, revisite l'histoire de France à la croisée…

L’exposition «Les Grandes Robes royales de Lamyne M.», installée dans la basilique Saint-Denis, revisite l’histoire de France à la croisée de la mode et de l’art

Installée dans la basilique Saint-Denis, l’exposition «Les Grandes Robes royales de Lamyne M.» revisite l’histoire de France à la croisée de la mode et de l’art. L’artiste d’origine camerounaise a créé treize tenues royales, coupées dans une multitude d’étoffes, reflets de la diversité culturelle du 93. Des uvres qui ouvrent le dialogue entre l’humain et le divin, le passé et le présent.

Revisiter la nécropole des rois et reines de France
On l’oublie ou on l’ignore trop souvent mais à moins de 10 kilomètres du centre de Paris, la basilique-cathédrale de Saint-Denis abrite la dernière demeure des rois et reines de France. Construite sur la tombe de Saint Denis, dont le reliquaire se trouve dans le chevet, l’abbaye royale accueille les sépultures de 43 rois, 32 reines et 10 serviteurs de la monarchie, de la mort du roi Dagobert en 639 jusqu’au XIXe siècle. Avec plus de 70 gisants médiévaux et tombeaux monumentaux de la Renaissance, l’édifice religieux de type gothique est le plus important ensemble de sculpture funéraire du XIIe au XVIe siècle.

Habitant la commune de Saint-Denis depuis une dizaine d’années, Lamyne Mohamed déplore le peu d’intérêt des dionysiens (les habitants de Saint-Denis) pour ce haut lieu de l’histoire de France. «Les gens passent tous sur le parvis de la basilique, les enfants y jouent mais beaucoup n’osent pas y entrer. Ils disent souvent « ça n’est pas ma culture, ma religion me l’interdit », ils s’autocensurent. Avec ce projet, j’invite tous les indécis, toutes religions confondues, à pousser la porte et à découvrir l’histoire de France. Une histoire à laquelle ils peuvent participer et dont nous faisons tous partie», explique l’artiste.

Né au Cameroun en 1977 d’un père marchand de tissu, Lamyne fait son apprentissage à 13 ans auprès d’un tailleur. À l’âge adulte, il lance une activité de tour-operator tout en consacrant son temps libre à la création. «Je suis autodidacte en tout. J’ai toujours aimé concevoir des vêtements qui ne sont pas portables», dit-il avec malice. Même s’il répond à des commandes spéciales et que son site affiche un peu de prêt-à-porter, le créateur se définit comme un artiste. Customisation, volumes XXL, mélange de matériaux et d’époques, Lamyne M. fait figure de sculpteur de tissus plus que de styliste. Engagé auprès de différentes associations locales et notamment auprès des jeunes, Lamyne milite pour l’environnement. Son credo: révéler l’humanité, la beauté et la créativité méconnues des faibles, des oubliés, des opprimés.

S’imaginer en reine de France
Solennelles, somptueuses, ces longues robes de trois mètres exposées dans la crypte et le chevet de la basilique en disent beaucoup sur la place des femmes dans nos sociétés, passées et présentes. «Je me suis intéressé uniquement aux reines et aux princesses qui ont vécu dans l’ombre de leur mari ou de leurs enfants», raconte Lamyne. Marguerite de Flandre l’écolo, Frédégonde la dépensière, Jeanne de Bourbon surnommée le soleil du royaume… l’artiste a taillé pour chacune, une tenue qui rend hommage à sa personnalité. «Dans ce projet, il fallait impérativement respecter les coupes, le style et les marqueurs sociétaux de l’époque. Les fibules, les couleurs, la superposition des vêtements, les ceintures, traînes et plastrons, tout a été respecté.» Surdimensionnées, ces robes ont pourtant été réalisées au gabarit de chaque reine dont le gisant se trouve aussi dans la basilique. Si Jeanne de Bourbon revenait aujourd’hui, elle pourrait donc enfiler la cape en bazin, la cotte et le surcot en wax que l’artiste-styliste a créés pour elle. Si les codes vestimentaires sont anciens, les combinaisons textiles utilisées paraissent très actuelles et l’on verrait bien ces créations uniques défiler sur un podium.


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Appréhender la diversité culturelle de Saint-Denis
Wax, bazin, broderies du Moyen-Orient, mousseline de soie, jersey sportswear, drap de laine, les matières font écho à la diversité de la population de Saint-Denis et renvoient à une histoire mondiale du textile et du vêtement. «Pour moi, le tissu est d’abord social. Pour ces treize robes, j’ai rassemblé des tissus venant des pays les plus représentés parmi la population de Seine-Saint-Denis», précise le créateur.

Au-delà de la performance artistique, cette installation a réuni de nombreux acteurs sociaux et culturels: historien, ethnologue, archéologue, recteur et conservateur de la basilique, mais aussi apprentis, enseignantes et habitantes de Saint-Denis. «Je n’ai pas réalisé ces robes tout seul dans mon coin. L’idée c’était de créer un échange entre des personnes d’horizons différents et de construire un projet collaboratif. J’ai donc travaillé avec des élèves du lycée des arts et spectacle de La Source à Nogent-sur-Marne et avec des femmes du quartier de Floréal. Les élèves de Nogent ont découvert Saint-Denis et sa mixité sociale et les femmes de la Maison de quartier Floréal se sont rendues dans l’école. Ce type d’échanges permet d’abattre les frontières visibles et invisibles», insiste Lamyne.

Entre le premier coup de ciseaux et le jour de l’inauguration, ce projet multi-facettes a vu le jour après deux ans et demi d’incubation et de discussions avec l’administrateur de la basilique et le président du Centre des monuments nationaux. Depuis le début de l’exposition en octobre dernier, la basilique-cathédrale a enregistré une progression de 17% de sa fréquentation. Le jour de l’ouverture, 1900 visiteurs ont franchi le seuil de la basilique, parmi eux, 900 dionysiens. Une première fierté pour Lamyne qui rêve que ses robes royales fassent le tour de France.

L’un des modèles de l’exposition: Jeanne de France. Surcot en tissu tchadien bleu marine et rouge de bourgogne. Robe bordée de différentes broderies du Moyen-Orient
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