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Les aventures de Faka Bilumba N°73, la chronique de François Zo’omevele Effa

«Mais il se trouve que tu ne peux pas t’en passer, de ces étrangers. Il y a chez eux des trésors que tu n’as pas. Les trésors de leurs sous-sols…»

Comment faire pour être soi, être soi et non pas « original » ? Comment faire aujourd’hui pour ne plus être, pour ne pas être « comme il faut être » ? Cet épineux problème de l’ « être » se pose avec acuité et afin d’y apporter des réponses qui ne soient pas « mondialisées », certains sages ont innové, donnant la parole à des peuples qui ont beaucoup souffert, et qui continuent de souffrir de ne point être consultés quand on parle d’eux ! C’est donc une tribune on ne peut plus originale qui s’ouvre. On s’exprime.

« Moi, je suis le raciste. Je suis un raciste, un vrai, à qui on ne donne jamais la parole. Oui, je ne comprends pas pourquoi on me reproche de détester les autres races, moi qui suis de la race qui gagne, qui domine, qui commande, qui décide ! Sachez donc, vous qui n’arrivez pas à comprendre, que la compréhension, la raison, le savoir, la connaissance, bref, je suis, moi, la référence de toutes les valeurs, des normes et des pratiques. Ma pratique, mes pratiques existentielles donnent des résultats que tout le monde connaît mais n’approuve qu’à mi-voix. N’ai-je donc pas, dans le fondement même de ma supériorité biologique, esthétique, morale, religieuse, assujetti les autres pour mon rayonnement ? Je suis le Blanc occidental, fier de nos conquêtes ancestrales. Nous avons, nous les dominants, institué la traite négrière qui nous a enrichis et continue à le faire. Nous sommes allés envahir chez eux des sauvages, des barbares -chez eux, en Afrique, en Amérique, en Inde- ! Nous leur avons imposé nos langues, nos coutumes, nos valeurs, qui sont la civilisation, la vraie. Nos plus grands exemples et témoignages sont l’apartheid en Afrique du Sud, en Rodhésie -l’actuel Zimbabwé- et aux Etats-Unis avec la ségrégation raciale. On prétend qu’il y a eu des exactions quand Tonton Adolphe a érigé le système chez nous et s’en est pris aux Juifs, aux Gitans, aux infirmes et surtout aux non Ariens ! Alors, nous sommes obligés de nous renier, de mettre de l’eau dans notre vin, dans nos coupes de haine des autres races ! »

« Tu n’as pas besoin de te définir. Moi, la victime du racisme, je te reconnais pour avoir à te subir à tous les moments de ma vie d’Africain, d’Indien, bref, de non « bon Blanc » ! Ta monnaie, tes monnaies sont les plus fortes, les plus puissantes. Tes matières premières les plus chères, les miennes, toujours bradées ! Je vais te dire : à force de te pratiquer, je sais te débusquer sous tes déguisements. Tiens, en France, tu n’as pas besoin d’une étiquette politique pour que je te reconnaisse. Tu agis même parmi les socialistes, les communistes, sans compter les partis de droite. C’est toi, le raciste, qui nous fait trembler lorsque nous passons la porte du bureau des Etrangers dans les préfectures de France… D’ailleurs, c’est vous, les racistes les plus violents, que les responsables des préfectures françaises sélectionnent pour accueillir les étrangers dans les bureaux ! On te retrouve en grand nombre dans les commissariats, les gendarmeries. Tu te distingues par ton tutoiement systématique lors des contrôles d’identité au faciès. Tu n’as pas envie, jamais envie, de prendre les plaintes déposées contre des Blancs racistes. Dans les entreprises, n’en parlons pas ! La loi discrimine déjà les étrangers par rapport à certains métiers. Fonctionnaire, on pourrait le comprendre, mais ouvrir une officine, un débit de tabac ou un débit de boisson est interdit aux étrangers. Et, dans le même temps, vous inondez leurs pays de vos médicaments, de vos cigarettes et de vos boissons avec ou sans alcool ! Ce n’est pas sorcier, même dans vos O.N.G. à l’étranger ou dans la majorité de vos associations qui s’occupent d’étrangers, ces derniers n’ont droit qu’à des postes subalternes. Ce n’est pas toi, Virginie, qui me dira le contraire ! »

« En effet, moi, Virginie, je suis noire, antillaise. Je suis professeur d’anglais, professeur agrégée. Lorsque je suis arrivée en salle de professeurs dans le lycée de province ou j’ai été affectée cette année, mes futurs collègues qui se trouvaient là, ne me connaissant pas, m’ont dit aussitôt : « Hé ! Tu te trompes de salle : pour les femmes de ménage, c’est au fond du couloir ! » Sans les écouter, j’ai continué à m’installer, cherchant mon casier. C’est alors que l’un d’eux s’est mis à m’expliquer en petit nègre : « Toi, Fatima, ou Fatou, ou Aminata, ici pas pour toi, ici pour professeur. Toi partir au fond du couloir là-bas ! » Et tout le monde a bien rigolé, l’un demandant même aux autres s’ils étaient sûrs que je comprenais ce que voulait dire le mot « professeur » ! Le proviseur est entré sur ces entrefaites et leur a dit : « Oui, elle sait très bien ce que signifie le mot « professeur », car je vous présente votre nouvelle collègue, Virginie B., professeur agrégée d’anglais. »

…Par bonheur, j’ai rencontré dans le métro un artiste, qui a adapté la chanson de Maxime Le Forestier, « Parachutiste », en en faisant « Le Raciste » :

T’avais à peine deux ou trois ans,
Quand on t’a fourré dans la tête
Que ceux qui n’étaient pas gaulois
Etaient des bêtes…
C’est pas exprès qu’t’étais raciste,
Toi le Raciste

Les manuels scolaires, les télés, les radios ont contribué à ton éducation, ton endoctrinement. On t’a convaincu que les étrangers étaient des cons, des idiots, pire des bêtes sauvages, qui venaient voler ton travail, ton pain, tes vêtements. Ils étaient ce « sang impur » contemporain qu’il fallait éliminer, sinon…

Mais il se trouve que tu ne peux pas t’en passer, de ces étrangers. Il y a chez eux des trésors que tu n’as pas. Les trésors de leurs sous-sols, tu ne peux t’en passer. Ils ont aussi des trésors en matière de foot, et de sport en général. Et, pour toi comme pour eux, les frontières, ça n’existe plus, c’est ton triste sort.

Je voudrais juste dire à Marine, à son père, à Zemmour, aux guerroyeurs philosophes en blanc, terrasseurs de Khadafi et qui n’osent plus ouvrir leur bec à propos de la Syrie, je voulais leur annoncer la mort du racisme, cette maladie mentale éradiquée par les concepts forts de l’amour et de l’amitié.

www.ekilafrika.com

François Zo’omevele Effa
Journalducameroun.com)/n


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