Les ministères du Commerce et des Finances ainsi que les opérateurs de la filière sont convenus de la nécessité d’une importation
Le produit rare sur le marché
La mesure a été prise à l’issue d’une concertation entre les opérateurs de la filière sucre et les ministres du Commerce et des Finances tenue hier mercredi 10 mars à Yaoundé. Le gouvernement camerounais a décidé de recourir à l’importation de 35 000 tonnes de sucre, pour faire face à la pénurie que connait ce produit sur les marchés camerounais. La pénurie actuelle du sucre sur le marché camerounais nous a amené à saisir les opérateurs de la filière sucre pour trouver ensemble des solutions à ce problème, a déclaré Titi Pierre, ministre délégué aux Finances en charge du budget. Il a aussi ajouté que le gouvernement a décidé pour un temps, d’annuler toutes taxes douanières pour accompagner cette mesure et s’assurer que sur le marché les commerçants n’augmenteront pas de prix. Le manque de sucre sur le marché camerounais a créé depuis quelques semaines, une augmentation progressive du prix du kilogramme qui a atteint le pic de 750 FCFA. La mesure prévoit que ces importations vont se répéter tous les mois, jusqu’à la fin de l’année.
Les acteurs se rejettent la responsabilité
Cette situation est due à une pression spéculative développée sur le marché du sucre, a expliqué Louis Yinda, Directeur général de la SOSUCAM, dans une interview accordée au quotidien gouvernemental Cameroon Tribune. Cette spéculation est également due aux fortes pressions internationales liées aux estimations de l’Organisation mondiale de sucre (OIS) évaluant le déficit mondial entre la consommation et la production pour la campagne 2009-2010 à 8 millions de tonnes, a-t-il ajouté. Des observateurs lui donnent le tort, en affirmant que le principal spéculateur c’est la SOSUCAM. En rachetant la CAMSUCO, la SOSUCAM a acquis une situation de quasi-monopole. Or depuis 2002, le prix du sucre a augmenté de près de 75%. Une situation incompréhensible pour les observateurs dans la mesure où la matière première, la canne à sucre est produite localement. Ce sont les choix d’exportation de cette société vers le Tchad et le Nigéria qui défavorisent le marché déjà fragile du Cameroun, affirme un cadre du ministère du Commerce, sous anonymat.
Choix difficile pour le gouvernement
Selon les habitués du secteur, le ministre Luc Magloire Mbarga Atangana aurait décidé de mettre fin à la prise d’otage de la Société Sucrière du Cameroun (SOSUCAM). Avec plus de 50% des parts de marché au Cameroun, la SOSUCAM se refuse à toute responsabilité dans la situation actuelle. Lors de la réunion de crise qui s’est tenue le 3 février 2010 dernier, la SOSUCAM et les grossistes se sont rejetés mutuellement les responsabilités. Selon des indiscrétions, la hausse du prix du sucre est principalement due à une mafia spéculative. La SOSUCAM dont la production ne suffit pas à ravitailler le marché camerounais aurait décidé d’exporter vers des pays voisins où les prix sont élevés. Les grossistes quant à eux, sont accusés de durcir le marché pour bénéficier des mesures d’allègement douanier. Pourtant le problème est plus complexe. Le ministre du Commerce semble avoir tiré les enseignements de ces différentes situations. En février 2008, c’est la hausse du prix du sucre qui avait été un des éléments déclencheurs des émeutes dites de la faim.
Le vrai, le faux
En 2005, suite à un accord d’importation hors taxes de 10 000 tonnes de sucre, la SOSUCAM avait dénoncé une tentative de déstabilisation de la production locale et avait prétendu que cette situation risquait d’entraîner des pertes et forcément des restructurations au niveau des emplois. Le gouvernement avait fait marche arrière. En octobre 2009, c’est la SOSUCAM qui a eu cet accord et aucune protestation n’a été entendue. La réalité du sucre souffre de l’absence de statistiques fiables. Selon une récente étude, la demande du marché camerounais en sucre se situerait autour de 180 000 tonnes. La production sucrière de la SOSUCAM est de 120 000 tonnes, tandis que la production des petites entreprises de Douala (NOSUCA et SUMOCAM) tournerait autour de 15 000 tonnes. Les services des douanes ont établi par GPS des importations frauduleuses à 12 000 tonnes. Il existe donc un trou constant de 33 000 tonnes. A la SOSUCAM, on se refuse d’admettre l’évidence: La SOSUCAM connaît un bon rythme de production depuis le début de la campagne sucrière actuelle, soit 600-700 tonnes de sucre produit par jour, a affirmé le Directeur général de cette entreprise.
