La camerounaise est médecin du travail et a des idées plein la tête pour son métier
Pouvez-vous vous présenter de manière exhaustive?
Je suis le docteur Aline Douandji Fomekong, épouse Foaguam, titulaire d’un diplôme d’Etat de docteur en médecine en 2002 et d’un certificat d’études spécialises en santé au travail depuis 2009 (médecine du travail); tous obtenus à la faculté des sciences de la santé de Cotonou au Bénin. Actuellement j’exerce comme médecin du travail en privée, au sein de la polyclinique du Rond Point située au carrefour Maetur de Bonamoussadi.
Pourquoi avez-vous choisi la médecine du travail?
Apres l’obtention de mon doctorat, je suis rentrée au Cameroun. Pendant l’exercice de ma médecine générale, je recevais lors de mes consultations beaucoup de cas d’accident de travail et la prise en charge de ces cas restait problématique. L’employeur s’impliquait très peu dans la gestion de ces accidentés. Suite à cela je me suis posée plusieurs fois la question de savoir comment faire pour améliorer ces conditions de travail. La médecine du travail était une solution très peu connue, j’ai décidée de me former dans cette spécialité afin d’apporter mon expertise aux chefs d’entreprise et aux travailleurs
Y’a-t-il une formation en médecine du travail au Cameroun ? Mieux comment faire pour être médecin du travail?
Non, il n’existe pas encore une formation en médecine du travail au Cameroun. Pour l’instant l’association des médecins de santé au travail, au Cameroun, se bat pour l’ouverture d’une école de formation des infirmiers en santé au travail dans l’université de Douala. Nous espérons pouvoir y arriver avec le soutien du gouvernement et particulièrement le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Pour être médecin du travail, il faut d’abord être médecin généraliste ou toute autre spécialité. Pour ce qui est de la Faculté des sciences de la santé de Cotonou, un test écrit préalable est fait et seuls les admis sont autorisés à s’inscrire. Au Sénégal et en Côte d’Ivoire l’accès se fait par étude de dossiers
Pouvez-vous revenir en détails sur la notion de médecine du travail?
Selon le comité conjoint OMS (Organisation mondiale de la santé)-OIT (Organisation internationale du Travail) «La santé au travail est un état de bien-être physique, mental et social optimal résultant d’un milieu de travail sûr et salubre dans lequel les travailleurs peuvent exercer une influence sur leur propre travail et accomplir des tâches professionnelles motivantes ». Elle fait donc appel aux risques professionnels (accidents de travail et maladies professionnelles) et à l’environnement de travail
D’après vous la médecine du travail est-elle bien assise au Cameroun?
Non, parce qu’elle n’est pas exercée par les professionnels mais aussi parce que beaucoup de chefs d’entreprise ignorent son importance bien qu’elle soit une exigence réglementaire au Cameroun dans les arrêtés 015/MTPS/IMT et 039/MTPS/IMT
Quels sont les secteurs d’activités où elle est bien ressentie et les secteurs les moins présents?
Pour le moment seul le secteur formel essai d’utiliser les services d’un médecin spécialiste en santé au travail ou d’un autre médecin agrée par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Le secteur informel par contre ignore l’existence de cette spécialité médicale. Je suis peut-être sévère dans mon propos, mais c’est la triste réalité. Je suis d’ailleurs arrivée à cette conclusion après une étude faite en 2009 dans le cadre de mon mémoire sur le thème suivant «Santé et sécurité dans les métiers de l’économie informelle au Cameroun: Etat des lieux».
Globalement quels sont les problèmes auxquels fait face un médecin du travail au Cameroun?
Les problèmes sont nombreux. Les médecins spécialisés triment encore pour avoir l’agrément du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Les entreprises de la place recrutent encore des médecins généralistes ayant un agrément ou pas pendant que les médecins spécialisés sont au chômage. Pourtant selon l’article 2 du chapitre 1 du décret N°79/96 du 21 mars 1979 «Les fonctions de médecins du travail sont réservées aux docteurs en médecine titulaire d’un diplôme en médecine du travail et hygiène industrielle ou tout autre titre de spécialité équivalent. Toutefois, en cas de pénurie de praticiens spécialisés, l’exercice de la médecine du travail peut être étendu aux autres médecins, compte tenu des besoins et des nécessités locales». Le médecin du travail reste mal rémunéré pourtant c’est lui qui favorise l’accroissement des gains de l’entreprise en préservant la santé des travailleurs. Les modalités de fixation des honoraires relatifs à la convention de visite et de soins à temps partiel sont fixées par l’arrêté N° 025/MTPS et 042/MSP qui prévoit deux possibilités de fixation. Le règlement en fonction de l’effectif à raison de 850F par personne couverte et par mois, le règlement en fonction du volume horaire à dispenser par le médecin pour le compte de votre entreprise à savoir 6500F par heure (cette option est souvent choisie pour les entreprises ayant une infirmerie ou un service médical au sein de l’entreprise. Dans un cas comme dans l’autre, un forfait devra être négocié pour couvrir les charges relatives à l’indemnité kilométrique de transport et de déplacement, au frais de location du matériel médical du médecin et de communication. Les dispositions réglementaires sur la fixation des honoraires du médecin datent de 1982 et ne correspondent pas à la réalité financière de nos jours. A cet effet, il est indispensable de négocier avec le prestataire un ajustement pour compenser cet écart financier.
Que faire pour y remédier?
Délivrer des agréments en médecine du travail aux médecins spécialistes dans ce domaine juste sous présentation du diplôme. Recruter en priorité des médecins spécialisés en médecine du travail dans les entreprises afin de bénéficier de l’expertise de ce dernier mieux outillé pour ce poste et revoir la rémunération du médecin du travail pour lui permettre de vivre décemment de son activité.
Que faites vous en dehors de la médecine du travail? Et vos hobbies?
Je fais de la médecine générale aussi qui est la base avant toute spécialité. J’ai été aussi parmi les premiers médecins du SAMU de Douala. Je suis également membre d’une association à but non lucratif dont le leitmotiv est l’action sociale. Nous n’arrivons pas toujours pas à faire ce que nous voulons à cause de nos moyens limités mais cela ne nous décourage pas pour autant. Dès que j’ai une minute je la consacre à ma famille qui ne profite pas toujours de moi à cause de mes occupations. La cuisine me passionne beaucoup. J’aime aussi écouter la musique
Quels sont vos projets prioritaires pour l’avenir?
Je pense beaucoup au secteur informel qui jusque là reste non ou mal encadré dans leur sécurité et leur santé au travail. Je n’en dirai pas plus pour des raisons de stratégie.
Qu’est ce qui vous marque le plus au Cameroun?
Je suis très ravie de la paix qui règne au Cameroun mais la corruption et l’impunité restent les grands maux qui minent notre pays. Je voudrai que les jeunes soient davantage promus à des postes de responsabilités lorsqu’ils le méritent
Quel est votre avis sur la médecine en général au Cameroun?
Je suis un peu choquée par le comportement de certains confrères qui oublient qu’ils ont prêté serment pour servir les patients et non pour se servir eux-mêmes. L’accessibilité aux soins de première nécessité reste un calvaire pour beaucoup de Camerounais. D’où l’importance d’une assurance maladie, ou d’une mutuelle de santé ou mieux de la sécurité sociale pour tout le monde.
Croyez-vous en Dieu?
Oui, j’ai été éduquée par mes parents dans la crainte de Dieu. Tout acte que je pose se fait dans le respect des lois divines.