Lutte contre Boko Haram et coopération militaire, soutien aux réfugiés, qualité des relations entre les deux pays depuis la période coloniale à ce jour
Visite de solidarité, ainsi a résumé François Hollande vendredi, 03 juillet, concernant l’objet de son court séjour au Cameroun. Arrivé à l’aéroport international de Yaoundé Nsimalen à 17h20, avec le ministre des Finances, Michel Sapin; des parlementaires et hommes d’affaires français, le président de la République française est reparti samedi, aux alentours de 00h30, après avoir rempli un agenda bien défini: tête à tête avec son homologue camerounais au Palais de l’unité, conférence de presse, dîner d’Etat, rencontre avec la communauté française et des personnalités camerounaises (représentants de partis politiques et membres de la société civile) à la Résidence de France. Synthèse de ces différentes activités.
Sécurité
La lutte contre Boko Haram a occupé l’essentiel des discussions entre Paul Biya et François Hollande sur le plan sécuritaire. En conférence de presse, au sortir de leur entretien qui a duré près d’une heure, les deux chefs d’Etat ont reconnu les résultats obtenus par l’armée camerounaise sur le terrain. Paul Biya s’est félicité de ce qu’elle a infligé «un sérieux revers» et de ce qu’elle «a su préserver l’intégrité de notre territoire» (le Cameroun, ndlr). Le président camerounais a également reconnu l’appui apporté «et que continue d’apporter» la France.
François Hollande s’est pour sa part largement appesanti sur la nature du soutien apporté par son pays contre le groupe terroriste d’essence nigériane. Il a ainsi rappelé que Paris a uvré, la première, pour la coordination des actions sur le terrain en réunissant, le 17 mai 2014, les chefs d’Etat du Nigéria, du Cameroun, du Tchad, du Bénin et du Niger autour d’une même table.
«Le bilan que nous pouvons en faire est encourageant», a estimé le président français. Dans le détail, il a relevé: «Nous avons une structure de partage de renseignements, nous avons une cellule de liaison au niveau militaire, l’aviation française réalise régulièrement un survol des zones où Boko Haram sévit et nous pouvons fournir ainsi aux armées du Cameroun, du Tchad, du Niger, du Nigéria, les images qui sont attendues.» Le président français a ajouté que l’armée française va continuer à fournir des images aux pays de la coalition formée contre Boko Haram, et que la coopération va mettre davantage l’accent sur la formation des militaires.
Tout en saluant la visite annoncée de Muhammadu Buhari au Cameroun, prévue après la fin du jeûne du Ramadan, la France s’est dite disposée à réunir de nouveau les présidents camerounais et nigérian, lorsqu’ils lui proposeront une date, pour appuyer la coopération entre ces Etats voisins. «Il faut que le Nigéria et le Cameroun aient les meilleures relations, les meilleurs rapports pour agir», a soutenu M. Hollande.
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François Hollande |
S’adressant à ses compatriotes à la Résidence de France, après l’étape du Palais de l’Unité, François Hollande est revenu sur les discours de certains médias tendant à accuser la France de complicité dans l’insurrection de Boko Haram, insurrection qui frappe le nord-est du Nigéria et qui touche sporadiquement certaines localités de l’Extrême-Nord du Cameroun. «Il y a ceux qui estiment que la France ne fait pas tout ce qu’elle devrait faire ici au Cameroun. Il y en a même qui ont inventé qu’on pourrait avoir quelque inclinaison pour Boko Haram. Il faut vraiment avoir l’esprit un peu torturé, torturé par Boko Haram j’imagine. Je ne comprends même pas qu’on puisse l’imaginer, parce que nous luttons, nous appuyons tout ce que les pays concernés font et ce que nous avons à faire», a déclaré le président. «Ça fait partie, j’imagine, des polémiques qui existent dans chaque pays», a-t-il estimé.
Les questions concernant Boko Haram ont aussi tourné autour du désastre humanitaire causé par le groupe terroriste. François Hollande a félicité le Cameroun pour l’accueil réservé aux milliers de réfugiés nigérians identifiés dans la région de l’Extrême-Nord. Tout en indiquant que l’Union européenne et son pays ( via des appuis accordés au HCR, au PAM, à la Croix-Rouge) apportent déjà des contributions, le président français a appelé la communauté internationale à soutenir le Cameroun. L’aide française «sera poursuivi et amplifié. Je m’y engage», a-t-il promis.
Dernier sujet abordé sur le plan sécuritaire, et non le moindre, la situation en Centrafrique. Paul Biya a félicité la France pour l’intervention militaire au Mali et en Centrafrique. Concernant ce pays, le président camerounais a salué l’«action fort appréciable et appréciée pour restaurer l’Etat de droit en RCA». François Hollande s’est également réjoui, indiquant que la force française Sangaris est en train de passer le relais à la force de l’ONU (la Minusca) pour poursuivre la pacification de la Centrafrique, où une élection présidentielle aura lieu en octobre.
Relations France – Cameroun
La visite d’Etat de Francois Hollande au Cameroun le 03 juillet marquait la première d’un chef d’Etat dans «l’Afrique en miniature» depuis quinze ans. «Comment comprendre?», s’est interrogé M. Hollande à la Résidence de France. «Peut-être parce que, justement quand on est amis, on n’a pas besoin de se rencontrer ou qu’on attend que les autorités camerounaises viennent jusqu’à nous», a-t-il supputé. «J’ai considéré que mon devoir, mon rôle, ma place, c’était d’être là dans cette partie-là de l’Afrique, avec vous ce soir, pour que la France puisse répondre à l’espérance qu’elle suscite». «Nous suscitons toujours des attentes très fortes, de la part des Français quelques fois, mais aussi de tous ceux qui ont pour la France une affection, presqu’un amour», a-t-il cependant expliqué.
«Je viens aussi pour que la France soit au rendez-vous, toujours au rendez-vous. La France elle ne veut rien imposer, la France elle vient en solidarité avec l’Afrique. La France sait qu’elle est attendue en Afrique», a réitéré le président français.
Par le biais d’une délégation de la Société des Nations d’abord, puis des Nations Unies, la France, tout comme la Grande Bretagne, a exercé un mandat après la fin du protectorat allemand (1916), et une tutelle sur le Cameroun jusqu’à son indépendance (1960).
«Excellente coopération», entre la France et le Cameroun depuis la période coloniale jusqu’à ce jour, a jugé le président camerounais.
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François Hollande |
«C’est le dernier moment de notre déplacement. C’est dire l’importance que nous lui apportons et le souhait qui était le nôtre de pouvoir venir à votre rencontre», a relevé François Hollande auprès de la communauté française, parlant de sa visite au Cameroun, après le Bénin et l’Angola, les deux jours précédant le 03 juillet 2015.
Un peu plus d’une heure avant cette déclaration, François Hollande répondait en conférence de presse à la question du passif historique, longtemps demeuré tabou, sur la responsabilité de la France dans le massacre de dizaines de milliers de nationalistes et indépendantistes camerounais entre 1955 et 1971.
«C’est vrai qu’il y a eu des épisodes extrêmement tourmentés, et tragiques mêmes. Puisqu’après l’indépendance, il y a eu une répression en Sanaga maritime, au pays bamiléké et nous sommes, comme je l’ai fait partout, ouverts pour que les livres d’histoire puissent être ouverts; et les archives aussi», a déclaré François Hollande.
«La France regarde toujours avec lucidité son passé», a redit M. Hollande devant ses compatriotes vivant au Cameroun. Ici, le président français a cependant indiqué que les relations entre les deux pays se portent bien, en témoigne la «solidarité humaine» observée. D’après les chiffres du président français, on recense aujourd’hui à peu près 8000 étudiants camerounais en France et près de 50.000 Camerounais vivant dans ce pays. La communauté française au Cameroun avoisinerait quant à elle 6000 personnes, auxquelles il faut ajouter les binationaux.
«Je n’oublie pas que la Communauté française ici au Cameroun a été profondément marquée par les enlèvements qui se sont produits: la famille Moulin-Fournier, puis ensuite le père Georges Vandenbeusch et cette inquiétude qui a été la vôtre de savoir si ces personnes allaient pouvoir être libérées. Elles l’ont été, dans un délai plutôt rapide, même si c’est toujours trop long pour les familles concernées, et grâce à l’intervention du président Biya.», a reconnu François Hollande en compagnie de Christine Robichon, l’ambassadrice, devant des Français vivant au Cameroun.
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